Inspection du travail
L’Inspection du travail contrôle la bonne application en entreprise de la législation et la réglementation du travail ainsi que des conventions et accords collectifs. Vous pouvez la saisir en cas de litige avec votre employeur.
Quelles sont les missions essentielles de l’Inspection du travail ?
La mission générale de l'inspection du travail a été définie par l’article 3 de la convention n° 81 de l'OIT, du 11 juillet 1947. Elle consiste à :
assurer l'application des dispositions légales relatives aux conditions de travail et à la protection des travailleurs dans l'exercice de leur profession ;
fournir des informations et des conseils techniques aux employeurs et aux travailleurs sur les moyens les plus efficaces d'observer les dispositions légales ;
porter à l'attention de l'autorité compétente les déficiences ou les abus qui ne sont pas spécifiquement couverts par les dispositions légales existantes.

Bon à savoir
La réforme des pouvoirs de l’inspection du travail, issue de l'ordonnance n° 2016-413 du 7 avril 2016, entrée en vigueur depuis le 1er juillet 2016, a été confirmée par la ratification de cette ordonnance par la loi travail du 8 août 2016.
I - Les missions de l’inspection du travail
L’inspection du travail dispose de 3 missions principales.
Mission originelle de contrôle de l'application de la législation du travail :
L’inspection du travail (IDT) a pour mission originelle de veiller au respect de la législation du travail, en particulier celles relatives à la santé et la sécurité des salariés (Conv. OIT n° 81 ; Code du trav, art. L. 8112-1).
Elle constate les infractions aux règles du travail (art. R. 8124-3). Par ses contrôles, elle contribue à la prévention des risques professionnels et à l’amélioration des conditions de travail et des relations sociales (art. R. 8112-1).
Depuis 1972, les contrôleurs bénéficient d’une mission matérielle générale non exhaustive (elle n’est pas limitée à une liste de textes). Ils veillent à toute la législation du travail, même si elle n’est pas assortie de sanctions pénales.
Leur compétence s’étend aussi à la constatation d’infractions relevant d’autres codes (pénal, sécurité sociale, santé publique, consommation, éducation, autorisation de travail, Code des étrangers...)
Leurs pouvoirs varient selon la nature des manquements constatés (infractions pénales ou non).
Sur quelles bases juridiques l’inspection du travail se base-t-elle ?
Code du travail | L’inspection contrôle toutes les prescriptions du code du travail, qu’elles soient sanctionnées pénalement ou non (art. L. 8112-1). Elle veille notamment à l’application des dispositions d’ordre public relatives aux contrats de travail, même si le contentieux contractuel relève du conseil de prud’hommes. |
Autres codes législatifs | Elle contrôle des règles du travail présentes dans d’autres codes : action sociale, commerce, éducation, rural, pénal, transports, sécurité sociale, environnement… Les dispositions du Code du travail s’appliquent de manière supplétive, sauf contradiction avec les autres codes. |
Conventions et accords collectifs | Depuis la loi Auroux de 1982, l’inspection du travail contrôle aussi le respect des conventions et accords collectifs, qu’ils soient étendus ou non, de branche, d’entreprise ou d’établissement (art L8112-1). Le développement de la négociation collective impose aux inspecteurs de déterminer les stipulations applicables avant tout contrôle. L’inspection doit également accompagner les partenaires sociaux dans cette dynamique, tant au niveau local qu’entreprise. |
Textes non codifiés et règlements européens | Compétente pour l’application de textes non codifiés, y compris des règlements européens comme REACH (santé/sécurité) ou ceux concernant les temps de conduite et de repos dans les transports. |
Dispositions spécifiques d’autres codes | Les agents constatent des infractions à des règles spécifiques (art L8112-2), comme : discriminations, traite des êtres humains, travail forcé, conditions indignes (Code pénal), déclaration des accidents du travail, Interdiction de fumer sur les lieux de travail, règles d'hébergement, règles liées au séjour des étrangers, à la consommation, à la sécurité des produits, encadrement des stagiaires (Code de l’éducation) … |
Mission de conseil et conciliation :
* Conseil auprès des employeurs et travailleurs
Le système d’inspection du travail doit fournir des informations et conseils techniques aux employeurs et travailleurs sur les moyens les plus efficaces d'observer les dispositions légales (art 3b Conv. OIT no 81, Conv. OIT no 129)
Cette mission de conseil en direction du salarié et de l'employeur contribue à l'effectivité du droit et au respect de la réglementation. Elle est interdépendante et complémentaire de la fonction de contrôle.
