Covid-19 : [Hôpital d’Orléans, semaine 6] Entre le pic de la crise et le retour à la normale
La vague Covid reflue mais la pression est toujours forte en réanimation, sur fond de reprise de l’activité. L’hôpital d’Orléans est sous tension, les personnels aussi. Les militants CFDT n’ont qu’une hâte : reprendre leurs tournées auprès des agents.
Retrouvez les épisodes précédents :
17 mars : Le calme avant la tempête
27 mars : Les soignants en ordre de bataille
3 avril : La solidarité au plus fort de la crise
10 avril : "On est épuisé et les tensions montent"
17 avril : Bienôt la fin du tunnel ?

« L’activité Covid baisse et c’est un soulagement pour tout le monde, nous sommes contents d’avoir passé le cap de la crise, » se réjouit Chantal, déléguée syndicale CFDT au Centre hospitalier régional d’Orléans. Les services de réanimation continuent cependant d’être fortement sollicités, compte tenu de la durée d’hospitalisation des patients, de deux à trois semaines, et de l’aggravation de leur état qui peut survenir entre le 7ème et le 14ème jour. L’hôpital, qui a parallèlement repris des activités courantes telles que la chirurgie cardiaque ou orthopédique, est plus encore que de coutume confrontée à l’un de ses maux récurrents, le manque de personnel. « Le ratio soignants-patients est bien plus élevé dans le service Covid, très gourmand en personnels formés à la réanimation notamment. Or les blocs opératoires qui redémarrent leur activité ont également besoin d’infirmières spécialisées, » souligne Chantal.
Défi RH et inquiétude sanitaire
Le défi d’aujourd’hui se situe au niveau d’une gestion fine des ressources humaines, dans ce centre hospitalier de 4500 agents, réputé proposer des soins de pointe. « Nous sommes un hôpital de spécialités, contrairement à des établissements plus généralistes, précise Chantal. Que ce soit en rhumato, en cardio ou en dermato, les soignants sont formés à des techniques sophistiquées. Or ces dernières semaines, nous avions regroupé quatre spécialités en un seul service et les équipes ont été défaites et redéployées. Cela a généré du stress, les médecins n’avaient pas toujours le temps d’expliquer les procédures en détail aux infirmières et aides-soignantes. Mixer les équipes, ce n’est pas inintéressant, cela peut ouvrir des perspectives, mais quand cela se passe dans la précipitation c’est plus un facteur de tension que d’enrichissement professionnel. » Aujourd’hui, le processus inverse doit se produire : les services se reconfigurent une fois de plus sans pouvoir retrouver les contours antérieurs à la crise, les équipes doivent se recomposer et les personnels s’adapter.
«Les agents aimeraient un retour à la normale, mais nous voyons bien que la situation actuelle va s’installer dans la durée, » note Chantal. L’inquiétude demeure quant au risque d’infection. Elle est particulièrement présente chez les personnels non-soignants, moins sensibilisés et informés que le personnel médical. « Au self, nous utilisons depuis quelques temps de la vaisselle jetable, car les agents de la restauration ont peur d’être contaminés en lavant les couverts des soignants, ce qui n’est bien sûr pas fondé. »
Les ressources humaines limitées et la crainte de la contamination amènent les uns et les autres à assumer des tâches qui ne sont a priori pas de leur ressort. Système D et bonne volonté sont de mise. Les diététiciennes de l’hôpital, habituellement au chevet des patients, remplacent les agents des cuisines pour certaines de leurs missions, livrer les bouteilles d’eau dans les services et les préparations destinées à alimenter les pousse-seringues. Des ingénieurs et techniciens de la direction des Travaux et de la maintenance donnent un coup de main au service logistique. On les voit désormais pousser les chariots de linge et de nourriture dans les couloirs... ce qui n’est pas sans vertu pédagogique selon Chantal : « Avant, les ingénieurs râlaient contre les agents qui bloquaient les portes avec des bidons. En faisant leur travail, ils ont compris pourquoi : la température monte à plus de 30° quand les repas sont en chauffe. »
Mieux impliquer les adhérents
Devant cette situation qui perdure, il n’est pas question pour la CFDT de rester en mode veille. « Nous avons des fourmis dans les jambes ! » s’exclame Chantal. Les militants ont demandé à récupérer le temps de délégation qu’ils avaient choisi de consacrer au travail auprès de leurs collègues au plus fort de l’épidémie. A partir du 1er mai, et la date ne doit rien au hasard, la section devrait retrouver un fonctionnement plus normal, avec des évolutions. « Nous réfléchissons à la façon dont nous pouvons davantage impliquer nos adhérents, nous avons un maillage important dans tous les métiers, nous devons renforcer ces relais. » En attendant, les prochaines instances se précisent. A commencer par la tenue d’un CHSCT, que Chantal et Christophe sont en train de préparer. « Nous avons envoyé un mail à l’ensemble de nos adhérents pour prendre de leurs nouvelles, détaille Christophe. Nous essayons de recenser les agents touchés par le Covid, c’est important qu’ils se signalent pour une reconnaissance en maladie professionnelle. Beaucoup ne se sont pas manifestés auprès du médecin du travail. » Une commission paritaire doit également bientôt avoir lieu. « Nous avons insisté pour qu’elle soit maintenue, souligne Chantal. C’est l’instance qui statue sur les changement d’échelon et de grade, il était hors de question pour nous que les collègues voient leur avancement retardé. » L’attribution de primes, évoquées par le gouvernement est dans toutes les têtes, ainsi que les promesses de revalorisation des carrières. « Au-delà des primes, il est urgent de revoir le traitement de base des personnels de santé, ne serait-ce qu’en augmentant le nombre de points d’indice, souligne Chantal. Les Français applaudissent chaque soir à 20 heures les personnels des hôpitaux, nous y sommes sensibles, mais nous attendons aujourd’hui que des décisions fortes soient prises. Nous avons souvent manifesté pour demander davantage de moyens pour l’hôpital public dans l’intérêt des patients. Aujourd’hui, il est temps d’améliorer la situation des agents. »