Incidence de la maladie
Pour rappel, lorsqu’un salarié s’était trouvé dans l’impossibilité de prendre ses congés annuels au cours de la période prise habituelle en raison d’absences liées à la une maladie ou à un accident du travail où une maladie professionnelle (AT/MP), les CP acquis étaient reportés après la date de reprise du travail (1). La loi ne prévoyait aucune limite dans le temps pour écouler ces CP non pris, jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi n°2024-364 du 22.04.24.
L’introduction d’une période de report des congés payés
Lorsqu'un salarié s’est trouvé dans l’impossibilité de prendre tout ou partie de ses CP au cours de la période habituelle de prise en raison d’une maladie ou d’un accident, il dispose d’une période de 15 mois pour les utiliser (L.3141-19-1, al.1 nouveau).
A noter qu'un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, de branche, peut fixer une période de report plus longue, mais pas plus courte (L.3141-21-1 nouveau).
Quel est le point de départ de ce report ?
La loi pose un principe et une exception.
- En principe, le délai de 15 mois court à compter de la date à laquelle le salarié reçoit, après avoir repris le travail, les informations sur ses droits à CP. Ainsi, tant que le salarié n’a pas reçu cette information, le délai de report ne court pas.

Une obligation d’information à la charge de l’employeur
Depuis le 24 avril 2024, lorsqu’un salarié reprend son travail à la suite d’un arrêt de travail (qu’il soit d’origine professionnelle ou non et quelle que soit sa durée), l’employeur doit, dans le mois suivant cette reprise, l’informer :
- du nombre de jours de congé dont il dispose,
- de la date jusqu’à laquelle ces congés peuvent être pris.
Cette information peut se faire par tout moyen permettant de lui conférer une date certaine, notamment via le bulletin de paie (L.3141-19-3 nouveau).
Attention, car à défaut d'utiliser ses congés dans ce délai, le salarié devrait les perdre ( L.3141-19-1, al.2 nouveau). Ce point de départ peut donc, en principe, concerner tous les CP acquis par le salarié avant son arrêt de travail et ce, qu'il les ait acquis sur des périodes de travail ou d'arrêt de travail.
- Une exception est toutefois prévue dans les hypothèses de longue maladie. Lorsqu’à la fin de la période d’acquisition des congés, il s'avère que le salarié est en arrêt de travail (d’origine professionnelle ou non) depuis au moins 1 an, la période de report de 15 mois débute dès la fin de cette période d’acquisition (et non au retour du salarié absent) (L.3141-19-2 nouveau). Ce point de départ anticipé de la période de report ne concerne, a priori, que les CP acquis sur cette période.
De là, 2 cas de figure sont à envisager :
- Si le salarié est toujours en arrêt au terme de ces 15 mois : les CP ainsi acquis sont alors définitivement et automatiquement perdus.
- À l’inverse, si le salarié revient dans l’entreprise avant l’expiration du délai de 15 mois, la période de report est alors suspendue, jusqu’à ce que l’employeur l’informe de ses droits à congés (au plus tard dans le mois suivant sa reprise). Une fois le salarié informé, la période de report reprend pour la fraction qui reste à courir.
Si cette fraction n’est pas suffisamment longue pour couvrir l’entièreté des droits à congés acquis par le salarié, les CP qui n’auront pu être pris dans cet intervalle seront, nous semble-t-il, perdus (L.3141-19-2, al.2 nouveau). La loi ne prévoyant pas de nouvelle période de report…
Autrement dit, dès lors que vous aurez été absent durant toute une période d’acquisition (par ex. du 1er juin 2023 au 31 mai 2024) : Ensuite : |
Attention ! Dans la mesure où l’information de l’employeur constitue désormais le point de départ d’une période de report des CP non pris (au terme de laquelle vous pouvez les perdre), il est essentiel d'être vigilant et d'en prendre connaissance régulièrement, quelle que soit la manière dont cette information vous sera transmise (bulletin de paie électronique, papier, autre.).
Un droit au report applicable aux situations passées
La période de report des CP de 15 mois, ses points de départ distincts, et l’obligation d’information de l’employeur s’appliquent également aux congés acquis avant l’entrée en vigueur de la loi au 24 avril 2024 (2).
Ainsi, un salarié qui aura été absent pour maladie sur toute une période d'acquisition (par ex. 2012/2013) aura bien rétroactivement acquis des CP sur cette période. Seulement, il avait 15 mois pour les prendre à compter de la fin de cette période d'acquisition :
- Si, à l'expiration de ce délai, il n'avait toujours pas repris son poste, on considère que ces congés sont perdus.
- Si, en revanche, il a repris le travail avant l'expiration de ce délai, on considère que la période de report a alors été suspendue et qu'elle l'est restée jusqu'à ce que l'employeur informe le salarié de ses droits à congés (nouvel article L.3141-19-3). Ce qui laissera plus ou moins de temps au salarié pour prendre ses congés acquis il y a plus de 10 ans.

La maladie pendant les congés :
Jusque très récemment, le salarié qui tombait malade durant ses congés payés ne pouvait pas exiger de prendre ultérieurement le congé dont il n'avait pu bénéficier du fait de son arrêt de travail. On considérait que l'employeur s'était acquitté de son obligation. Il n'y avait donc pas de droit au report de ces jours de congés, finalement perdus, et la maladie n'interrompait pas le décompte des CP.
Cette position, issue d'une jurisprudence relativement ancienne de la Cour de cassation (3), était pourtant contraire au droit de l'Union européenne (4). Notre Code du travail ne prévoyant rien non plus, la Commission européenne a d'ailleurs enclenché, en juin 2025, une procédure d'infraction à l'encontre de la France sur ce point précis.
Depuis, la Cour de cassation a opéré un véritable revirement ! Dans un arrêt du 10 septembre 2025, elle a reconnu, pour la première fois, que le salarié malade pendant ses congés payés a le droit de bénéficier ultérieurement des jours de congés qui ont coïncidé avec sa période d'arrêt. A une condition toutefois : il doit avoir notifié son arrêt de travail à l'employeur (5).
En pratique, lorsqu'un salarié tombe malade durant ses congés payés, il a le droit de reporter les jours de CP correspondant à son arrêt de travail, à condition de transmettre un arrêt de travail à son employeur. Ce dernier devra alors recréditer les jours de congés sur le compte de congés du salarié et lui verser, éventuellement, le complément de salaire dû en plus des indemnités journalières de la Sécurité sociale.
Pour plus de détails sur l'incidence de la maladie survenant durant les congés payés, voir ici.
(1) Cass.soc.28.09.11, n°09-70612 ; CJUE, 10.09.09, aff.- C-277/08, Vicente Pereda.
(2) Art. L.3141-19-1 à L.3141-19-3 C.trav.
(3) Cass.soc.04.12.96, n°93-44907.
(4) CJUE, 21.06.12, aff. C-78/11, ANGED c/FASGA.
(5) Cass.soc.10.09.25, n°23-22732.