Consulté par un employeur ou un salarié, l'inspecteur doit être à même d'expliciter la signification de dispositions législatives ou réglementaires pour permettre leur mise en œuvre effective (Circ. du 15 févr. 1989, BO no 89-17).
Ce devoir d'information porte sur l'ensemble du champ de la législation du travail au sens de l'OIT (Conv. no 81, art. 27). Elle doit revêtir une forme neutre et pouvoir être donnée dans les mêmes termes à tout intervenant.
L'inspecteur du travail ne peut pas transgresser ses obligations en matière de secret et de discrétion professionnelle ou de neutralité (Circ. du 15 févr. 1989).
L’apport des conseils est de fournir des indications permettant une meilleure compréhension et application de la règle ou d'orienter vers d'autres organismes, institutions ou experts (C. trav., art. R. 8124-20). Le conseil donné par l'inspecteur du travail au sujet d'un différend né à l'occasion du contrat de travail n'a qu'une valeur d'avis, émis sous réserve de l'appréciation souveraine des tribunaux.
* Intervention à l'occasion des conflits collectifs
La fonction informelle de conciliation jouée par l'inspection du travail dans la prévention et le traitement amiable des conflits a été entérinée par le décret N° 77-1288 du 24 novembre 1977 portant organisation des services extérieurs du travail et de l'emploi.
L’inspection agit de deux manières :
a- Traitement amiable et informel des conflits :
Mode d'intervention le plus courant de l'inspecteur du travail dans ce domaine, le traitement amiable et informel des conflits contribue à prévenir les litiges individuels et collectifs. Son intervention n'est cependant possible que sous réserve de l'accord de l'ensemble des parties. Dès lors, il n'est que faiblement recouru aux procédures légales de règlement des conflits (ex : validation/homologation du plan de sauvegarde de l’emploi, licenciement d’un salarié protégé).
b - Interventions dans le cadre des procédures de règlement des conflits collectif (grève) :
Dès lors qu’il est informé d'un conflit collectif de travail par la partie la plus diligente, le préfet intervient, en liaison avec l'inspecteur du travail compétent, afin de rechercher une solution amiable (art. R. 2522-1 C.Trav).
Le président du tribunal judiciaire (saisi par exemple d'une occupation illégale ou d'une atteinte au droit du travail) peut désigner le responsable de l'unité départementale ou l'inspecteur du travail comme médiateur pour engager des négociations et proposer des solutions au conflit, avant d'ordonner d'autres mesures.
L'inspecteur du travail peut aussi être conduit à vérifier le respect d'un protocole de fin de conflit, si celui-ci prend la forme d'un accord collectif. En revanche, le recours aux procédures légales de règlement des conflits est plus exceptionnel.
Mission d’information de l'autorité compétente :
L’IDT contribue à l'amélioration du droit du travail en portant à la connaissance de la DGT les déficiences ou les abus non spécifiquement couverts par la réglementation existante.
Elle transmet à cette fin des rapports périodiques sur les résultats de ses activités. Cela permet de faire ressortir les principaux enseignements sur l'état de l'application du droit, sur les insuffisances de la législation et les propositions d'évolution de la réglementation.
II - Les pouvoirs et moyens d’action de l’inspection du travail :
Prérogatives liées à la fonction de contrôle :
Droit d'entrée dans les locaux de travail
En vertu de l’article L. 8113-1 du Code du travail ainsi que des Conventions n°81 et n°129 de l’Organisation internationale du travail, l’inspecteur du travail bénéficie d’un droit d’entrée dans tous les établissements relevant de sa compétence et soumis au droit du travail, afin d’en contrôler l’application.
Ce droit est absolu : il n’est conditionné ni par l’existence d’une présomption d’infraction, ni par des circonstances particulières, et peut être exercé à tout moment, sans restriction ni avertissement préalable. Il n'existe de ce fait aucune obligation de prévenir un employeur d'une visite de contrôle.
