Venezuela : L’Alliance syndicale indépendante dit non à l’assemblée constituante

Publié le 20/06/2017

Un colloque sur la situation du Venezuela s’est tenu le 19 juin à Paris à l’initiative de la CFDT. Le président de l’Alliance syndicale indépendante (ASI) que la CFDT soutient depuis sa création était invité. Il a expliqué la gravité de la situation dans laquelle se trouvent les travailleurs de ce pays et ses inquiétudes sur l’avenir proche.

« Je veux dire toute l’admiration que j’ai pour les hommes courageux qui s’engagent pour la démocratie sociale dans ces pays où le combat est très risqué. » Laurent Berger a tenu, par ces mots, à saluer Carlos Navarro, le président de l’Alliance syndicale indépendante (ASI) du Venezuela, présent à Paris à l’invitation de la CFDT pour un colloque sur la situation dans son pays.

Le pays à la « diète Maduro »

La CFDT soutient cette organisation depuis sa création en décembre 2015. L’ASI a toujours refusé les idéologies qui s’affrontent dans ce pays qu’elles soient d’un bord (pro Maduro) ou de l’autre (opposition). Elles ont fait 3 000 blessés, 75 morts et un millier d’arrestations ces derniers mois. En revanche, l’ASI organise les travailleurs indépendamment de leurs choix politiques : les « chavistes » cohabitent avec les opposants au régime de Maduro au sein de l’ASI.

L’ASI défend d’abord les intérêts très menacés de tous ces travailleurs. Qu’on en juge : l’inflation était de 500 % en 2016 et le salaire minimum de 29,55 $ ce qui fait de ce pays assis sur une manne pétrolière, l’un des moins redistributifs du monde. Des chiffres officiels montrent qu’avec deux salaires minimum et deux tickets alimentaires par mois, une famille peut se nourrir pendant 16 jours. Pour la fin du mois, c’est ce que les Vénézuéliens appellent « la diète Maduro ». L’économie informelle a progressé de plus de 50 % au cours des dernières années, couronnant le pays de ce triste record parmi les pays d’Amérique du Sud. « Par ailleurs, sept lois en vigueur criminalisent l’action syndicale, rendant l’organisation en syndicat et l’exercice du droit de grève très périlleux, voire impossible » regrette Carlos Navarro.

Une aggravation des violences est à craindre

Mais pour le dirigeant syndical, le plus grave est à venir. Pour réduire  toute forme d’opposition, Nicolas Maduro a convoqué pour le 30 juillet une assemblée constituante chargée d’établir une Constitution « à sa main ». « L’ASI a refusé d’y participer, le mode de désignation par le ministère public des personnalités siégeant dans cette assemblée n’est pas légal », affirme Carlos Navarro. Toutes les organisations démocratiques, y compris l’ASI, demandent à  la communauté internationale de faire pression afin de suspendre l’organisation cette assemblée constituante. « Si elle devait aboutir et empêcher toute représentation de l’opposition, prévient Carlos Navarro, on pourrait craindre une forte aggravation des violences. »

En attendant, les manifestations se poursuivent et la répression aussi. Le 19 juin, la Garde nationale a encore tué un manifestant de 17 ans, portant ainsi à 76 le nombre de morts depuis le début des manifestations. L’opposition réclame à la démission du président et veut l’organisation de nouvelles élections présidentielles ce à quoi Maduro reste sourd. Le Venezuela vient de quitter la conférence des pays de l’Organisation des Etats d’Amérique (OEA) qui ont commencé à lâcher le président vénézuélien. Guiseppe Iuliano, responsable de la CISL, une centrale italienne très proche de la CFDT, présent au colloque à Paris a soutenu la démarche des gouvernements italien et espagnol, qui font pression sur Maduro afin qu’il suspende l’organisation de son assemblée constituante. Le nouveau gouvernement français en fera-t-il autant ?

Pour sa part, Yvan Ricordeau, secrétaire national de la CFDT chargé des questions internationales a déjà écrit à l’ambassadeur de Venezuela à Paris pour demander l’ouverture d’un canal humanitaire, pour le respect du droit à manifester, pour  l’ouverture d’enquêtes sur les violences et les assassinats, et le rétablissement du dialogue avec l’opposition. La demande est restée sans réponse. « La CFDT entend poursuivre la coopération engagée avec l’ASI et à lui apporter une aide concrète, a rappelé le secrétaire national, nous allons également continuer à parler du Venezuela et à faire reconnaitre l’ASI au plan international comme nous l’avons fait en l’accompagnant à Conférence international du travail (CIT) à Genève où elle n’a pas le droit de siéger pour l’instant. »

Quelle sortie politique ? 

Egalement présentes à ce colloque, Geneviève Garrigos d’Amnesty International et Andreina Mujica, journaliste vénézuélienne vivant en France, ont confirmé la situation humanitaire dramatique dans laquelle se trouve le pays. La première a fait état des arrestations arbitraires, de justice expéditive, de tortures qui se font de plus en fréquentes dans ce pays. La seconde s’est fait remarquer par une lettre parue dans Libération le 30 mai adressée à son frère ambassadeur du Venezuela à Paris, et donc pilier du régime, l’enjoignant de prendre position en faveur de la démocratie. Ce dernier lui a répondu ces quelques mots qui en disent long sur les possibilités d’une sortie politique pacifique de cette crise : « Ne m’écris plus. »

dblain@cfdt.fr