Vème République : Quelles sont les prérogatives respectives du Président de la République, du Premier ministre et du Parlement ?
En ce moment singulier où tous les électeurs sont appelés à retourner aux urnes pour élire une nouvelle Assemblée nationale, il nous a paru intéressant de rappeler, dans les grandes lignes, les rôles des différents acteurs institutionnels de la Vème République. Autrement dit, quel est le rôle du Président de la République, celui du Gouvernement et enfin celui du Parlement (composé de l’Assemblée nationale et du Sénat) ?
Quand on vote, on oriente le choix du Premier ministre et en cas de cohabitation, il est important de comprendre quels sont les rôles respectifs du Président de la République et du Premier ministre, mais aussi des "deux têtes de l’exécutif" et du Parlement, qui incarne le pouvoir législatif.
Les pouvoirs du Président de la République (PR)
Les pouvoirs du Président de la République sont prévus par la Constitution elle-même. Normalement, le PR oriente la vie politique, sauf en cas de cohabitation. Il veille au respect de la Constitution et il est le garant des institutions (art. 5).
Il a un rôle prédominant sur les questions de défense car il est le chef des armées (art.15). Logiquement, il a également un rôle important en matière diplomatique (art.52) : il négocie et ratifie les traités, accrédite les ambassadeurs de France à l’étranger et les ambassadeurs étrangers en France, il conduit la délégation française lors des rencontres internationales.
L’article 19 de la Constitution distingue les pouvoirs propres au Président de la République et les pouvoirs partagés avec le Premier ministre ou les ministres responsables. Ces derniers nécessitent un contreseing ministériel. Les pouvoirs propres du PR sont les suivants :
- la nomination du Premier ministre, qui fait l’objet d’un choix discrétionnaire, même si en pratique il s’agit d’une personnalité choisie en concertation avec le parti ou l’alliance qui détient une majorité absolue à l’Assemblée nationale (art. 8) ;
- le recours au référendum sur proposition du Gouvernement ou sur proposition conjointe des deux assemblées. Dans le cadre d’un référendum législatif, c’est-à-dire ne portant pas de révision de la Constitution, le PR décide seul et sans contreseing d’y recourir ou non (art. 11) ;
- le droit de dissoudre l'Assemblée nationale (art. 12) ;
- la mise en oeuvre des pouvoirs exceptionnels en cas de menace grave et immédiate contre les institutions de la République et si le fonctionnement régulier des pouvoirs publics est interrompu. Au préalable, le Premier ministre, les présidents des assemblées et le Conseil constitutionnel doivent être consultés pour avis. Mais ces avis ne lient pas le Président (art. 16) ;
- le droit de message aux assemblées parlementaires par écrit, lu par les Présidents de Chambre, ou par une déclaration devant le Parlement réuni en Congrès (art. 18) ;
- la nomination de 3 des membres, dont le président, du Conseil constitutionnel (art. 56) ;
- le droit de saisine du Conseil constitutionnel avant la ratification d’un accord ou d’un traité international et avant la promulgation d’une loi (art. 54 et 61) ;
Les autres pouvoirs du Président de la République sont contresignés par le Premier ministre et, le cas échéant, par les ministres responsables (art. 19). Sans entrer dans le détail, à titre d’exemple :
- il nomme les ministres et met fin à leurs fonctions sur proposition du Premier ministre (art.8) ;
- il signe les ordonnances et les décrets délibérés en Conseil des ministres (art. 13) ;
- il est chargé de la promulgation des lois dans les quinze jours qui suivent la transmission au gouvernement de la loi définitivement adoptée. Avant l'expiration de ce délai de promulgation, le Président peut demander au Parlement une seconde délibération de la loi ou de certains de ses articles, qui ne peut lui être refusée (art. 10).
C’est ainsi qu’il peut également décider de ne pas promulguer une loi, comme cela a été le cas en 2006 du CPE !
Les pouvoirs du Premier ministre (PM) et du Gouvernement
Le Gouvernement, avec à sa tête le premier ministre, a deux fonctions principales : conduire la politique de la Nation et exercer le pouvoir exécutif. Il a également un rôle lors du processus législatif.
Selon l’article 20 de la Constitution, le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation. Mais dans les faits, la pratique française partage ce domaine entre le PR et le Gouvernement. Hors périodes de cohabitation, les présidents de la République successifs ont eu tendance à empiéter sur le travail gouvernemental.
Aux termes de l’article 21 de la Constitution, le PM est aussi responsable de la défense nationale, même si, souvent, les grandes orientations sont fixées par le président de la République.
Le PM assure l’exécution des lois et exerce le pouvoir réglementaire, sous réserve de la signature des ordonnances et décrets délibérés en Conseil des ministres par le chef de l’État. Il peut, de manière exceptionnelle remplacer le Président à la présidence du Conseil des ministres.
Le Gouvernement joue un rôle important dans la procédure législative. Le Premier ministre et son Gouvernement partagent, avec les parlementaires, l'initiative des lois ordinaires. Ils partagent la fixation de l'ordre du jour du Parlement avec celui-ci. Durant 2 semaines sur 4 maximum, le Gouvernement détermine les projets et propositions de loi qui figureront à l’ordre du jour et établit l’ordre de leur examen.
Par ailleurs, l'article 38 de la Constitution prévoit que le Gouvernement peut, pour l'exécution de son programme, demander au Parlement l'autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi.
Le rôle du Parlement et des députés
Le Parlement, qui est composé de l’Assemblée nationale et du Sénat, détient le pouvoir législatif et contrôle l’action du Gouvernement.
Le Parlement vote les lois, les députés et les sénateurs pouvant d’ailleurs déposer des propositions de loi.
Il autorise la déclaration de guerre, ainsi que l’approbation des accords et la ratification des traités relevant du domaine de la loi ou ayant une incidence sur les finances publiques.
Dans certains domaines, et à des conditions en pratique assez difficiles à satisfaire, les parlementaires peuvent prendre l’initiative d’un référendum : « Un référendum (…) peut être organisé à l'initiative d'un cinquième des membres du Parlement, soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales. Cette initiative prend la forme d'une proposition de loi et ne peut avoir pour objet l'abrogation d'une disposition législative promulguée depuis moins d'un an. » (Art.11).
Les parlementaires peuvent contrôler l’action du Gouvernement en :
- posant des questions écrites, orales (avec ou sans débat) et d’actualité :
- décidant de missions d’information, de groupes de travail ;
- mettant en place des commissions d’enquête, etc.
Bref, pour autant qu’ils soient en nombre suffisant, les parlementaires ont des pouvoirs non négligeables pour contrôler l’action gouvernementale.
Enfin, les députés -et eux seuls- peuvent mettre en cause la responsabilité du Gouvernement. En effet, si l’article 20 de la Constitution prévoit que le Gouvernement est responsable devant le Parlement, l’article 50 prévoit que seul un vote à l’Assemblée nationale peut entraîner la démission du Gouvernement. En cas de vote défavorable à l’Assemblée nationale (déclaration de politique générale, programme, motion de censure), le Premier Ministre doit alors présenter la démission de son Gouvernement (1).
(1) Article 50 de la Constitution: « Lorsque l'Assemblée nationale adopte une motion de censure ou lorsqu'elle désapprouve le programme ou une déclaration de politique générale du Gouvernement, le Premier ministre doit remettre au Président de la République la démission du Gouvernement. »