Assurance chômage : les règles vont (encore) se durcir !

Publié le 17/01/2023

En fin d’année dernière, le législateur a permis la suppression du droit à l’allocation d’assurance chômage dans deux nouvelles situations : en créant une présomption de démission et à la suite des refus de conclure un CDI proposé par l’employeur. En parallèle, le législateur a autorisé une baisse de la durée de versement de l’allocation en fonction de critères conjoncturels.

Nous vous proposons ici un tour d’horizon de ces différentes mesures, dont les décrets sont encore attendus. Loi n° 2022-1598 du 21 décembre 2022 « portant mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi ».

La présomption de démission 

La loi du 21 décembre 2022 crée un nouvel article, le L. 1237-1-1, dans le Code du travail instituant la présomption de démission. Il s’insère dans une partie intitulée « rupture à l’initiative du salarié » alors même, nous allons le voir, que l’initiative appartient en réalité à l’employeur qui déclenche la procédure.

Son principe est le suivant : « Le salarié qui a abandonné volontairement son poste et ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure de justifier son absence et de reprendre son poste, par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge, dans le délai fixé par l'employeur, est présumé avoir démissionné à l'expiration de ce délai. »

Cette disposition a été proposée par les députés LR afin, selon l’exposé sommaire de leur amendement, de limiter la pratique de l’abandon de poste en le sanctionnant par la suppression du bénéfice de l’allocation d’assurance chômage.

La démission ne permet pas en principe de bénéficier de l’allocation de retour à l’emploi (Are).

En effet, l’allocation est versée aux salariés dont la perte d’emploi est involontaire ou assimilée comme telle (1).

Toutefois, par exception certaines démissions sont considérées comme légitime par le règlement d’assurance chômage (en cas de non-paiement du salaire, en cas de changement de résidence suite à des violences conjugales…). Également, depuis 2019 le bénéfice de l’Are est ouvert en cas de démission pour mener à bien un projet de reconversion professionnelle, sous réserve de remplir certaines conditions avant la démission.

Enfin, une instance paritaire peut décider d’accorder le bénéfice de l’Are à un salarié démissionnaire sans indemnisation depuis au moins 121 jours et qui a entrepris des démarches pour retrouver un emploi.

Cet amendement semble avoir pour origine une croyance assez répandue, qui veut que l’ « abandon de poste » (2) serait la solution ultime pour permettre à un salarié de bénéficier de l’assurance chômage lorsque l’employeur refuse de conclure une rupture conventionnelle. Or cette stratégie est toujours déconseillée par les syndicats, car elle présente une incertitude majeure :  l’employeur n’est jamais dans l’obligation de licencier un salarié qui ne vient plus au travail. Le salarié prend ainsi le risque d’être dans une situation précaire sans salaire et sans possibilité de bénéficier de l’assurance chômage.

Ce faisant, cette nouvelle disposition vient par la même occasion créer un nouveau mode de rupture du contrat de travail à l’initiative de l’employeur qui va préqualifier l’absence en démission et donc être également privatif d’indemnités de licenciement. Certes la présomption de démission va pouvoir être contrôlée par le juge prud’homal dans le cadre d’une procédure rapide puisque « l’affaire est directement portée devant le bureau de jugement, qui se prononce sur la nature de la rupture et les conséquences associées » et doit statuer « au fond dans un délai d'un mois à compter de sa saisine ». Mais ce délai semble intenable compte tenu des moyens alloués à la justice. Pour s’en convaincre il suffit de rappeler que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail est soumise au même délai.

Le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur la conformité de cette disposition au bloc de constitutionnalité avant la promulgation de la loi (3) et sa décision, même s’il ne s’agit pas à proprement parler d’une réserve d’interprétation, est importante à connaître pour limiter les dérives que pourrait engendrer la mise en œuvre de cette disposition.

S’il a considéré que cette mesure est susceptible de porter atteinte au droit d’obtenir un emploi (4) et plus généralement aux exigences constitutionnelles, impliquant « l’existence d’un régime d’indemnisation des travailleurs privés d’emploi », il s’est cependant référé aux travaux préparatoires de la loi pour juger la disposition conforme à la Constitution :  « Il ressort des travaux préparatoires que l'abandon de poste ne peut pas revêtir un caractère volontaire si, conformément à la jurisprudence constante de la Cour de cassation, il est justifié par un motif légitime, tel que des raisons médicales, l'exercice du droit de grève, l'exercice du droit de retrait, le refus du salarié d'exécuter une instruction contraire à la réglementation ou encore son refus d'une modification unilatérale d'un élément essentiel du contrat de travail. ».

Pour entrer en vigueur, la présomption de démission nécessite qu’un décret précise le délai minimum que devra laisser l’employeur pour que le salarié justifie son absence et reprenne son poste. C’est un point fondamental de cette nouvelle règle, puisque ce n’est qu’à l’issue de ce délai que le salarié peut être considéré comme démissionnaire. Et l’on voit très rapidement une zone de flou, quand bien même certaines garanties ont été rappelées par le Conseil constitutionnel, l’article L. 1237-1-1 indique que le salarié doit dans ce délai s’être justifié et avoir repris son poste.

Mais que se passera-t-il si le salarié a justifié son absence mais n’entend pas reprendre son poste ? L’employeur pourra-t-il quand même continuer la procédure ? Rien n’est précisé. Dès lors que le salarié a répondu à la mise en demeure, il semble logique de considérer qu’il a manifesté son intention de ne pas démissionner. Il n’est toutefois pas certain que ce raisonnement soit retenu par les juges qui pourraient être amenés à juger de la validité de la justification...

