Référendum patronal : validation par le Conseil d’Etat

Publié le 24/04/2019

Un recours devant le Conseil d’État avait été engagé par la CFDT (ainsi que FO et Solidaires) suite à la publication du décret n°2017-1767 du 26 décembre 2017 relatif aux modalités d’approbation des accords dans les très petites entreprises. L’objectif était d’en obtenir l’annulation. Ce recours vient d’être rejeté et le décret validé. CE, 418619, 1.04.19.

Un décret conforme à nos engagements internationaux. C’est ce qu’il faut retenir à la lecture de l’arrêt du Conseil d’Etat, qui balaye d’un revers de main nos arguments.  Nous soutenions en effet que le décret, mais aussi les dispositions légales dont il est issu, sont contraires à la Constitution et aux Conventions internationales et européennes en ce qu’ils portent atteinte aux principes de la liberté syndicale, de participation et au droit d’organisation et de négociation collective.

  • Rappel du contenu des textes

Ce décret a été pris en application de l’article 8 de l’ordonnance Macron n°2017-1385 du 22 septembre 2017 relative au renforcement de la négociation collective.

Cette ordonnance prévoit notamment la possibilité pour l’employeur de soumettre à référendum des « accords » élaborés de manière unilatérale dans les entreprises sans délégué syndical de moins de 11 salariés, ainsi que dans celles de 11 à 20 salariés en cas d’absence d’élu de la délégation du personnel du CSE.

Pour être valide et avoir la même valeur qu’un accord d’entreprise, celui-ci doit être ratifié à la majorité des 2/3 du personnel. Il est aussi prévu que la consultation a lieu à l’issue d’un délai minimum de 15 jours à compter de la communication à chaque salarié du projet « d’accord » (1). 

  • Le référendum patronal, la ligne rouge de la CFDT

Dès les ordonnances, la CFDT a fait du référendum patronal son cheval de bataille. Nous avions notamment décidé d’engager un contentieux devant le Conseil d’État contre les ordonnances sur le point précis du référendum, ceci avant leur ratification. Seulement, cette ratification étant intervenue avant que le Conseil d’État ne se soit prononcé sur le recours, celui-ci a perdu son objet puisque par la ratification, les ordonnances ont acquis valeur législative.

La CFDT a alors décidé de poursuivre en contestant cette fois le décret mettant en œuvre le référendum patronal (articles R.2232-10 à 13 du Code du travail et R.221-28-1 du Code de l’organisation judiciaire).  C’est sur ce dernier recours que le Conseil d’État vient de rendre sa décision (Arrêt du 1er avril 2019 n°417652).

  • La lecture du référendum patronal par le Conseil d’Etat à la lumière des textes européens et internationaux

- Des conventions internationales non mobilisables contre le référendum patronal

Nous invoquions la violation de l’article 4 de la convention internationale du travail n°98 relatif au droit de négociation collective et de l’article 5 de la convention internationale du travail n°135 relatif à la présence et la coopération entre des représentants élus et des représentants des syndicats dans les entreprises(2).

Pour le Conseil d’Etat, le premier de ces deux textes ne dispose pas d’effet direct en droit français et ne pouvait par conséquent pas être invoqué utilement devant les juges. Quant au second texte, il précise que celui-ci n’est pas applicable au cas du référendum patronal, lequel n’a vocation à s’appliquer que lorsque l’entreprise est dépourvue de représentants syndicaux et de représentants élus du personnel.

Une conformité à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (CEDH)

Nous invoquions également la violation de l’article 11(3) de la CEDH qui garantit le droit de fonder des syndicats et de s’y affilier, duquel découle, selon la jurisprudence de de la Cour européenne, le droit de mener des négociations collectives avec l’employeur.

Pour le Conseil d’État, l’objectif du législateur est de « à pallier l’absence fréquente de représentants des salariés pouvant participer à leur négociation dans les petites entreprises ». Il rappelle également que dans les entreprises de moins de 11 salariés, les dispositions « ne prévoient la possibilité pour l’employeur de soumettre un projet d’accord à la consultation du personnel que si l’entreprise est dépourvue de délégué syndical ». Il ajoute enfin que dans les entreprises de onze à vingt salariés, « cette possibilité n’est ouverte qu’en l’absence tant de délégué syndical que de membre élu de la délégation du personnel du comité social et économique ».

Pour lui, le référendum patronal « ne fait pas obstacle à la négociation et à la conclusion d’un accord d’entreprise » avec des salariés expressément mandatés par des organisations syndicales représentatives dans la branche ou à défaut, au niveau national et interprofessionnel.

Par ailleurs, il rappelle qu’un « délai de quinze jours au moins doit séparer la communication à chaque salarié du projet d’accord de l’organisation de cette consultation, de façon, notamment, à permettre aux salariés de consulter, s’ils le souhaitent, les représentants de l’organisation syndicale de leur choix ».

Pour l’ensemble de ces raisons, le Conseil d’Etat considère que le décret est conforme à l’article 11 de la CEDH.

L’arrêt du Conseil d’État clôt ainsi le contentieux interne en matière administrative. La CFDT ne peut se satisfaire d’une telle décision qui confirme la conventionalité du référendum patronal dans les petites entreprises, tant sur le principe même que sur le contenu de celle-ci.



(1) Art. L. 2232-21 à L. 2232-23 C.trav

(2) Art.4 : « lorsqu’une entreprise compte à la fois des représentants syndicaux et des représentants des élus, des mesures appropriées devront être prises, chaque fois qu’il y a lieu, pour garantir que la présence de représentants élus ne puisse servir à affaiblir la situation des syndicats intéressés ou de leurs représentants, et pour encourager la coopération, sur toutes questions pertinentes, entre les représentants élus, d’une part, et les syndicats intéressés et leurs représentants, d’autre part ».

(3) « le droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association, y compris le droit de fonder avec d’autres des syndicats et de s’affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts »