Durée maximale de travail effectif et repos

Le temps de travail est très encadré par le Code du travail aussi bien pour fixer des durées maximales que des temps de repos obligatoires. Pour bien faire respecter ces règles protectrices de la santé des salariés, il faut d’abord déterminer ce qui relève ou non du temps de travail effectif.

Qu’est-ce que le temps de travail effectif ?

Définition

C’est le temps durant lequel vous êtes à la disposition de votre employeur et devez vous conformer à ses directives, sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles [1]. Il y a donc 3 critères pour qualifier le travail effectif :

  • être à la disposition de son employeur ;
  • devoir se conformer à ses directives ;
  • sans pouvoir librement vaquer à ses occupations personnelles.

Il n’est donc pas nécessaire que le salarié réalise une activité productive pour que son temps de travail soit considéré comme effectif, il suffit qu’il se tienne à la disposition de son employeur sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles. Sauf accord collectif ou usage, seul le temps de travail effectif est pris en compte pour l’appréciation des durées du travail (durées maximales, heures supplémentaires, etc.).
 

Qu’en est-il des « temps gris » ?

En pratique, de nombreuses situations intermédiaires, dans lesquelles le salarié ne travaille pas réellement, mais n’est pas non plus vraiment en repos, donnent lieu à un important contentieux.

Voici un bref aperçu de la manière dont sont traités les principaux temps gris.

Les temps de pause et de restauration

Si les salariés bénéficient d’une pause obligatoire de 20 minutes toutes les 6 heures de travail, ce temps n’est a priori pas considéré comme du temps de travail effectif et n’est donc pas décompté dans la durée du travail [2], ni même rémunéré. À moins que sur cette période, le salarié reste à la disposition de l’employeur, qu’il doive se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles, autrement dit à moins que les critères du temps de travail effectif soient réunis [3], ou encore qu’un accord collectif ou un usage n’aient assimilé ces pauses à du temps de travail effectif.

A défaut, ni la brièveté de la pause, ni le fait que le salarié ne puisse quitter l’établissement, ou encore qu’il soit tenu de rester en tenue de travail à cette occasion, ne permettent de considérer la pause comme un temps de travail effectif [4].

Les temps d’habillage/déshabillage

Ces temps ne sont pas légalement considérés comme du temps de travail effectif, ils ouvrent simplement droit à une contrepartie (en repos ou financière) lorsque certaines conditions sont réunies [5].

En revanche, un accord collectif (d’entreprise ou, à défaut, de branche), ou un usage peut parfaitement prévoir soit d’accorder cette contrepartie, soit d’assimiler ces temps à du travail effectif [6] . À défaut d’accord collectif, cette contrepartie ou assimilation peut être prévue par le contrat de travail [7].

Les temps de douche

Dans certains établissements, listés par un arrêté, où sont effectués des travaux insalubres et salissants, l’employeur doit mettre des douches à la disposition des salariés. Le temps de douche est alors rémunéré au tarif normal des heures de travail, mais n’est pas pris en compte dans la durée de travail effectif [8]. En revanche, si l’employeur impose au salarié de prendre une douche en dehors de ces établissements, le temps passé sera considéré comme du temps de travail effectif.

Les temps de déplacement au sein de l’entreprise

Le temps pendant lequel le salarié se trouve dans l’enceinte de l’entreprise avant de rejoindre son poste de travail n’est pas nécessairement un temps de travail effectif ! Là encore, il s’agit de vérifier si les critères du temps de travail effectif sont ou non réunis. Il a par exemple été considéré comme temps de travail effectif, le déplacement au cours duquel le salarié est susceptible de répondre aux sollicitations des clients ou de sa hiérarchie [9]. À l’inverse, ce n’est pas le cas du salarié obligé, avant sa prise de poste au sein d’un aéroport, de se soumettre aux contrôles de sécurité et de prendre une navette spécifique [10].

Les temps de déplacement à l’extérieur de l’entreprise

Déterminer si ces déplacements constituent ou non du temps de travail effectif suppose de distinguer selon la nature du trajet. En principe, les temps de trajet quotidiens du salarié pour aller et revenir de son domicile à son lieu de travail habituel ne constituent pas un temps de travail effectif dès lors que rien ne vient caractériser celui-ci [11].   