Cette faculté d’intervention inopinée vise à garantir l’efficacité des contrôles. L’employeur ne peut en aucun cas s’opposer à l’entrée de l’inspecteur, sous peine de commettre le délit d’obstacle prévu à l’article L. 8114-1 du Code du travail.

Bon à savoir
« Une fois sur les lieux, l’inspecteur est seulement tenu d’informer l’employeur de sa présence, sauf si cette information compromettrait le bon déroulement du contrôle. La présence de l’employeur pendant la visite n’est pas requise : il ne peut exiger de retarder l’entrée de l’inspecteur sous prétexte de son absence ou de son indisponibilité, ni de conditionner la visite à la présence d’un avocat, d’un huissier ou d’un autre conseil. »
Refuser l’accès ou retarder la visite en invoquant un empêchement temporaire, comme une tâche urgente, ne saurait justifier un refus, et peut également être qualifié d’obstacle. Ainsi, l’agent de contrôle conserve l’entière maîtrise des conditions de son intervention et toute entrave à l’exercice de ce droit constitue une infraction pénalement répréhensible.
La protection du domicile
Lorsque les travaux sont réalisés dans des locaux habités, y compris les hébergements collectifs, les agents de contrôle de l’inspection du travail ne peuvent y pénétrer qu’avec l’accord explicite des personnes qui y résident, même temporairement, conformément à l’article L. 8113-1 du Code du travail, aux articles 432-8 et 226-4 du Code pénal, ainsi qu’aux conventions de l’OIT.
Ce principe vise à protéger la vie privée et le domicile, reconnus comme inviolables. Les inspecteurs disposent néanmoins d’un droit de contrôle spécifique sur les locaux affectés à l’hébergement collectif des salariés.
Le travail de nuit : Les agents peuvent intervenir de nuit dès lors que le travail est organisé sur ce créneau horaire, ou s’il existe des indices sérieux de travail illégal de nuit, cette possibilité étant admise de longue date par la jurisprudence et consacrée par les conventions internationales n°81 et 129 de l’OIT.
Droit de visite
En vertu de son droit d’entrée prévu à l’article L. 8113-1 du Code du travail, l’inspecteur du travail assure une mission de surveillance et d’enquête en accédant à tous les locaux où les salariés peuvent travailler, circuler ou séjourner, sans aucune restriction.
Ce droit concerne plus précisément les vestiaires, infirmeries, locaux sociaux, espaces réservés aux représentants du personnel, restaurants d’entreprise, navires, ainsi que les lieux d’hébergement fournis par l’employeur. Lors de leurs visites, les inspecteurs doivent respecter les règles de sécurité du site, notamment en portant les équipements de protection requis.
Droit d’enquête
En principe, l’agent de contrôle détermine librement les moyens nécessaires à sa mission, avec l’aide de spécialistes si besoin.
Audition : Ils peuvent entendre toute personne (employeur, salarié, témoin) sans serment. Le témoignage est libre mais peut appuyer un procès-verbal. En matière pénale, des garanties renforcées s’appliquent (respect des droits de la défense).
Lutte contre le travail illégal : Auditions étendues, vérification de l’identité autorisée, usage possible d’interprètes.
Demande d’identité : Possible mais un refus n’est pas un délit.
Photographies : Autorisées si elles ne portent pas atteinte au secret industriel.
Assistance de l’employeur : L’employeur peut se faire assister d’un avocat, mais ne peut s’imposer à l’enquête.
Droit de communication des registres et documents
L’agent de contrôle dispose d’un accès à tous les documents obligatoires, sur tout support, concernant la relation de travail, les discriminations, la santé, la sécurité, etc. (ex : bulletins de paie, registre du personnel, horaires).
Le refus de transmettre des documents à l’agent de contrôle de l’inspection du travail ou la falsification de ceux-ci est susceptible de constituer le délit de faire obstacle à l’accomplissement de ses missions. Ce délit est prévu à l’article L8114-1 du Code du travail : “Le fait de faire obstacle à l'accomplissement des devoirs d'un agent de contrôle de l'inspection du travail mentionnés à l'article L8112-1 est puni d'un emprisonnement d'un an et d'une amende de 37 500 euros”.
