Prud’hommes : vers un accès gratuit et informatisé de toutes les décisions rendues

  • Conseil supérieur de la prud'homie

Sauf exception, les audiences judiciaires sont publiques. Ce principe de publicité des débats permet de garantir à tout justiciable une justice rendue au grand jour, et non en catimini, hors de tout contrôle populaire. Il s’agit là d’un droit de l’Homme ayant valeur constitutionnelle. Mais à l’heure de la circulation tous azimuts de l’information, des portes de salles d’audience ouvertes sur la ville et sur le monde, est-ce vraiment suffisant ? A l’évidence non ! Encore faut-il que, par-delà cet aspect des choses, tout citoyen puisse librement accéder aux œuvres de justice, afin qu’il puisse savoir comment telle ou telle question est traitée par les tribunaux, conseils de prud’hommes compris. S’agissant de ces dernières juridictions, ce n’est certes pas encore possible mais une telle perspective ne relève désormais plus de la science-fiction. Car d’ici le 30 septembre 2025, tout devrait changer ! A l’occasion du Conseil supérieur de la prud’homie du 21 mars dernier, le ministère de la justice est venu faire le point sur cette révolution qui vient.  

Jugements numérisés. Il y a presque 10 années de cela, le 7 octobre 2016, la loi dite pour une République numérique était venue créer au sein du Code de l’organisation judiciaire (Coj) un tout nouvel article L. 111-13 précisant que « les décisions rendues par les juridictions judiciaires sont mises à la disposition du public à titre gratuit et sous forme électronique ». L’idée du législateur était donc bien de rendre accessible à tous, via un open data, l’ensemble des décisions rendues par l’ensemble des juridictions judiciaires, dont celles émanant des conseils de prud’hommes.

L’objectif poursuivi par ce texte répondait alors à une triple ambition : gagner en démocratie -en rendant transparente la justice et les décisions qu’elle rend -, enrichir les débats judiciaires -en permettant aux juges d’accéder à une base de données exhaustive et fiable- et assurer une meilleure sécurité juridique des décisions rendues en favorisant leur mise en cohérence.

A ce stade, nous l’aurons compris, la mise à disposition des jugements prud’homaux dans cet open data doit être totalement décorrélée des questions attenantes à la notification des décisions de justice aux parties. Une telle mise à disposition ne vise aucunement à informer les justiciables de l’issue donnée à une affaire les concernant, afin qu’ils puissent la comprendre et exercer, s’il y a lieu, les voies de recours dans les délais requis. Non, elle vise clairement à autre chose : mettre à la disposition des citoyens l’ensemble des décisions rendues par les conseils de prud’hommes, à des fins d’information. Cela est d’autant moins contestable que les décisions versées à l’open data seront intégralement anonymisées, qu’elles pourront, si nécessaire, faire l’objet d’occultations supplémentaires d’informations et que les plus importantes d’entre-elles pourront être signalées comme telles dans la base.

Aussi, que les justiciables ayant une affaire en cours se rassurent. Ils auront bien, in fine, notification de leur jugement, dans les conditions visées au Code de procédure civile [1]. A cela, la mise en place prochaine de l’open data prud’homal ne changera strictement rien !  

Une mise en œuvre progressive… et bien moins rapide que prévu

Le calendrier de mise en place de l’open data a été initialement élaboré par un arrêté du 28 avril 2021.

Les dates butoirs étaient ainsi fixées :

- au 30 septembre 2021 s'agissant des décisions rendues par la Cour de cassation ;

- au 30 avril 2022 s'agissant des décisions rendues par les cours d'appel ;

- au 30 juin 2023 s'agissant des décisions rendues par les conseils de prud'hommes ;

- au 31 décembre 2024 s'agissant des décisions rendues par les tribunaux de commerce ;

- au 30 septembre 2025 s'agissant des décisions rendues par les tribunaux judiciaires.

Mais en 2023, le ministère de la Justice s’est rendu compte que s’il avait réussi à tenir les délais s’agissant des décisions rendues par la Cour de cassation et par les cours d’appel, il n’y parviendrait manifestement pas s’agissant de celles rendues par les conseils de prud’hommes. C’est ainsi que, le 27 juin 2023, l’arrêté du 28 avril 2021 s’est trouvé modifié afin de faire glisser la date butoir applicable aux décisions prud’homales du 30 juin 2023 au 30 septembre 2025, l’alignant ainsi sur celle initialement fixée pour les décisions des tribunaux judiciaires. Ce qui donnait à l’administration un peu plus de deux années supplémentaires pour agir...

Une extension de l’open data aux décisions prud’homales tributaires de celle de Portalis

Un tel report de l’échéance a d’abord trouvé à se justifier par le fait que le déploiement de l’open data était directement lié à celui de Portalis comme nouvel outil de gestion des dossiers prud’hommes. Puisque c’est par le biais de Portalis que les décisions prud’homales devraient être versées à l’open data.

