“La semaine de quatre jours reste un phénomène marginal”

  • Réflexions / Contributions

Dans le cadre de ses recherches postdoctorales, Pauline Grimaud, maîtresse de conférences en sociologie à l’université de Tours, a analysé 150 accords d’entreprise signés en 2023 pour comprendre pourquoi et comment ces dernières passent à la semaine de quatre jours.

Est-ce que la semaine de travail sur quatre jours est devenue une réalité massive en entreprise ?

 Pour l’instant, non, ça reste très rare. Selon le ministère du Travail, 3,4 % des entreprises du privé non agricole de dix salariés ou plus ont des semaines avec moins de cinq jours travaillés. Si le nombre d’accords d’entreprise qui évoquent – mais qui ne mettent pas nécessairement en place – la semaine de quatre jours a été multiplié par cinq entre 2021 et 2023, on ne parle que de 459 accords en 2023 sur près de 17 000 accords d’entreprise au total cette année-là, concernant le temps de travail. C’est donc un phénomène émergent, qui suscite beaucoup d’espoir et d’attentes tant du côté des salariés que des employeurs, mais qui reste encore très marginal.

Quelles sont les différentes « formules » adoptées par les entreprises pour mettre en place la semaine de quatre jours ?

 Parmi les 150 accords d’entreprise signés en 2023 qui mettent en œuvre la semaine de quatre jours que j’ai étudiés, c’est une semaine «en» quatre jours, c’est-à-dire sans réduction du temps de travail, qui est le plus souvent mise en place. Cela concerne neuf accords sur dix. Quelques accords prévoient une semaine de quatre jours avec un passage de 39 heures hebdomadaires à 35 heures et une diminution des jours de RTT.

Et environ 5 % des accords prévoient une réduction effective du temps de travail pendant la semaine et l’année.

Ensuite, j’observe différentes façons d’organiser le travail. Dans l’industrie, les emplois de bureau, on retrouve une semaine de quatre jours sur cinq. Dans d’autres entreprises, la semaine de quatre jours est « modulée » selon les besoins productifs de l’entreprise, si le carnet de commandes est plein ou pas, ou pour les activités saisonnières. La durée du travail est annualisée afin de faire varier le nombre de jours travaillés par semaine selon l’activité et d’éviter de payer des heures supplémentaires.

J’observe aussi une semaine de quatre jours sur six ou sept jours. Cela concerne les secteurs avec une activité continue ou une plage horaire élargie, comme la santé ou le commerce. La semaine de quatre jours est négociée en contrepartie d’horaires étendus et/ou atypiques.

 

Dans le préambule des accords, le motif qui revient une fois sur deux, c’est le « bien-être au travail », 
un concept rarement défini de manière précise.

Pourquoi la formule la plus retenue est celle d’une semaine de 35 ou 39 heures en quatre jours ?

La semaine en quatre jours permet aux entreprises de ne pas diminuer la durée du travail tout en proposant quelque chose qui donne l’impression aux salariés d’avoir plus de temps pour eux. Ce qui peut être bénéfique pour les entreprises, car la rentabilité n’est pas menacée, le coût du travail ne varie pas et l’on exige plus des salariés, la productivité peut donc augmenter.

À la lecture des accords, qu’est-ce qui pousse les entreprises à organiser le travail sur quatre jours ?

Dans le préambule des accords, le motif qui revient une fois sur deux, c’est le « bien-être au travail », un concept rarement défini de manière précise.

Mais, bien souvent, il est indiqué que ce bien-être doit être compatible avec la rentabilité, les intérêts économiques de l’entreprise. Les autres motifs sont secondaires : la fluctuation de l’activité, la continuité de l’activité, l’attractivité des emplois ou encore les économies d’énergie. La semaine de quatre jours peut aussi être envisagée comme une compensation pour les métiers qui ne peuvent être télétravaillés, dans l’industrie ou le bâtiment.

 Finalement, est-ce que le « bien-être au travail » passe par une moindre présence des salariés au sein de l’entreprise ?

 Effectivement, la popularité de ce dispositif tient au fait qu’il permet de mettre à distance le travail. Mais ce qui est assez paradoxal avec cette conception du « bien-être au travail », c’est qu’aucun accord ne développe de réflexion sur l’intensification du travail, la répartition ou la baisse de la charge de travail.

Avec la semaine de quatre jours, il y a donc la volonté des directions d’en faire faire autant en moins de jours et/ou de temps, et cela contribue à « compresser » davantage le travail.

 

Ces articles peuvent également vous intéresser

  • intervention média Marylise Léon le 1er mai 2025 sur TF1

    [Entretien] "Avec 52% de femmes, et 8% de jeunes, la CFDT va bien et continue d'accueillir de nouvelles personnes."

    Lire l'article
  • Déchiffrage[s] : découvrez les chiffres-clés français, européens et de quelques grands pays du monde

    Lire l'article