Je suis victime de discrimination à l’embauche

Si l'employeur dispose d'une liberté de choix en matière de recrutement, c'est à condition de respecter les règles protégeant les droits fondamentaux de la personne et en particulier l'interdiction des discriminations. Comment définir la discrimination ? Comment la prouver ? Quels sont les recours possibles ?

Le principe de non-discrimination en matière de recrutement

La discrimination directe 

Constitue une discrimination directe un refus d'embauche fondé sur un des motifs prohibés par la loi (articles L.1132-1 et suivants du Code du travail). 

Sont notamment visés : l’âge, le sexe, l’état de santé, les origines, les mœurs, le lieu de résidence, la situation familiale, l'état de grossesse, l’apparence physique, la particulière vulnérabilité résultant d’une situation économique, le nom, l'orientation sexuelle, l'identité de genre, les opinions politiques, les convictions religieuses, les activités syndicales ou mutualistes…

Sauf cas particuliers (professions des arts et du spectacle, mannequins, modèles), un employeur ne peut pas mentionner dans une offre d’emploi le sexe du candidat recherché.

Dans les entreprises d’au moins 300 salariés et dans toute entreprise spécialisée dans le recrutement, les employés chargés des missions de recrutement reçoivent une formation à la non-discrimination à l’embauche au moins tous les 5 ans (1).

La discrimination indirecte

Constitue une discrimination indirecte toute mesure ou pratique en apparence neutre mais qui en fait à des conséquences de nature à désavantager un groupe de personne, visé par les motifs prohibés cités précédemment, par rapport à un autre groupe.  

A moins que cette pratique puisse être objectivement justifiée par un but légitime et que les moyens pour le réaliser ne soient nécessaires et appropriés, la discrimination indirecte est prohibée.

La charge de la preuve en matière de discrimination

L’enjeu de la preuve

L’employeur n’a donc pas le droit d’écarter un candidat d’un recrutement, de l’accès à un stage ou une formation en se basant sur un des motifs énoncés ci-dessus.

Toute la difficulté réside dans la capacité pour le candidat à un emploi de démontrer qu’il a été écarté pour un tel motif. Pour cette raison la charge de la preuve est dite allégée devant le conseil de prud’hommes, elle est partagée entre le demandeur et le défendeur :

-       Le candidat à un recrutement (à un stage ou à une période de formation en entreprise) présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte ;

-       C’est alors à l’employeur qu’il incombe de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

La protection des témoins de discriminations

Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire pour avoir témoigné ou relaté des agissements discriminatoires (Art.L.1132-3 C.trav.).

Il existe une limite à la protection accordée, qui est celle de la bonne foi de la personne qui témoigne. Ainsi, il ne faut pas que celle-ci rapporte des éléments de faits dont elle connaît la fausseté (Cass. Soc. 13 janvier 2021, n°19-21138).

Des modes de preuves spécifiques pour la discrimination à l’embauche

Le testing

Il existe des méthodes légales pour révéler si un recrutement a été mené de façon discriminatoire.

Il s’agit notamment de la méthode du testing : cela consiste par exemple dans l'envoi au moment d’un recrutement de deux CV équivalents avec une variable selon la discrimination que l’on veut démontrer. Cette méthode peut également être utilisée dans d’autres domaines (accès au logement, au crédit, comportement de tiers...).

Cette pratique est autorisée en droit du travail, dans le but d’améliorer la lutte contre les discriminations. Elle est inscrite dans le Code pénal (2), et fait suite à plusieurs arrêts de la Cour de cassation au début des années de 2000 qui lui ont donné une valeur probatoire (3).

Cette méthode est souvent utilisée par des associations de lutte contre les discriminations. Elle est également utilisée par l'Etat pour des campagnes de testing au niveau national (4).

L'émergence de la comparaison statistique des profils 

L’utilisation de la comparaison statistique des profils des candidats est possible. Lorsqu’un candidat s’estime injustement écarté du processus de recrutement, il peut tenter de mettre en perspective les profils des candidats embauchés en CDI et ceux écartés du recrutement. Le but ici est de laisser supposer l’existence d’une discrimination à l’embauche. La Cour de cassation s'est penchée sur la question pour la première fois dans un arrêt du 14 décembre 2022 (5), facilitant ainsi l’obtention de la preuve.

