Mixité proportionnelle : le retrait d’une candidature après le dépôt de la liste ne la rend pas irrégulière !

  • Liste de candidats et mixité proportionnelle

La Cour de cassation continue de façonner les règles de représentation équilibrée femmes-hommes applicables aux candidatures des élections du CSE. Plus de 8 ans après l’entrée en vigueur de la loi, les juges du droit viennent de préciser que la régularité de la liste déposée par un syndicat s’apprécie avant la date limite de dépôt fixée dans le protocole d’accord préélectoral, ou par le tribunal judiciaire en l’absence d’accord. Cass.soc.21.05.25, n°23-21.954.  

En matière de mixité , les précisions de la Cour de cassation sont aussi importantes que les articles du Code du travail. Vu l’imprécision de la loi, et surtout les tentatives de contournement de ces règles, elle a véritablement construit le cadre juridique par ses nombreuses jurisprudences depuis 2019. Vous trouverez ici un rappel des principales règles en la matière.

Le contexte de l’affaire

L'affaire concerne une société où un syndicat CGT avait déposé une liste de huit candidats pour les élections du CSE. Cette liste respectait initialement l’équilibre et l'alternance femmes-hommes imposée par le Code du travail, avec cinq hommes et trois femmes. Cependant, après la date limite de dépôt des candidatures, une candidate a retiré sa candidature, modifiant ainsi la composition de la liste qui est passée à cinq hommes et deux femmes.

A l’issue des élections, un syndicat CFDT a saisi le tribunal judiciaire pour faire reconnaitre que la liste était ainsi devenue non conforme aux règles de mixité proportionnelle.  Ce dernier a jugé la liste CGT irrégulière, estimant que la régularité de la liste devait être appréciée au regard de la liste effectivement présentée aux électeurs, et non de celle déposée avant la date limite. En conséquence, l'élection du dernier élu du sexe surreprésenté a été annulée.

C’est ainsi que l’affaire se présente devant la Cour de cassation.

La problématique soumise à la Cour de cassation

La Cour de cassation à dû arbitrer entre deux règles importantes. D’un côté les règles de mixité proportionnelle applicables depuis le 1er janvier 2017, de l’autre un principe plus ancien qui veut que nul ne peut être candidat contre son gré [1]. Un retrait de candidature est donc toujours admis avant la tenue du scrutin, et dans ce cas l’employeur est en droit de modifier unilatéralement les bulletins de vote. Il doit seulement informer le syndicat du retrait de candidature pour ne pas s’exposer à une annulation des élections [2].

 

A noter : 

 L’employeur ne peut en principe écarter une liste de candidats sans décision du tribunal judiciaire. Toutefois par exception, la jurisprudence admet que l’employeur puisse refuser une liste dans les cas suivants :

-  en l’absence de mandat du syndicat pour déposer la liste ;

- lorsque la liste est déposée avant la signature du protocole d’accord préélectoral ou après la date limite fixée par celui-ci ;

- lorsque la liste est déposée après la date fixée unilatéralement par l’employeur à condition que cela soit justifié par les nécessités d’organisation du vote.

La question soumise à la Cour de cassation était donc de savoir si ce retrait de candidature qui fausse nécessairement l’équilibre d’une liste (bien composée) allait avoir des conséquences sur sa régularité.

Le droit individuel  de retrait vs la mixité des listes  

La Cour de cassation a cassé sur ce point la décision du tribunal judiciaire. Après avoir rappelé que « nul ne pouvait être candidat sur une liste sans son accord », elle pose pour principe que « la régularité des listes au regard de l’article L. 2314-30 du Code du travail s’entend des listes déposées avant cette date limite de dépôt, peu important que la liste de candidats soumise au scrutin soit incomplète à la suite de la décision ultérieure de certains candidats de se retirer de la liste. »

Si l’on peut parfaitement comprendre que le syndicat ne peut être tenu responsable des multiples raisons qui poussent un candidat à revenir sur sa décision, la solution apportée par la Cour de cassation nous semble ouvrir la porte à trop de contournements. Dès l’entrée en vigueur des règles de mixité la Cour de cassation a rapidement mis fin à des stratégies de contournement parfois très élaborées - en comptant sur les règles de suppléance-  parfois moins - en laissant un espace entre deux candidats sur la liste. Et il faut bien reconnaitre que l’intransigeance des magistrats a permis à ces règles d’atteindre leur but à savoir une meilleure représentation des femmes dans les CSE.

 

Bon à savoir : 

Selon l’étude "Vers plus de parité dans les élections professionnelles ?" (DARES -octobre 2024) les règles de mixité proportionnelle ont véritablement amélioré la représentation des femmes au sein des CSE.  La proportion de femmes élues à l'issue du cycle 2017-2020 est de 45,3 %, comparée à 41,2 % pour la période 2013-2016.

Ces contournements arrivent encore trop fréquemment et c’est pourquoi il aurait été certainement plus judicieux d’adopter la position inverse pour éviter le phénomène de la candidature de paille. Il reste permis de croire que si les tribunaux judiciaires venaient à être saisis constamment de litiges avec des retraits individuels de candidate cela obligera la Cour de cassation à préciser sa position en cas d’abus de droit (ou plutôt de jurisprudence en l’occurrence...).

A noter : 

Un autre apport de l’arrêt est de juger irrecevable la demande reconventionnelle de la CGT en annulation de la candidature femme en surnombre sur la liste CFDT. Pour la Cour de cassation « bien que relative aux mêmes opérations électorales, [cette demande], ne se rattachait pas par un lien suffisant aux prétentions originaires ».

L'arrêt de la Cour de cassation : Cass.soc.21.05.25, n°23-21.954.  

 


 

[1] Cass.soc. 20.10.93, no 92-60.304.

[2] Cass.soc. 13.10.10, no 09-60.233.

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