Peu importe alors que le salarié soit tenu d’effectuer 2 heures de route matin et soir tant qu’il n’est pas, sur ce temps, soumis aux directives de son employeur et qu’il demeure maître de la gestion de son temps [12].

Toutefois, si un déplacement professionnel dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il doit faire l'objet d'une contrepartie soit sous forme de repos, soit financière, déterminée par convention ou accord collectif ou, à défaut, par décision unilatérale de l'employeur prise après consultation du CSE. La part de ce temps de déplacement professionnel coïncidant avec l'horaire de travail ne doit pas entraîner de perte de salaire [13].

Les trajets entre deux lieux de travail (entre deux chantiers, deux clients…)

La jurisprudence considère de longue date que ces trajets constituent un temps de travail effectif et sont rémunérés comme tels. Il peut s’agir des déplacements effectués entre les différents lieux de travail pendant les horaires collectifs ou individuels de travail, ou des temps de trajet du siège de l’entreprise vers un autre lieu de travail tel qu’un chantier, ou du temps de trajet entre l’entreprise, où les salariés doivent se rendre à la demande de l’employeur pour l’embauche et la débauche, et le chantier lui-même. 

Dans ce dernier cas, la qualification de temps de travail effectif suppose que le passage par l’entreprise soit obligatoire pour les salariés. On considère en effet que sur ces temps, les salariés se trouvent être à la disposition de l’employeur et ne peuvent pas vaquer à des occupations personnelles [14].  

Les heures d'équivalence

Dans certaines professions (ex. : jeux et casinos, transport sanitaire…), il existe un régime dit « d’heures d’équivalence » qui assimile à une semaine de 35 heures un temps de travail supérieur en raison de périodes d'inactivité [15]. Ces dispositifs d’équivalence sont mis en place par convention ou accord de branche étendu ou, à défaut, par décret [16].

L'astreinte

Il s'agit d'une période pendant laquelle le salarié, sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, doit être en mesure d’intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise.

Seule l'intervention en tant que telle est considérée comme du temps de travail effectif.  La période d’astreinte fait simplement l’objet d’une contrepartie, soit financière, soit sous forme de repos [17]. Il en résulte qu’une période d’astreinte sans intervention peut tout à fait avoir lieu durant les périodes de repos quotidien ou hebdomadaire.

Les astreintes peuvent être mises en place par accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut par accord de branche. En l'absence d’accord collectif, elles peuvent être mises en place unilatéralement par l’employeur.

Les durées maximales de travail

La loi fixe des durées maximales journalières et hebdomadaires à ne pas dépasser :

  • Durée maximale quotidienne : 10 heures par jour [18] et 8 heures pour les travailleurs de nuit [19]. Par ailleurs, au-delà de 6 heures de travail consécutives, tout salarié a droit à une pause d’au moins 20 minutes [20].
     

    Pour les mineurs, la durée maximale est de 8 heures par jour [21], et ils bénéficient d’une pause d’au moins 30 min toutes les 4h30 de travail consécutif [22].

Dérogations possibles :
- en cas de surcroît d’activité, avec autorisation de l’inspection du travail et après avis du CSE s'il existe [23],
- en cas d’urgence après avis du CSE s’il a été mis en place dans l’entreprise [24],
- par accord collectif [25] ou en cas de circonstances exceptionnelles [26] : dans la limite de 12 heures,
- pour les mineurs : exceptionnelles sur autorisation de l’inspection du travail et après accord du médecin du travail, dérogations limitées à 5h/sem [27].       

  • Durée maximale hebdomadaire : on trouve ici 2 limites cumulatives.

    - 44 heures en moyenne par semaine, calculées sur une période de 12 semaines consécutives [28].

Dérogations possibles par accord collectif : limitée à 46h/sem,  à défaut d’accord, sur autorisation administrative dans la limite de 46h ou au-delà en cas de circonstances exceptionnelles [29].

        - dans la limite maximale de 48 heures au cours d’une même semaine (35 heures pour les mineurs) [30].

Dérogations possibles :  sur autorisation administrative après du CSE, dans la limite maximale de 60h/sem [31].

Pour le cas particulier des mineurs : la durée maximale est de 35h/sem. Des dérogations sont admises sur autorisation de l’autorité administrative, après accord du médecin du travail [32].

Les périodes de repos

Des périodes de repos, quotidiens et hebdomadaires, ont été instituées pour préserver la santé des travailleurs.