En pratique, il peut s’agir d’une analyse statistique de l’origine des noms des salariés en CDI de l’entreprise. Le but du salarié sera alors de prouver l’existence d’une discrimination systémique à l’embauche. C’est ici une reprise de la jurisprudence Enderby (6) de la Cour de justice des Communautés européennes (aujourd’hui Cour de Justice de l’Union européenne), qui a admis dès 1993 la preuve statistique.

Bientôt une nouvelle loi sur les discriminations ?  

Une proposition de loi visant à lutter contre les discriminations prévoit plusieurs mesures concernant la pratique de tests individuels et statistiques.

Son principal apport est la création d’un service sous l’autorité du Premier ministre attaché à la connaissance, la prévention et la correction des situations de discrimination.

Ce service aurait pour mission de conseiller les personnes qui souhaiteraient faire des tests individuels de discrimination, de réaliser lesdits tests sur demande ainsi que de réaliser et financer des tests de discrimination statistiques. L’organe rendrait public l’ensemble de ses tests.

Le parcours législatif a été interrompu depuis la dissolution de l'assemblée nationale.

 

Que faire si l’on est victime de discrimination pendant un processus de recrutement ?

Bien souvent les candidats discriminés n’engagent pas de démarche faute de temps, de moyens et aussi parce que ce sont des situations douloureuses. 

Si vous estimez avoir subi une discrimination à l’embauche, il est important de réagir pour faire cesser ces comportements et obtenir réparation. Il est utile de se rapprocher d’une organisation syndicale pour obtenir des conseils et appuyer votre démarche.

Vous pouvez également vous rapprocher des interlocuteurs suivants :

  • Le défenseur des droits, institution indépendante de l’état dont la mission est notamment la lutte contre les discriminations et la promotion de l’égalité (voir le site www.defenseurdesdroits.fr),
  • Les agents de contrôles de l’inspection du travail,
  • Les membres du CSE.

En fonction des situations, différentes actions en justice sont envisageables.

Recours en matière civile

Vous avez la possibilité d’exercer un recours civil devant le Conseil de prud’hommes.

Une organisation syndicale représentative peut également agir devant le tribunal judiciaire au moyen d'une action de groupe (L.1134-7 C.trav.)

Le but sera ici d’établir que « plusieurs candidats à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou plusieurs salariés font l'objet d'une discrimination, directe ou indirecte, fondée sur un même motif figurant parmi ceux mentionnés à l'article L. 1132-1 et imputable à un même employeur ».

Une association intervenant dans la lutte contre la discrimination ou dans le domaine du handicap, si elle est déclarée depuis au moins 5 ans, peut agir de la même manière.

Une proposition de loi encore à l'examen vise à unifier le cadre qui s'applique à toutes les actions de groupes, à élargir la qualité à agir, le champ matériel d'application, ainsi que les préjudices indemnisables. Une sanction civile serait envisagée en plus, si les dommages sériels sont intentionnels. Enfin, la proposition prévoit de créer des tribunaux judiciaires spécialisés pour concentrer les contentieux en matière d'action de groupe. 

Recours en matière pénale 

Vous pouvez également déposer une plainte auprès du procureur de la République, dans un commissariat de police ou en gendarmerie.

L'article 225-2 du Code pénal sanctionne le fait pour l’employeur de refuser d’embaucher pour des motifs discriminatoires. Il s'agit d'un délit punit de trois ans d’emprisonnement et de 45 000€ d’amende. Pour agir au pénal, la victime de la discrimination dispose d’un délai de 6 ans. Le point de départ de ce délai est le jour où la discrimination a été commise.

 

 

(1) Art. L.1131-2  C. trav.

(2) Art. 225-3-1 C.pen.

(3) Cass.crim.11.06.02, n° 01-85559.

(4) Testing Dares 2016 :  http://dares.travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/2016-076.pdf

Testing Dares 2021 : https://dares.travail-emploi.gouv.fr/publication/discrimination-lembauche-des-personnes-dorigine-supposee-maghrebine-quels-enseignements

(5) Cass. soc., 14 décembre 2022, n°21-196.28.

(6) CJCE, 27/10/93, aff. C-127/92.

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