Chaleur au travail : quels sont vos droits ?
Y'a-t-il une température au-delà de laquelle un salarié ne peut plus travailler ? L’employeur a-t-il l’obligation d’installer la climatisation sur le lieu de travail ? Autant de questions qui se posent lorsqu’arrivent les grosses chaleurs d’été, voire la canicule. Si la loi ne fixe pas de température maximale, elle prévoit néanmoins de nombreux aménagements et mesures afin de concilier au mieux chaleur et travail. Un décret du 27 mai 2025 renforce un certain nombre d’obligations de l’employeur en la matière, et en crée de nouvelles.
Pendant les périodes de fortes chaleurs, nombreuses sont les questions qui se posent quant aux obligations de l'employeur et aux droits des salariés. Qu'en est-il ?
Les vagues de chaleur étant de plus en plus fréquentes, le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires a présenté le 8 juin 2023 un plan national afin de prévenir et limiter l'ensemble des impacts. Il a été mis à jour en 2024 et vient compléter le dispositif canicule du Ministère de la santé. Un décret n° 2025-482 du 27 mai 2025 (1) et un arrêté du même jour, prévoient également de nouvelles obligations à destination des employeurs en matière de prévention des risques liés à des épisodes de chaleur intense.
La loi ne prévoit pas de température maximale
Qu’il s’agisse d’une circonstance extérieure (chaleur, canicule, etc) ou liée à l’environnement de travail (certaines machines dégagent de fortes chaleurs), la loi ne prévoit pas spécifiquement de température au-dessus de laquelle un salarié peut quitter son poste de travail.
D'une façon plus générale en revanche, il existe un droit de retrait pour les salariés lorsqu’ils estiment qu’un danger grave et imminent menace leur vie ou leur santé, comme nous allons le voir.
Quelles sont les obligations de l’employeur ?
L’employeur a tout d’abord une obligation générale en matière de santé et de sécurité lui imposant de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs (mesures de prévention, information et mise en place d’une organisation et de moyens adaptés) (2). Mais l'employeur est également tenu d’adapter ces mesures en cas de changement de circonstances, telles que l’apparition de fortes chaleurs par exemple.
Ensuite, le Code du travail consacre plusieurs articles précisant les obligations de l’employeur en la matière. Ce dernier doit notamment :
- mettre à la disposition des travailleurs de l’eau potable et fraîche pour la boisson : l’employeur détermine l’emplacement des postes de distribution des boissons à proximité des postes de travail et dans un endroit remplissant toutes les conditions d’hygiène et de conservation. Lorsque des conditions particulières de travail amènent les salariés à se désaltérer fréquemment, l’employeur doit leur mettre à disposition au moins une boisson non alcoolisée (3) ;
- dans les locaux fermés, l’employeur doit veiller à ce que l’air soit renouvelé et ventilé afin d’éviter les élévations exagérées de température (4) ;
- il doit procéder à une évaluation des risques liés à l'exposition des travailleurs à des épisodes de chaleur intense en extérieur ou en intérieur (5) ;

Bon à savoir !
L’épisode de chaleur intense est défini par l’arrêté ministériel sur la base du dispositif de vigilance canicule de Météo-France. Il correspond au niveau de vigilance jaune (pic de chaleur), orange (période de canicule) ou rouge (canicule extrême) du dispositif.
- s'assurer de la mise en place de méthodes de travail limitant l'exposition à la chaleur, avec réaménagement des postes et locaux, adaptation des horaires pour réduire l'exposition, recours à des solutions techniques contre le rayonnement et l'accumulation de chaleur, mise à disposition suffisante d'eau potable, choix d'équipements adaptés pour maintenir la température corporelle, fourniture d'équipements de protection contre la chaleur et les rayonnements, ainsi qu'information et formation des travailleurs sur les bonnes pratiques et l'utilisation du matériel de protection (6) ;
- adapter les mesures qu'il a prises en cas d'intensification de la chaleur (7) ;
- prendre en compte les conditions atmosphériques dans la mise à disposition des équipements de protection individuelle après consultation du CSE (8) ;
- prendre en considération les salariés vulnérables et adapter les mesures de prévention à leur égard (l'employeur doit aussi définir les modalités de signalement concernant un salarié qui se trouverait dans une situation nécessitant qu'on lui porte secours) (9) ;
- il doit aussi fermer les locaux affectés au travail. Ces derniers doivent être maintenus à une température adaptée compte tenu de l'activité des travailleurs et de l'environnement dans lequel ils évoluent (10).
Attention : la loi n’oblige pas l’employeur à installer un dispositif de climatisation !
