ACCORDS MINORITAIRES : DE NOUVELLES PRÉCISIONS SUR LA CONSULTATION DES SALARIÉS

Publié le 19/01/2022

Dans un arrêt récent, publié au Bulletin, la Cour de cassation s’est prononcée sur les conditions de contestation de la consultation des salariés pour valider un accord minoritaire. Elle a également rappelé le périmètre de cette consultation qui concerne l’ensemble des salariés de l’établissement dans lequel elle est organisée. Cass.soc. 05.01.2022, n° 20-60.270.

Contestation du référendum de validation des accords collectifs minoritaires

Dans cette affaire, deux accords collectifs d’entreprise ont été signés par des organisations syndicales représentant plus de 30 % mais moins de 50% des suffrages exprimés aux dernières élections professionnelles. L' un concernait la détermination de l'enveloppe consacrée à la reconnaissance des compétences individuelles, des expertises et des prises de responsabilité ; l'autre était relatif au droit d'expression des salariés.

L’employeur a convoqué les organisations syndicales représentatives de l’entreprise en vue de définir les modalités d’organisation d’une consultation des salariés pour la validation de ces deux accords.

Depuis le 1er mai 2018, le principe est celui de l’accord majoritaire. Ainsi, pour être valable, un accord doit recueillir la signature d’une ou de plusieurs organisations syndicales représentative(s) (OSR) ayant recueilli plus de 50 % des suffrages exprimés en faveur d'OSR au premier tour des dernières élections des titulaires au CSE, quel que soit le nombre de votants.

Cependant, pour éviter que le seuil des 50 % n'entraîne des situations de blocage, la loi prévoit un mécanisme de « rattrapage » : la validation d’un accord minoritaire par consultation des salariés (aussi appelée référendum). De cette façon, si l'accord est signé par des OSR représentant plus de 30 % des suffrages aux élections, une ou plusieurs de ces organisations pesant plus de 30 % peuvent solliciter l’organisation d’une consultation visant à valider l’accord(1). 

Les négociations du protocole préélectoral ayant échoué, un procès-verbal de désaccord a été établi. L'employeur a donc fixé unilatéralement les modalités d'organisation de la consultation des salariés, excluant notamment les salariés en contrat à durée déterminée (CDD) de la liste des électeurs.

Moins de 15 jours après le déroulement cette consultation, un syndicat non-signataire a saisi le tribunal d'instance (aujourd’hui tribunal judiciaire) d'une demande d'annulation du référendum. Sur la forme, il contestait les conditions de déroulement de cette consultation et sur le fond, l’exclusion des salariés en CDD du vote.

Le Code du travail prévoit que les contestations relatives à la liste des salariés devant être consultés et à la régularité de la consultation doivent être introduites dans un délai de 15 jours devant le tribunal judiciaire qui statue en dernier ressort. (2)

Le tribunal d’instance a déclaré la demande d’annulation irrecevable. Les juges du fond ont en effet retenu que le référendum avait déjà eu lieu et que certaines clauses des accords soumis à consultation avaient déjà été mises en œuvre. Ils ont ajouté que le syndicat contestait, dans le cadre d'une instance distincte, la validité des accords collectifs en question.

C’est ainsi que le syndicat s’est pourvu en cassation. Il reprochait aux juges d’avoir déclaré irrecevable sa demande alors même qu’elle avait été formulée dans le délai légal. De plus, il faisait grief au jugement de rejeter sa demande relative au périmètre du vote.

La Cour de cassation lui a donné raison.

La contestation formée dans les 15 jours est recevable

La Haute Juridiction rappelle que : la contestation de la régularité de la consultation doit être formée dans le délai de 15 jours suivant la proclamation des résultats du scrutin.

Aussi, la contestation sur les conditions de déroulement de la consultation ayant bien été formée dans les 15 jours suivants, elle était recevable. Et ce, peu important que le contenu des accords soit par ailleurs contesté ou que certaines de ses clauses aient déjà été mises en œuvre.

La consultation concerne tous les électeurs

La chambre sociale rappelle que :l'ensemble des salariés de l'établissement qui remplissent les conditions pour être électeurs dans l'entreprise doivent être consultés..

La loi donne peu de précisions sur le périmètre de la consultation des salariés. Selon l’article L.2232-12 du Code du travail, dans les établissements pourvus d’un ou plusieurs délégués syndicaux, « les salariés des établissements couverts par l’accord et électeurs » participent à la consultation.

Ce faisant, la Cour de cassation confirme sa jurisprudence du 9 octobre 2019(3), par laquelle elle a pour la  première fois précisé les règles relatives aux modalités de consultation des salariés. Elle a jugé que tous les salariés ayant la qualité d’électeurs au sein de l’entreprise ou de l’établissement concerné pouvaient participer à la consultation, la loi visant bien les établissements (et non des salariés) « couverts par l’accord ».

La CFDT avait salué cette décision favorisant un périmètre de la consultation cohérent avec la légitimité électorale des organisations syndicales.

Par conséquent, dans cette affaire, l’employeur ne pouvait exclure de la consultation les salariés en CDD au motif qu’ils n'étaient pas couverts par l’accord.

Attention toutefois ! Dans le cadre d’un accord minoritaire catégoriel, la consultation doit être organisée à l’échelle du collège électoral, de sorte que seuls les salariés électeurs relevant de ce collège seront consultés.


(1) Art. L.2232-12 C.trav.

(2) Art. R. 2232-5 et R. 2314-24 C. trav.

(3) Cass.soc.09.10.19, n° 19-10.816.

TÉLÉCHARGEMENT DE FICHIERS