Pour que cette nouvelle procédure n’aille pas au-delà de l’intention première du législateur – mettre fin aux « véritables » abandon de poste - une précision sera nécessaire dans le futur décret qui doit également « déterminer les modalités d’application du présent article ».  

Refus de CDI et suppression de l'allocation

Le refus du salarié d’accepter un CDI à l’issue de la relation de travail en CDD ou en contrat de travail temporaire pourra avoir pour conséquence la suppression du bénéfice de l’assurance chômage.

Dès lors que le salarié en CDD a refusé à deux reprises au cours des 12 mois précédents de poursuivre la relation contractuelle en CDI « pour occuper le même emploi ou un emploi similaire, assorti d'une rémunération au moins équivalente pour une durée de travail équivalente, relevant de la même classification et sans changement du lieu de travail » (5), alors il ne pourra pas percevoir l’allocation d’assurance chômage. Par exception, il pourra en bénéficier s’il a été employé en CDI au cours des 12 mois précédents ou si la dernière proposition de l’employeur n’était pas conforme au projet personnalisé d'accès à l'emploi lorsqu’il a été élaboré avant le dernier refus (6).

Les mêmes dispositions sont applicables au salarié en contrat de travail temporaire qui a refusé à deux reprises une proposition en CDI de la part de l’entreprise utilisatrice chez qui il est mis à disposition par l’entreprise de travail temporaire. Toutefois, le salarié intérimaire semble moins bien protégé, puisque, contrairement au salarié en CDD, l’entreprise utilisatrice n’a pas à lui proposer une rémunération équivalente pour une durée de travail équivalente ni un emploi relevant de la même classification (7) !

Ces mesures ne sont pas encore en vigueur. Un décret est attendu pour fixer les modalités d’application de l’article, en particulier les modalités d’information de Pôle emploi par l’employeur, qui devra par la même occasion justifier du sérieux de sa proposition de CDI.

La baisse de la durée d’indemnisation

Le législateur a également confié au Gouvernement – retirant ainsi temporairement la compétence aux partenaires sociaux - le soin de déterminer les règles d’indemnisation du chômage jusqu’au 31 décembre 2023. Cette nouvelle compétence devrait aboutir, dès le 1er février 2023, à une baisse de 25 % de la durée d’indemnisation !

Cette autorisation se couple en effet avec l’adoption dans cette même loi de l’article L.5422-2-2 du Code du travail, qui autorise à prendre en compte des indicateurs conjoncturels sur l’emploi pour moduler la durée nécessaire à l’ouverture des droits, aujourd’hui 6 mois, et la durée de versement de l’allocation, aujourd’hui fixée en principe à 24 mois.

Le projet de décret, transmis aux partenaires sociaux la veille de Noël, met en œuvre cette nouvelle possibilité en abaissant de 25 % (8) la durée d’indemnisation de l’Are pour les travailleurs privés d’emploi en métropole à compter du 1er février 2023 (9).

Les nouvelles durées d’indemnisation maximales seront donc à partir du 1er février de :

- 18 mois au lieu de 24 pour les moins de 53 ans ;

- 22,5 mois au lieu de 30 pour les 53 et 54 ans ;

- 27 mois au lieu de 36 pour les 55 ans et plus.

Si la situation du marché du travail venait à se dégrader, ces durées seraient allongées de 25 % (pour revenir à la durée actuellement en vigueur), pour les assurés disposant d’au maximum 30 jours de droit restant le 1er jour du mois civil de l’arrêté ministériel constatant une augmentation trimestrielle du taux de chômage de 0,8 points ou l’atteinte d’un niveau égal ou supérieur à 9 %.

La CFDT est opposée à ces différentes mesures, qui ne permettent pas de répondre à l’ensemble des problématiques actuelles observées sur le marché du travail, et regrette que la loi ne se soit pas attaquée à des problèmes structurels complexes.

C’est le cas entre autres de la reconversion des salariés, ou encore des difficultés de recrutement : une nouvelle baisse des droits des chômeurs n’est pas la solution, d’autant plus lorsque, en raison de la précédente réforme d’assurance chômage, moins de la moitié des demandeurs d'emploi sont indemnisés.

 

(1) Art 2 du règlement d’assurance chômage - Décret n° 2019-797 du 26.07.19.

(2) A noter que si le terme est largement admis dans le langage courant, l’abandon de poste au sens strict correspond plutôt à la situation soudaine dans laquelle le salarié quitte son poste avant la fin de son service sans raisons apparentes ou légitimes et sans informer l’employeur.

(3) Décision n° 2022-844 DC du 15.12.22.

(4) Alinéa 5 du préambule de la Constitution de 1946.

(5) Art. L.1243-11-1 C.trav.

(6) Art. L.5422-1, alinéa 6, C.trav.

(7) Art. L.1251-33-1 C.trav.

(8) Et même jusqu’à 40 % en cas de taux de chômage inférieur à 6 % ! Face à la fronde des syndicats, cette mesure a été supprimée du projet de décret.

(9) Si l’entretien préalable au licenciement ou la convocation du CSE en cas de licenciement économique a eu lieu avant le 1.02.23 pour une fin de contrat après cette date, la durée d’indemnisation sera également réduite.