Or, Portalis ne se met lui-même en place que très progressivement dans les conseils de prud’hommes. Jugez-en ! A l’automne 2022, seuls trois sites pilotes en étaient déjà dotés. Sur plus de 200 conseils de prud’hommes… Depuis, le nombre de conseils de prud’hommes « portalisés » augmente par vagues successives. Mais une telle extension est loin d’être un long fleuve tranquille… Les problèmes techniques sont légion et le basculement de l’ancien outil de gestion des dossiers prud’hommes -Winges- vers le nouveau -Portalis- se révèle être particulièrement complexe. C’est ce qui explique qu’à ce jour, et bien que nous nous rapprochions à grands pas de l’échéance du 30 septembre 2025, les décisions prud'homales ne sont toujours pas disponibles sur l’open data.

Le 21 mars 2025, devant le Conseil supérieur de la prud’homie, l’objectif affiché par le ministère de la Justice a été celui d’une généralisation du déploiement de Portalis dans les conseils de prud’hommes d’ici la fin de l’année. S’il devait être effectivement atteint - ce qui est loin d’être acquis- il serait à notre sens possible d’espérer une extension de l’open data aux décisions prud’homales pour le tout début de l’année prochaine.

Le strict respect de la date butoir, telle que reportée par l’arrêté du 27 juin 2023 au 30 septembre 2025, semble donc aujourd’hui illusoire.   

Concrètement, où en est aujourd’hui l’open data ?

Géré par la Cour de cassation, et répondant au nom de Judilibre, il est d’ores et déjà ouvert et fonctionnel [2]. Il est possible d’y retrouver les décisions rendues par la Cour de cassation et par les cours d’appel ainsi que celles rendues par les tribunaux judiciaires et par les tribunaux de commerce déjà couverts. Ce, en usant d’un référentiel de date ou de mots clefs.

Rappelons ici que l’accès, via l’open data, à l’ensemble des décisions rendues par les tribunaux de commerce aurait normalement dû être rendu possible dès le 31 décembre 2024 mais que, les concernant, du retard a également été pris.

Alors, 2025 sera-t-elle l’année de couverture de l’ensemble du champ du judiciaire par l’open date via, notamment, l’intégration dans sa base de l’ensemble des décisions prud’homales rendues ?

Réponse dans les mois qui viennent... devant le Conseil supérieur de la prud’homie.  

Autre sujet abordé en séance, le 21 mars 2025, devant le Conseil supérieur de la prud’homie

Le Conseil supérieur de la prud’homie du 21 mars 2025 n’a pas eu à traiter que de l’extension à venir de l’open data aux décisions prud’homales, il a également eu à se pencher sur le dossier qui nous occupera le plus jusqu’à la fin de cette année : celui du renouvellement des sièges dans les conseils de prud’hommes.

Au programme, pour l’essentiel, le calendrier des opérations de renouvellement. Point sur lequel, la CFDT est parvenue à obtenir de significatives améliorations.

Pour rappel, nous étions partis d’un calendrier qui ne permettait à nos mandataires de liste de commencer à déposer les listes de candidats et les dossiers de candidature qu’à compter du 16 juillet. Et ce jusqu’au 15 septembre. Ce qui était, à proprement parler, injouable !!

Finalement, notre intervention aura utilement permis de gagner un mois de période active pour nos mandataires de liste. Ce via :

- la reconnaissance d’une période dite d’opérations préparatoires qui courra du 16 juin au 7 juillet ; période au cours de laquelle les mandataires de liste pourront commencer à établir les listes et à constituer les dossiers directement sur le site… sans toutefois pouvoir les transmettre.

- l’ouverture de la période de dépôt dès le 7 juillet -jour de la publication de l’arrêté de répartition des sièges- (en lieu et place du 16 juillet) ; période au cours de laquelle les mandataires de liste pourront continuer leur travail de constitution des listes et des dossiers tout en commençant à les transmettre à l’administration.

Par ailleurs, nous avons également gagné un significatif allégement de la charge de travail de nos mandataires de liste via des démarches allégées - notamment en termes de production de documents - pour les conseillers déjà en fonction et candidatant au sein du même conseil et de la même section. 

Seule déception, la période de dépôt qui se clôturera bien le 15 septembre… et non le 15 octobre comme nous l’avions revendiqué car, informatiquement, il a paru impossible au ministère de la Justice de faire se chevaucher période de dépôt (par les mandataires de liste) et période d’instruction (par l’administration).

Quoiqu’il en soit, ce temps gagné en amont devrait tout de même nous permettre d’appréhender avec davantage de sérénité les échéances à venir.


 

[1] Art. 675 CPC et R. 1454-26 al. 1e C. trav.

[2] https://www.courdecassation.fr/acces-rapide-judilibre

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