Activité partielle : un nouveau dispositif par accord pour le maintien de l’emploi

Publié le 10/06/2020

Les parlementaires se sont mis d’accord en commission mixte paritaire sur la création d’un nouveau dispositif de recours à l’activité partielle de longue durée. Ce nouveau cas de recours à l’activité partielle a pour particularité d’être conditionné à la signature d’un accord, quel que soit son niveau, et de comporter des engagements en contrepartie de la mise en activité partielle, notamment en termes de « maintien de l’emploi ». Si la loi en prévoit l’ossature générale, un certain nombre de points doivent être précisés dans un décret à venir.

Loi prévoyant diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne, article 1er, vicies (votée le 10.06 au Sénat).

  • L’activité réduite pour le maintien de l’emploi (ARME)

Le Gouvernement a souhaité s’inspirer de propositions issues de la Métallurgie afin de créer un dispositif de recours à l’activité partielle favorisant le maintien de l’emploi, déployé sur une durée plus longue que celle que supposent les cas existants. Lors des débats au Parlement, le texte, qui se présentait à l’origine comme une habilitation à prendre des mesures par ordonnance, s’est finalement transformé en un texte de loi autonome. Il ne nécessite donc pas la prise d’une ordonnance, ni celle d’une loi de ratification.  Toutefois, un décret en Conseil d’Etat est à venir et devra préciser certains points.

Le but affiché de ce nouveau dispositif est d’« Assurer le maintien dans l’emploi dans les entreprises confrontées à une réduction d’activité durable qui n’est pas de nature à compromettre leur pérennité ».

En théorie donc, le dispositif n’a pas vocation à s’appliquer aux entreprises dans lesquelles des mesures de réorganisation ou de suppressions d’emploi sont envisagées ou ont été prises.

En revanche, il peut faire concurrence, voire se cumuler dans certains cas, avec un accord de performance collective. En effet, l’ARME suppose d’abord l’existence d’un accord collectif, quel que soit son niveau (établissement, entreprise, groupe, branche). De prime abord, la proximité des objectifs de ces deux types d’accord peut inquiéter. Ce serait oublier que les APC ont désormais un champ très large, alors que le présent dispositif semble présenter davantage de garanties en matière d’engagements pris en contrepartie, même si ceux-ci ne sont pas, aux termes de la loi, obligatoirement et dans tous les cas des engagements de maintien de l’emploi, contrairement à l'objectif affiché du dispositif.

Par ailleurs, ce dispositif repose sur un système d’homologation/validation par l’administration. Le contrôle est plus poussé si son recours se fait par document unilatéral, précisant l’application des stipulations d’un accord de branche, que s’il se fait par accord d’entreprise, d’établissement ou de groupe.

  • Les conditions de recours à l’ARME

La principale condition pour prétendre recourir à l’ARME est d’avoir conclu ou d’être dans le champ d’un accord collectif.

Cet accord collectif peut indifféremment être :

-un accord d’établissement,

-un accord d’entreprise,

-un accord de groupe,

-un accord de branche étendu par arrêté ministériel après avis de la CNNC.

Si l’accord est un accord de branche étendu, l’entreprise qui souhaite bénéficier du dispositif doit en outre élaborer un document unilatéral (DU) conforme à cet accord et définissant les engagements spécifiques en matière d’emploi. Ce document est soumis à la consultation du CSE, « s’il existe ».

Dans tous les cas, l’accord doit porter sur les points suivants :

- sa durée d’application,

- les activités et salariés concernés par l’activité partielle spécifique,

- les réductions de l’horaire de travail pouvant donner lieu à indemnisation,

- les engagements souscrits en contrepartie, notamment pour le maintien de l’emploi.

 

  • Un régime d’activité partielle à part

Les deniers publics étant sollicités, la loi crée un système d’homologation/validation par l’administration qui accorde les aides. L’accord (d'établissement, de groupe, d'entreprise) est transmis à l’administration pour validation. Le document unilatéral, élaboré en application de l’accord de branche, est transmis pour homologation. Les accords ou documents unilatéraux pourront être transmis à l’administration au plus tard le 30 juin 2022.

En cas de validation, c’est-à-dire si on est en présence d’un accord d’entreprise, d’établissement ou de groupe, le contrôle porte sur les points suivants :

- la validité de l’accord et régularité de la procédure de négociation,

- la présence dans l’accord de l’ensemble des points obligatoires.

Si un avenant est conclu, une nouvelle validation est nécessaire.

La décision de l’administration est notifiée à l’employeur, au CSE s’il existe, et aux OSR signataires « lorsqu’elles existent », dans un délai de 15 jours à compter de la réception de l’accord. Le silence de l’administration vaut acceptation.

La mention du fait que la notification se fait aux « organisations syndicales signataires lorsqu’elles existent » confirme malheureusement la possibilité, comme pour tout accord, de recourir au référendum patronal…

En cas d’homologation, c’est-à-dire si on est en présence d’un DU en application d’un accord de branche étendu, le contrôle est plus poussé et porte sur les points suivants :

- la régularité de la procédure d’information-consultation du CSE,

- la présence dans le document de l’ensemble des points obligatoires,

- la conformité du DU aux stipulations de l’accord de branche,

- la présence d’engagements spécifiques en matière d’emploi.

En cas de reconduction ou d’adaptation du DU, une nouvelle homologation doit être demandée.

La décision de l’administration est notifiée à l’employeur et au CSE « s’il existe » dans un délai de 21 jours à compter de la réception de l’accord. Le silence de l’administration vaut acceptation.

Par ailleurs, le régime de l’ARME se distingue de celui de l’activité partielle « classique » par le fait que certaines dispositions ne lui sont pas applicables.

Ainsi, en cas d’activité partielle mise en place par l'ARME, il n’y aura pas de possibilité :

- de bénéficier d’une indemnité majorée pendant le temps de formation,

- ni d’utiliser le placement en activité partielle individualisée.

En outre, la loi prévoit que les dispositions des accords relatifs à l’activité partielle conclus avant l’entrée en vigueur de la loi ne sont pas applicables à l’ARME.

Enfin, nombre de points doivent être précisés par le Décret et sont actuellement en cours de discussion.  

Selon les termes de la loi, un décret doit encore préciser :

 - le contenu de l’accord ;

- les conditions d’application et de renouvellement du DU ;

- les conditions et les cas dans lesquels le pourcentage de l’indemnité et le montant de l’allocation peuvent être majorés, selon des caractéristiques liées à l’activité de l’entreprise.

Pour la CFDT, ce décret doit être l’occasion de renforcer la nécessité de réels engagements sur l’emploi qui, en l’état du texte de loi, ne sont contrôlés qu’en cas de document unilatéral, et de définir les autres types d’engagement qui pourraient figurer dans de tels accords.