Que se passe-t-il en cas de maladie pendant la période de référence ?

Pour rappel, jusqu’ici et sauf dispositions conventionnelles plus favorables, les salariés en arrêt de travail consécutif à un accident du travail ou à une maladie professionnelle (AT/MP) pouvaient acquérir des congés payés (CP) seulement la 1re année d’arrêt de travail ininterrompu. Pour les salariés en arrêt maladie non professionnelle, c'est bien simple, aucun CP n'était acquis.
Les nouvelles règles d’acquisition des congés payés
À partir de l’entrée en vigueur de la loi, soit le 24 avril 2024 :
- Les salariés en arrêt de travail d’origine professionnelle (AT/MP) acquièrent des CP sans limitation de durée (L.3141-5, 5° modifié).
- Les salariés en arrêts maladie d’origine non professionnelle acquièrent des CP. Ces arrêts de travail sont considérés comme du temps de travail effectif pour l’acquisition des CP (L.3141-5, 7° ajouté).
En revanche, ces salariés n’acquièrent que 2 jours ouvrables de CP par mois d’arrêt de travail pour maladie non professionnelle, dans la limite d’une attribution, à ce titre, de 24 jours ouvrables par périodes de référence, c’est-à-dire, 4 semaines de CP/an. ( L.3141-5-1 nouveau).
En pratique: - Un salarié en arrêt de travail pour maladie non professionnelle durant toute une période d’acquisition, n’aura acquis que 24 jours ouvrables de CP, soit 4 semaines (2 j x 12 mois) à l'issue de celle-ci. - Un salarié en arrêt maladie non professionnelle sur une partie seulement de la période d'acquisition, pourrait lui acquérir, selon nous (et confirmé par le ministère du Travail), plus de 24 jours de CP grâce à la règle d’équivalence prévue par l’article L.3141-4 du Code du travail qui, elle, n’a pas été modifiée par la loi (voir "cas général"). |
Les règles applicables aux situations passées
Si les nouvelles règles décrites ci-dessus s’appliquent à compter du 24 avril 2024, en réalité, c’est depuis le 1er décembre 2009 (1) que les salariés sont fondés à réclamer leurs 4 semaines de congés minimum lorsqu’ils ont été en arrêt maladie (professionnelle ou non). C’est pourquoi la loi a prévu de rendre certaines de ces mesures applicables pour le passé (période allant du 1er décembre 2009 au 24 avril 2024).
Les règles d’acquisition des CP en cas de maladie non professionnelle
La loi reconnaît que ces salariés ont donc rétroactivement acquis des congés payés à hauteur de 2j ouvrables/mois, soit 24 j/an (2).
En revanche, contrairement aux règles d'acquisition applicables à compter du 24/04/24, cette acquisition rétroactive ne pourra en aucun cas amener les salariés à obtenir plus de 24 jours ouvrables de CP par période d'acquisition même en appliquant la règle d’équivalence.
En pratique : Admettons qu'en 2010, un salarié a été en arrêt de travail durant 2 mois sur la période d'acquisition fixée dans l'entreprise, il n'aura donc acquis, à l'époque, que 25 j de CP (10 mois x 2,5j ). Mais il ne pourra réclamer aucun jour de congé supplémentaire pour les 2 mois où il a été en arrêt maladie, puisqu'il a déjà bénéficié d'au moins 24 jours de CP pour cette période d'acquisition. À l'inverse, si, sur cette même période, il a été en arrêt maladie durant 4 mois, il n'aura alors acquis que 20 jours de CP (8 mois x 2,5j) et sera donc recevable à réclamer 4 jours supplémentaires. Et ce, alors même qu'il aurait pu en réclamer 8, c'est-à-dire, 2j x 4 mois. |
À noter : parmi ces mesures rétroactives, la loi ne vise pas les salariés qui ont été en arrêt de travail suite à un AT/MP pendant plus d’un an. Selon nous, cela ne les empêche pas d’agir en justice pour réclamer leurs droits sur la base des arrêts rendus par la Cour de cassation le 13 septembre dernier (3).
Délais pour réclamer les congés passés
Les délais pour agir en justice en vue de réclamer des congés acquis entre 2009 et 2024, varient selon que le salarié est, ou non, au 24 avril 2024, toujours lié à son employeur :
Si le salarié est toujours en poste, la loi a fixé un délai
Le salarié a 2 ans, à compter de la date d’entrée en vigueur de la loi (soit jusqu’au 23 avril 2026 minuit), pour réclamer en justice les jours de CP (et non une indemnité) dont il a été privé entre 2009 et 2024. Attention ! Au-delà, il ne sera plus possible d’exercer une action visant à récupérer ces CP !
Si le salarié a quitté son poste, la loi n’a alors rien prévu
Ce sont donc les règles habituelles qui s’appliquent, c’est-à-dire celles prévues par l’article L.3245-1 du Code du travail. Les salariés qui réclament un salaire (ou une indemnité compensatrice de CP) ont donc 3 ans pour agir à compter du jour où ils ont connu ou auraient dû connaître les faits leur permettant d'exercer leur droit. À noter que contrairement aux salariés en poste, ces salariés ne peuvent réclamer qu'une indemnité compensatrice de CP.
Pour le Gouvernement, qui s’appuie sur l’avis du Conseil d’État (4), les salariés qui ont quitté leur entreprise depuis plus de 3 ans à la date d’entrée en vigueur de la loi ne pourraient plus agir en justice pour obtenir le paiement de leurs CP passés.
Selon nous, cette interprétation soulève des interrogations. Il se trouve que le point de départ de l’action en paiement des indemnités de congés payés a été aménagé et précisé par la jurisprudence de l’UE et par la Cour de cassation qui, ensemble, considèrent que le délai de 3 ans pour agir court à la fin de la période au cours de laquelle le salarié aurait dû prendre les CP dont il n’a pas bénéficié et seulement si l’employeur l’a effectivement mis en mesure d’exercer ses droits à congés sur cette période. Ce qui n'a évidemment pas pu être le cas de ces employeurs. Dans ces situations, on pourrait donc considérer que ce délai de 3 ans n'a jamais commencé à courir.
Quant aux salariés qui ont quitté leur entreprise depuis moins de 3 ans, ils sont, en tout état de cause, encore dans les délais pour agir. Ils peuvent donc réclamer des CP acquis par le passé et se verront appliquer les mêmes règles rétroactives que les salariés encore sous contrat. Sur ce point demeure toutefois une incertitude quant à la période jusqu'à laquelle ils peuvent remonter dans leur demande.
(1) Le 1er décembre 2009 correspond à la date d’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, Traité qui a donné une force juridique contraignante à la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne qui prescrit que tout travailleur a droit à une période annuelle de congés payés (art. 31, 2).
(2) Art. L.3141-5, 7° et L.3141-5-1 C.trav.
(3) Cass.soc. 13.09.23, n°22-17638.
(4) Avis CE, 11.03.24, n°408112.