Contrôle de l’alcool au travail : entre obligation de sécurité et libertés individuelles
Un arrêt de la Cour de cassation rappelle que, bien que l’employeur soit tenu à une obligation de sécurité de résultat, le contrôle de l’alcool au travail doit être effectué dans les conditions posées par le règlement intérieur, à défaut, le résultat de l’alcootest ne sera pas valable et ne pourra justifier la sanction disciplinaire. Cass.soc. 02.07.14, n° 13-13.757.
- Rappel : obligation pour l’employeur de sécurité de résultat
L’employeur a une obligation de sécurité de résultat en matière de préservation de la santé et de la sécurité des travailleurs.
Concernant l’alcool au travail, le Code du travail pose l’interdiction de « laisser entrer ou séjourner dans les lieux de travail des personnes en état d'ivresse » (article R.4228-21 du Code du travail).
Aussi, des clauses dans le règlement intérieur (ou à défaut dans une note de service) limitant ou interdisant la consommation d’alcool sont autorisées, lorsqu’elles sont proportionnées au but recherché.
Cette obligation est depuis peu inscrite dans le Code du travail. Un décret du 1er juillet 2014 (1) a complété l’article R. 4228-20 du Code du travail, qui se contentait jusqu’alors d’autoriser sur le lieu de travail « le vin, la bière, le cidre et le poiré ».
Aujourd’hui figure un 2e alinéa « lorsque la consommation de boissons alcoolisées (…) est susceptible de porter atteinte à la sécurité et la santé physique et mentale des travailleurs, l'employeur (…) prévoit dans le règlement intérieur ou, à défaut, par note de service les mesures permettant de protéger la santé et la sécurité des travailleurs et de prévenir tout risque d'accident. Ces mesures, qui peuvent notamment prendre la forme d'une limitation voire d'une interdiction de cette consommation, doivent être proportionnées au but recherché ».
- Quid de l’alcootest ?
Cette obligation de sécurité de résultat pour l’employeur ne remet pas en cause le fait que l’alcootest ne puisse être mis en place autrement que par le règlement intérieur (ou à défaut par une note de service), dans le respect des conditions fixées, faute de quoi le résultat ne pourra justifier une sanction disciplinaire.
En l’espèce, suite à un test d’alcoolémie exercé de manière collective sur 18 personnes, un salarié employé comme conditionneur a été dépisté positif. Il conteste son licenciement pour faute grave au motif que le contrôle d’alcoolémie n’avait pas été effectué comme prévu dans le règlement intérieur qui stipulait qu'« il pourra être demandé au salarié occupé à l’exécution de certains travaux dangereux, notamment la conduite de véhicule, chariot motorisé, de se soumettre à un alcootest si son état présente un danger pour sa propre sécurité et celle de ses collègues, afin de faire cesser immédiatement cette situation ».
La Cour de cassation a confirmé l’arrêt de la Cour d’appel et a donné raison au salarié. La Haute Cour a retenu, que « l’employeur ne pouvait, selon le règlement intérieur, soumettre le salarié à un contrôle d’alcoolémie, dans le but de faire cesser immédiatement la situation, que si le salarié présentait un état d’ébriété apparent, ce qui n’était pas le cas ». En effet, le salarié avait été soumis au test d’alcoolémie lors d’un contrôle collectif et non pour état d’ébriété.
La Haute Cour a fait ici une interprétation restrictive de la clause prévue dans le règlement intérieur, en mettant en balance l’obligation de sécurité de l’employeur et la liberté individuelle des salariés.
(1) Décret n° 2014-754 du 01.07.14