
Mixité des listes : l’alternance des sexes se compare entre 2 candidats successifs !
La représentation équilibrée des femmes et des hommes sur les listes des élections professionnelles est désormais ancrée dans les pratiques. Pour autant, le juge est régulièrement saisi pour affiner l’interprétation des textes en la matière. Dans l’affaire que nous commentons aujourd’hui, il est question de savoir comment se vérifie la régularité d’une liste : dans son intégralité, ou candidat par candidat ? La Cour de cassation est affirmative à ce sujet : le respect de la règle de l'alternance doit être examiné candidat par candidat, au regard du seul sexe du candidat précédent sur la liste. Cass.soc., 04/06/25, n°24-16.515.
Les faits et la procédure
En 2024, une entreprise organise des élections professionnelles pour le renouvellement de la délégation du personnel auprès du comité social et économique.
Voici la répartition prévue pour chacun des collèges électoraux par le protocole d’accord préélectoral :
- 1er collège : 93,51 % d'hommes et de 6,49 % de femmes, aucune candidature féminine n'est imposée.
- 2ème collège : 78 % d'hommes et 22 % de femmes, soit 8 hommes et 2 femmes.
- 3ème collège : 77,36 % d'hommes et de 22,64 % de femmes, soit 5 hommes et 2 femmes.
Suite au résultat des élections professionnelles, la CGT saisit le tribunal judiciaire de Pontoise afin d’annuler l’élection de plusieurs élus CFDT pour non-respect des dispositions relatives à la représentation équilibrée des travailleurs des deux sexes.
Voici les listes contestées :
- celle des titulaires du 2ème collège : H F F H H H H H H H
- et celle des suppléants du même collège : H H H H F H F F H H
En se fondant sur les articles L.2314-30 et L.2314-32 C trav, le tribunal judiciaire annule uniquement l’élection des élu.e.s du même sexe que l’élu.e le précédant sur la liste.
Le tribunal n’effectue pas un contrôle global sur l’ensemble de la liste litigieuse. Et cette solution ne correspond pas à l’interprétation de la CGT de ces articles. Selon ce syndicat, il faut comparer l’intégralité de la liste non conforme à la liste régulièrement constituée. Il ne faut pas se contenter de comparer candidat par candidat.
La CGT se pourvoit donc en cassation.

Bon à savoir !
C’est le pôle social du tribunal judiciaire, constitué d’une chambre spécialisée dans le contentieux des élections professionnelles, qui est compétent en cas de litige en matière d’élections professionnelles (article L.2314-32 C trav).
Il est notamment susceptible d’annuler l’élection d’élu.e.s en cas de non-respect de la règle de l’alternance des sexes sur une liste de candidats.
Le CPH, quant à lui, intervient pour les litiges individuels en matière de droit du travail.
Une solution qui ne satisfait pas le syndicat demandeur
Voici l'argumentation de la CGT pour appuyer son pourvoi : « l'appréciation du respect de la règle de l'alternance s'effectue en vérifiant que le positionnement attribué à chaque élu et élue de la liste présentée par le syndicat correspond à celui qu'ils devraient avoir sur une liste régulièrement constituée ».
Il faudrait donc comparer l’ensemble de la liste dénoncée à la liste correctement rétablie.
Détaillons son raisonnement :
1/ Dans le 2ème collège des titulaires, la liste aurait dû être constituée ainsi pour être en adéquation avec la loi : H F H F H H H H H H.
Le tribunal judiciaire annule l’élection de la femme en 3ème position car elle suit une autre femme en 2ème position.
Mais le tribunal maintient l’élection de l’homme en 4ème position car il suit une femme en 3ème position, même si son élection est annulée.
Selon la CGT, la 4ème position devrait être occupée par une femme, ce qui devrait annuler cette élection aussi.
2/ Le même raisonnement est appliqué pour le 2ème collège des suppléants. La liste aurait dû être constituée ainsi : H F H F H F H H H H.
Malgré l’annulation de l’élection de l’homme élu en 4ème position, le tribunal maintient l’élection des élu.e.s en 5ème position (une femme) et en 6ème position (un homme).
Selon la CGT, c’est un homme qui devrait être élu en 5ème position et une femme en 6ème position.

Bon à savoir !
L’article L.2314-30 C trav définit les règles pour la constitution des listes mixtes : « Pour chaque collège électoral, les listes … sont composées d'un nombre de femmes et d'hommes correspondant à la part de femmes et d'hommes inscrits sur la liste électorale. Les listes sont composées alternativement d'un candidat de chaque sexe jusqu'à épuisement des candidats d'un des sexes ». …
- Les listes doivent refléter la proportion de femmes et d’hommes parmi les salariés dans chaque collège électoral, tant pour les titulaires que pour les suppléants.
- La loi prévoit que les listes pour les élections professionnelles doivent alterner femmes et hommes. Il n’est donc pas possible de positionner toutes les femmes ou tous les hommes en tête de liste.
- Il n’est pas indiqué quel sexe doit être en tête de liste.
- Les candidats du sexe surreprésenté sont placés en bas de la liste.
La Cour de cassation persiste et signe
Tant le tribunal judiciaire que la Cour de cassation apportent la même réponse : « Il résulte des articles L. 2314-30 et L. 2314-32 du code du travail et du principe selon lequel, … , la règle de l'alternance n'impose pas que le premier candidat de la liste soit du sexe majoritaire, que le respect de la règle de l'alternance doit être examiné candidat par candidat, au regard du seul sexe du candidat précédent sur la liste. C'est dès lors à bon droit que le tribunal a retenu que devait seule être annulée l'élection de l'élue de sexe féminin dont la candidature suivait la candidature d'une autre femme, sans que soit affectée la validité de l'élection du candidat masculin qui la suivait dans la liste ».
Le juge n’a donc pas à comparer l’intégralité de la liste dans laquelle des élections sont contestées à la liste régulièrement reconstituée. Le juge s’assure de l’alternance des sexes, candidat par candidat.
Pour assoir sa position, la Cour de cassation rappelle qu’aucun texte n’impose le sexe de la tête de liste.
L'arrêt de la Cour de cassation : Cass.soc. 04/06/25, n° 24-16.515