Enfin, des dispositions spécifiques et propres à certains secteurs d’activité sont prévues. C’est par exemple le cas dans les entreprises de bâtiment et de travaux publics (BTP) en cas d’intempéries et après avis du comité social et économique : l'employeur peut décider de l’arrêt du travail (11). De plus, en cas d'impossibilité de mettre en place de l'eau courante, l'employeur du BTP se doit de mettre à la disposition des salariés une quantité d'eau d'au moins 3 litres par jour par travailleur (12).

Bon à savoir !
Le décret n° 2025-482 du 27 mai 2025 prévoit que l'inspection du travail puisse intervenir lorsque l'employeur ne définit pas de mesures ou actions de prévention du risque lié aux épisodes de chaleur intense. Dans un délai de 8 jours, l'inspection du travail peut mettre en demeure l'employeur de s'exécuter. Passé ce délai, elle peut aussi dresser un procès-verbal en l'absence de réaction de la part de l'employeur.
Si le Code du travail ne donne pas d’indication précise sur les températures maximales au-delà desquelles vous pouvez vous arrêter de travailler, l’INRS et la CNAMTS sont venus faire quelques recommandations.
Ainsi, il est précisé que le travail par forte chaleur, et notamment au-dessus de 33°C, présente des dangers pour la santé des travailleurs. Des mesures préventives simples et efficaces permettent de remédier aux effets de la chaleur :
- travailler de préférence aux heures les moins chaudes,
- effectuer une rotation des tâches avec les postes les moins exposés,
- augmenter la fréquence des pauses,
- limiter le travail physique,
- installer des sources d’eau fraîche à proximité des postes de travail,
- aménager des aires de repos climatisées ou des zones d’ombre…
Par ailleurs, l’employeur est tenu de respecter les recommandations prescrites dans le cadre du plan national canicule.
Le plan de gestion des vagues de chaleur
Le plan du ministère de la Transition écologique présenté le 8 juin 2023 et mis à jour en 2024 contient un axe relatif aux travailleurs et aux entreprises avec 2 actions principales :
L’action 11 annonce la création d’un guide à destination des entreprises concernant les travaux simples réalisables pour améliorer la température dans les bureaux. Le guide contiendra des informations sur le coût des travaux, leur durée et les éventuelles aides existantes.
L’action 12 annonce un renforcement des contrôles de l’inspection du travail lors des vagues de chaleur : « une attention particulière devra être portée aux activités exposant davantage les travailleurs au risque de chaleur, telles que les activités en extérieur (BTP, travaux agricoles), mais aussi la restauration, la boulangerie, les pressings…».
Le plan précise que les agents de l’inspection du travail pourront transmettre aux DREETS la notification d’une mise en demeure en cas de situation dangereuse résultant du non-respect des principes généraux de prévention. Également, une vigilance particulière sera portée aux jeunes travailleurs qui ne peuvent être exposés à des températures extrêmes (sans dérogations possibles).
Le droit de retrait des salariés
Dans certaines circonstances, vous avez le droit de quitter votre poste de travail. C’est le cas lorsque vous êtes face à une situation qui présente un danger grave et imminent pour votre vie ou votre santé (13). Vous devez alors en alerter immédiatement votre employeur et vous retirer d’une telle situation.
L’employeur ne pourra pas vous demander de reprendre votre poste tant que persiste ce danger.
Aucune sanction et aucune retenue de salaire ne pourra être prise à l’encontre du salarié qui exerce son droit de retrait (14).
Attention : le droit de retrait ne doit pas créer pour autrui une nouvelle situation de danger grave et imminent !
Enfin, le représentant du personnel au CSE dispose également d’un droit d’alerte lorsqu’il constate une cause de danger grave et imminent, notamment par l’intermédiaire d’un travailleur (15).
La tenue vestimentaire
En période de forte chaleur, vous avez en principe le droit de venir en tenu légère au bureau. Cependant, l’employeur a le droit d’imposer des restrictions si elles sont justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché (16).
L’employeur donc peut imposer une tenue de travail pour des raisons d’hygiène, de sécurité ou dans le cas où vous êtes en relation avec la clientèle.
(1) Décret n° 2025-482 du 27 mai 2025
(2) Art L.4121-1 à L. 4121-5 C.trav.
(3) Art R.4225-2 à R. 4225-4 C.trav.
(4) Art R.4222-1 et s. C.trav.
(5) Art. R.4463-2 C.trav
(6) Art. R.4463-3 C.trav
(7) Art. R.4463-7 C.trav
(8) Art. R.4323-97 C.trav
(9) Art. R.4463-5 et 6 C.trav
(10) Art. R.4223-13 C.trav
(11) Art L.5424-9 C.trav.
(12) Art. R.4534-143 C.trav
(13) Art L.4131-1 et s. C.trav.
(14) Art L.4131-3 C.trav
(15) Art L.4131-2, art. L.4132-1 et s. C.trav.
(16) Art L.1121-1 C.trav