L’employeur doit garantir l’accessibilité aux documents même en son absence. Les documents doivent être présentés sur demande, oralement ou par écrit.
Droit de prélèvements et d’analyses
Les prélèvements s’avèrent être peu utilisés en pratique, mais ils sont prévus pour vérifier la présence de substances dangereuses.
Les analyses peuvent être réalisées sur tout produit ou équipement suspecté d’être dangereux. Le recours de l’employeur n’empêche pas le prélèvement.
Le règlement REACH autorise des contrôles sur les substances chimiques et la saisie des produits non conformes.

Bon à savoir - quelles sont les évolutions législatives récentes en matière d’inspection du travail ?
Renforcement contre les violences sexistes et sexuelles (VSS)
La loi du 18 décembre 2023 renforce l’action de l’inspection du travail en matière de lutte contre les violences sexistes et sexuelles. Elle permet désormais de sanctionner directement certains manquements (comme le harcèlement sexuel) par voie administrative, sans passer par le juge pénal. Les agents sont également mieux formés sur ces sujets et peuvent ordonner la suspension immédiate d’un salarié en cas de danger grave.
Contrôle des plateformes de travail et lutte contre le travail dissimulé
La loi du 22 avril 2024 a créé une cellule dédiée au contrôle des plateformes numériques (VTC, livraisons). L’inspection du travail peut désormais accéder à des données hébergées à l’étranger dans le cadre d’enquêtes sur le travail illégal.
Meilleure protection des inspecteurs
Une ordonnance du 7 avril 2016 et le décret n°2016-510 du 25 avril 2016 élargissent les pouvoirs d’intervention des agents de contrôle de l’inspection du travail, avec en particulier le renforcement d’une part, des prérogatives en cas de danger pour la santé et la sécurité des travailleurs et, d’autre part, du régime des sanctions en droit du travail, notamment la création d’amendes administratives et le recours au mécanisme de la transaction pénale.
Un décret du 27 mars 2024 instaure en outre un dispositif de protection renforcée des agents de contrôle : en cas d’intervention à risque (zone sensible, horaire décalé), un système d’alerte est activé. Un protocole national oblige les employeurs à signaler toute violence ou menace à l’encontre des inspecteurs.
Hébergement des travailleurs : contrôle renforcé
La loi du 22 avril 2024 et une circulaire de juin 2024 renforcent le contrôle des hébergements fournis par les employeurs aux travailleurs détachés ou saisonniers. L’inspection peut visiter les lieux suspectés d’être insalubres. Les employeurs doivent désormais déclarer tout hébergement collectif temporaire, sous peine de sanctions.
Nouvelles sanctions administratives et injonctions
Un décret de janvier 2025 a généralisé les sanctions administratives pour les manquements à la durée du travail et au repos. L’inspection du travail peut adresser des injonctions assorties d’astreintes aux employeurs négligents. Une procédure accélérée de recours hiérarchique est créée, permettant aux employeurs de contester plus rapidement une décision.
Évolution des amendes et sanctions administratives de l’inspection du travail
Un décret n° 2024-232 du 15 mars 2024 a élargi les pouvoirs de l’inspection du travail pour sanctionner directement certains manquements des employeurs, notamment en matière de durée du travail, de repos, et de sécurité.
Sanctions administratives : L’inspection peut désormais infliger des amendes administratives sans passer systématiquement par la voie judiciaire, ce qui accélère le processus de sanction.
Injonctions et astreintes : En cas de manquements répétés, l’inspecteur peut adresser des injonctions contraignantes à l’employeur, avec la menace d’astreintes financières (amendes journalières) si l’entreprise ne se conforme pas.
Procédure accélérée : Pour limiter les délais, une procédure de recours hiérarchique rapide a été mise en place : l’employeur peut contester la sanction directement auprès de l’administration, qui doit statuer rapidement.
Pour aller plus loin :
- art. L. 8112-1 et suivants du Code du travail : missions de l’Inspection du travail
- art. L.4132-3, L. 4721-5 et L.4732-2 du Code du travail : prévention, sécurité
- art. L. 8113-1 et L. 2313-11 du Code du travail : droit d’entrée et accompagnement de l’inspecteur du travail.
-bilan de la transformation de l’IDT https://www.viepublique.fr/files/rapport/pdf/274378.pdf