Le repos quotidien

Entre deux journées de travail, vous devez bénéficier d'un repos minimum de 11 heures consécutives [33].

Il peut être réduit dans certains cas : 

  • en cas de surcroît exceptionnel d’activité, sur autorisation de l’inspection du travail après avis du CSE s’il a été mis en place dans l’entreprise [34] ;
  • en cas d'urgence afin d’assurer la sécurité des biens et des personnes [35],
  • par accord collectif, pour certaines activités dans la limite minimale de 9 heures consécutives [36].

Tout salarié dont le repos quotidien a été réduit a droit à une période équivalente de repos ou à une contrepartie équivalente.

Le repos hebdomadaire et le travail du dimanche

Il est interdit d'occuper un même salarié plus de 6 jours par semaine. Le repos hebdomadaire doit être d'au moins 24 heures consécutives auxquelles s’ajoutent les 11 heures de repos quotidien [37].

Dans l'intérêt des salariés, il doit, en principe, être donné le dimanche. Mais la loi permet de nombreuses dérogations au principe du repos dominical.

Les dérogations permanentes de droit (sans autorisation administrative) 

Travail en continu, hôpitaux, hôtels, restaurants, zones touristiques, commerces de détail alimentaire pour lesquels le repos hebdomadaire peut être donné le dimanche à partir de 13 heures, etc. [38].

Les dérogations conventionnelles

Elles concernent les dérogations liées au travail continu ainsi que les dérogations liées aux équipes de suppléances [39].

Les équipes de suppléance : 

Les entreprises industrielles ont la possibilité de mettre en place des équipes spéciales qui travaillent uniquement pendant que les autres salariés sont en repos de fin de semaine, ou encore à l'occasion des jours fériés ou des congés annuels.

Les dérogations accordées par le préfet

L’autorisation préfectorale est accordée pour 3 ans. Le repos hebdomadaire peut être attribué un autre jour que le dimanche s’il est établi que le repos simultané le dimanche de tous les salariés d’un établissement serait préjudiciable au public ou compromettrait le fonctionnement normal de cet établissement [40]. 

Les dimanches du maire

Le maire peut (sauf à Paris, où c’est le rôle du préfet) supprimer le repos dans les commerces de détail non alimentaires où le repos à lieu normalement le dimanche (au maximum 12 fois par année civile).

Les salariés ont alors droit à une rémunération au moins égale au double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente, ainsi qu’à un repos compensateur équivalent en temps [41].

Les dérogations dans certaines zones du territoire

Les établissements de vente au détail mettant à disposition des biens et des services situés dans certaines zones du territoire sont autorisés à donner le repos hebdomadaire par roulement pour tout ou partie du personnel. Certains salariés seront donc amenés, sur la base du volontariat, à travailler le dimanche.

Sont concernées :

  • les zones touristiques internationales ; 
  • les zones commerciales ;
  • les zones touristiques délimitées par arrêté préfectoral ainsi que certaines gares. 

L’ensemble des salariés travaillant dans l’une de ces zones ont le même régime protecteur, à savoir la nécessité d’un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, un accord collectif de branche, ou un accord conclu à un niveau territorial prévoyant certaines garanties [42] :

  • des contreparties, en particulier salariales ; 
  • des engagements pris en termes d'emploi ou en faveur de certains publics en difficulté et de personnes handicapées ; 
  • des mesures destinées à faciliter la conciliation entre la vie professionnelle et la vie personnelle et l'évolution de cette situation ; 
  • des contreparties mises en œuvre par l'employeur pour compenser les charges induites par la garde des enfants ;
  • les modalités de prise en compte d'un changement d'avis du salarié. 

Par ailleurs, l'employeur doit prendre toute mesure nécessaire pour permettre aux salariés d'exercer personnellement leur droit de vote en cas d'élections nationales ou locales ayant lieu un dimanche. 

Dans les entreprises de moins de 11 salariés, à défaut d’accord collectif, il est possible d’accorder le repos hebdomadaire par roulement après consultation par l’employeur des salariés concernés sur  ces contreparties et garanties et approbation de la majorité d’entre eux.

Sur le volontariat

La loi exige le volontariat pour quasiment tous les salariés concernés par le repos dominical (sauf dérogations permanentes de droit et dérogations conventionnelles). Il doit être matérialisé par l’accord écrit du salarié. Par ailleurs, la loi a instauré  le droit pour le salarié de refuser de travailler le dimanche, rendant ainsi illégale toute sanction qui serait prise à son encontre, ou un refus d’embauche, pour ce motif. Le refus de travailler le dimanche ne pourra pas constituer une faute ni un motif de licenciement [43].

