Venezuela : La sortie de crise est encore loin

Publié le 04/05/2017

Le cortège de l’Alliance syndicale indépendante n’a pas pu défiler ce 1er Mai à Caracas. Les syndicalistes ont été dispersés à coup de lacrymogènes. Le régime de Nicolas Maduro, au bord du gouffre, se fait de plus en plus répressif.  Le 4 mai 2017, on dénombrait déjà  31 morts. 

« Nous étions environ 300 militants à Caracas pour défiler ce 1er Mai. Nous avions pris nos précautions en dialoguant avec la police et les forces armées auparavant pour réaffirmer nos intentions pacifiques. Dès que nous nous sommes mis en marche, des grenades lacrymogènes se sont abattues sur nous et nous avons dû nous disperser immédiatement dans le plus grand désordre. La secrétaire générale de l’Alliance syndicale indépendante (ASI), Marcela Leon, a dû se mettre à l'abri (Photo). » Carlos Navarro, le président de L’ASI, est révolté et condamne ce qu’il considère comme une violation des droits syndicaux et des conventions internationales du travail qui reconnaissent aux travailleurs le droit de se syndiquer et de manifester. Dans neuf autres villes du pays, les cortèges de l’ASI ont pu défiler, rassemblant plusieurs milliers de personnes. Cette organisation syndicale est soutenue par la CFDT depuis sa création en 2015. Elle a montré en peu de temps sa capacité à promouvoir un syndicalisme indépendant des partis politiques, proche des salariés.Elle ne s’inscrit ni dans le camp chaviste ni dans l’opposition. Elle était la seule centrale syndicale à organiser ses propres rassemblements pour le 1er mai, les autres s'inscrivant soit dans les manifestations de l'opposition, soit dans les rassemblements pro-gouvernementaux. 1erMaiVenezuela2

L’opposition demande le départ de Maduro

Depuis des mois, la tension dans la capitale était déjà très élevée (Lire l’article sur la Diète Maduro). Le 29 mars dernier, Caracas a connu un regain de tension lorsque la Cour suprême a décidé de suspendre l'Assemblée nationale dominée par l'opposition et d'assumer les fonctions de Parlement. Devant la levée de boucliers et les manifestations gigantesques de l’opposition, la Cour suprême a dû faire machine arrière. Depuis l’opposition maintient la pression en manifestant régulièrement dans les rues pour réclamer la démission de Maduro et l’organisation d’élections présidentielles anticipées.

Nicolas Maduro a d’abord répondu par une répression accrue. A ce jour, on compte près de 2 000 interpellations, 900 prisonniers et surtout 31 morts. Ces meurtres n’ont pas été perpétrés directement par les forces militaires ou de police mais par des miliciens armés sur les agissements desquels les autorités ferment les yeux. Ces derniers jours, Maduro a proposé de former une assemblée constituante pour réviser la Constitution mais dont les modalités d'élection assureraient un contrôle par le pouvoir. L’opposition dénonce un nouveau piège et refuse de se laisser entrainer dans une manœuvre qui vise à maintenir au pouvoir Maduro coute que coute.

Les moyens de se nourrir 16 jours par mois

En attendant, Le peuple vénézuélien paie au prix fort l’entêtement de Maduro. Il règle aussi la note de dix-sept années de régime chaviste qui a mis en place une économie administrée qui a ruiné le pays. Pratiquement toutes les grandes entreprises vénézuéliennes ont à leur tête des militaires de haut rang favorables au pouvoir, en général incapables de gérer une entreprise mais tirant profit de la situation en détournant une grande partie de la production. « Les gens maigrissent à vue d’œil. Les poubelles des restaurants se vendent à prix d’or », constate un ressortissant français vivant à Caracas qui tient à rester anonyme.

La pénurie sur les produits alimentaires de première nécessité, sur les médicaments même basiques, la disparition des produits d’hygiène, etc. sont le lot quotidien de la population. Les Vénézuéliens font des queues de parfois plusieurs jours pour trouver… ce qu’on voudra bien mettre en rayon dans des magasins quasiment vides. « Avec deux salaires minimum et les tickets d’alimentation, une famille moyenne peut se nourrir pendant 16 jours par mois. Le reste du temps, on se débrouille, explique Carlos Navarro, de plus, sur les 13,5 millions d’actifs, 9,5 millions ne touchent pas de tickets d’alimentation. » Depuis trois ans, le PIB du pays est en régression croissante : - 3 % en 2014, -4,5 % en 2015, entre -8 et –10 % en 2016. Des organisations caritatives internationales ont proposé de créer un canal humanitaire pour venir en aide aux populations les plus démunies du pays. Maduro a refusé ce qu’il qualifie d’ingérence étrangère !

Bref, la situation est très compliquée et personne ne voit aujourd’hui d’issue politique pacifique. Les tentatives de l’église et la mission de bons offices menée par l’Espagnol Zapatero, le Panaméen Trujillo et Fernandez de République dominicaine ont échoué faute de volonté de négocier. De gros nuages couvrent le ciel du Venezuela.

dblain@cfdt.fr