Danger grave et imminent : le CSE ne peut se substituer à l’inspecteur du travail pour agir en référé

  • Droits et moyens des représentants des salariés

Le Code du travail prévoit des dispositions spécifiques en cas de danger grave et imminent pour les salariés. Une procédure particulière nécessite la collaboration de l’employeur et du CSE pour déterminer les mesures à prendre. En cas de désaccord entre les deux, l’inspection du travail est saisie par l’employeur. 
L’arrêt de la Cour de cassation du 12 février 2025 précise que seul l’inspecteur du travail peut agir en référé dans le cadre de la procédure de danger grave et imminent et non le CSE. Cass.soc.12 février 2025, n°24-70.010.

Une réorganisation à l’origine de l’alerte 
 

La présente décision concerne bien un CHSCT, mais sera également applicable au CSE aujourd’hui.

Rappel 

Depuis le 1er janvier 2020, les missions du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) sont désormais exercées par le comité social et économique (CSE) qui peut comprendre une commission « santé, sécurité, conditions de travail (SSCT)», selon la taille de l’entreprise ou l'existence de risques particuliers. 

Dans le cadre d’une réorganisation de deux sites de la société La Poste, impliquant la délocalisation de certains salariés, une procédure d'alerte pour danger grave et imminent a été initiée par les membres du CHSCT. 
Les enquêtes menées par les chefs des deux établissements concernés avec les membres du CHSCT ayant abouti à un désaccord, les CHSCT se sont réunis en urgence et ont décidé d'agir en référé devant le Tribunal judicaire.

Une demande d’avis de la Cour de cassation sollicitée par le tribunal judiciaire 
 

Le CHSCT a saisi le tribunal judicaire en référé sur le fondement de l’article L.4132-4 du Code du travail, dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017. 
 

Que prévoyait le Code du travail en cas de désaccord entre l'employeur et le CHSCT ? 

L’article L.4132-4 du Code du travail, dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, prévoit la marche à suivre en cas de désaccord entre l’employeur et le CHSCT sur les conclusions à tirer de la procédure d’alerte pour danger grave et imminent : 
« A défaut d'accord entre l'employeur et la majorité du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail sur les mesures à prendre et leurs conditions d'exécution, l'inspecteur du travail est saisi immédiatement par l'employeur.
L'inspecteur du travail met en œuvre soit l'une des procédures de mise en demeure prévues à l'article L. 4721-1, soit la procédure de référé prévue aux articles L. 4732-1 et L. 4732-2. »


Le CHSCT a demandé au juge des référés de commissionner un bureau d'étude spécialisé en structure de bâtiments pour apprécier la capacité portante des dalles des planchers des nouveaux locaux.
De plus, il était demandé au juge d'ordonner sous astreinte à la société La Poste de suspendre la délocalisation des agents relevant de ces deux sites dans l'attente des conclusions du bureau d'étude commis et du respect des éventuelles mesures qui découleraient de ses conclusions.
 

Le Tribunal judicaire a suspendu la procédure pour adresser une demande d’avis à la chambre sociale de la Cour de cassation. La demande était la suivante :
« L'article L. 4132-4 du code du travail, dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, donne-t-il pouvoir au juge judiciaire pour statuer en cas de divergence entre l'employeur et la majorité des membres du CHSCT sur la réalité d'un danger grave et imminent ? ».

Une compétence exclusive de l’inspecteur du travail 
 

La Cour de cassation contredit le bien-fondé de l’action du CHSCT. 
 

Elle rappelle tout d’abord que le CHSCT « dispose de la prérogative légale de décider d'une expertise pour risque grave constaté dans l'établissement sur le fondement de l'article L. 4614-12,1°, du code du travail. Les contestations par l'employeur de la nécessité de l'expertise, du choix de l'expert, du coût prévisionnel, de l'étendue ou la durée de l'expertise sont de la seule compétence du président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond. »
 

Bon à savoir 

Le CSE a la possibilité de faire appel à un expert agréé « lorsqu’un risque grave, identifié et actuel, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l’établissement ». Cette faculté, qui était avant les ordonnances consacrée à l’article L4614-12 du Code du travail et conférée au CHSCT, figure depuis 2017 dans des termes identiques à l’article L2315-94, 1° du Code du travail et relève des attributions du CSE.

La Cour de cassation en conclut que le CHSCT « n'est pas recevable à solliciter du juge judiciaire statuant en référé une mesure d'expertise sur le fondement de l'article L. 4132-4 du code du travail. »
Cependant, la Cour de cassation précise que le CHSCT, et aujourd'hui le CSE, peuvent toujours saisir le juge des référés « sur le fondement des dispositions de droit commun des articles 834 et 835 du code de procédure civile, au titre de l'obligation de sécurité instaurée par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail. »

En conclusion, le CSE ne peut utiliser le référé de la procédure d’alerte pour danger grave et imminent à la place de l’inspecteur du travail. Ils peuvent cependant utiliser le référé de droit commun en cas de manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.  

L'arrêt de la Cour de cassation

  • Cass.soc.12.02.25, 24-70.010.

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