À défaut d’accord collectif, le salarié volontaire pour le travail du dimanche dans le cadre d’une dérogation accordée par le préfet bénéficie de la faculté de refuser de travailler 3 dimanches de son choix par année civile, à condition d’en informer préalablement son employeur 1 mois à l’avance.

[1] Art. L.3121-1 C.trav.

[2] Art. L.3121-2 C.trav.

[3] Art. L.3121-1 et L.3121-2 C.trav. ; Cass.soc.1.12.21, n°19-15470.

[4] Cass.soc.05.04.06, n°05.43061 ; Cass.soc.19.05.09, n°08-40208 ;

Cass.soc.15.05.14, N°12-24.771.

[5] Art. L.3121-3 C.trav. : lorsque le port d’une tenue de travail est imposé et que les opérations d’habillage/déshabillage doivent être réalisées dans l’entreprise ou sur le lieu de travail.

[6] Art. L.3121-7 C.trav.

[7] Art. L.3121-8, 2° C.trav.

[8] Art. R.4228-8 et R.3121-1 C.trav.

[9] Cass.soc.13.01.09, n°02-15142 ; Cass.soc.13.07.04, n°02-15142.

[10] Cass.soc.09.05.19, n°17-20740.

[11] Art L.3121-4 et Art L.3121-7, al. 2 C.trav.

[12] Cass.soc.16.05.01, n°99-40789 ; Cass.soc.05.11.03, n°01-43109.

[13] Art. L.3121-4, L.3121-7, L.3121-8 C.trav.

[14] Cass.Soc.20.12.06, n°04-48525.

[15] Art. L. 3121-13 à L. 3121-15 C.trav.

[16] Art. L.3121-14 et 15 C.trav.

[17] Art. L. 3121-9 C.trav.

[18] Art. L.3121-18 C.trav.

[19] Art. L.3122-6 C.trav.

[20] Art. L.3121-16 C.trav.

[21] Art. L.3162-1 C.trav.

[22] Art. L.3162-3 C.trav.

[23] Art. D.3121-4 et 5 C.trav.

[24] Art. D.3121-6 C.trav.

[25] Art. L.3122-17 C.trav.

[26] Art. R.3122-1 à 6 C.trav.

[27] Art. L.3162-1 C.trav.

[28] Art. L.3121-22 C.trav.

[29] Art. L.3121-23 à 26, R.3121-11 C.trav.

[30] Art.L.3121-20 et L.3162-1 C.trav.

[31] Art. L.3121-21, R.3121-8 à 10 et R.3121-21 C.trav.

[32] Art. L.3162-1 C.trav.

[33] Art. L.3131-1 C.trav.

[34] Art.D.3131-7 C.trav.

[35] Art. D.3131-1 C.trav.

[36] Art. D.3131-4 C.trav.

[37] Art. L.3132-1 et 2 C.trav.

[38] Art. L.3132-4 à L.3132-13 et R.3132-5 C.trav.

[39] Art.L.3132-14 à L.3132-19 C.trav.

[40] Art. L.3132-20 C.trav.

[41] art. L3132-26 à L.3132-27-1 C.trav.

[42] Art. L.3125-3 C.trav.

[43] Art. L.3132-25-4 C.trav.

Temps de travail

  • Mon employeur ne respecte pas ses obligations

    Le salarié qui souhaite rompre son contrat de travail à cause de manquements ou de faits fautifs de la part de l’employeur peut opter pour la prise d’acte ou la résiliation judiciaire de son contrat de travail. Bien que les deux procédures possèdent des points communs, il est nécessaire pour le salarié de bien choisir la procédure adéquate.

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  • Formation syndicale

    Que vous soyez syndiqué ou non, en tant que salarié du secteur privé vous pouvez demander un congé pour suivre une formation économique, sociale, environnementale et syndicale.

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  • Le rôle de la section syndicale

    La section syndicale est la structure de base de la démocratie en entreprise. Composée d'adhérents, elle est un espace d'expression, d'échanges, de revendications, et de problématiques évoqués par tous les salariés, afin de pouvoir les faire remonter à l'employeur.

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