TVA "sociale" - la CFDT dit non !

  • Protection sociale

Pour faire face au problème de financement de la protection sociale, une ancienne idée fait son retour sur le devant de la scène : celle de TVA « sociale » qui n’a de sociale que son nom. La CFDT y est fermement opposée, voici les raisons.

La TVA dite « sociale », c’est de la TVA tout court : autrement dit un impôt sur la consommation que tout le monde paie, quels que soient ses revenus et son niveau de vie… et cela en fait l’impôt le plus injuste, contraire au principe de « chacun.e participe à hauteur de ses moyens ».

La TVA dit « sociale », c’est augmenter la TVA (taxe sur tous les achats) pour réduire les cotisations sociales des entreprises. L'idée est de faire payer les consommateurs à la place des employeurs pour financer la protection sociale. Cela dans le but de diminuer le coût du travail… Et pour que cela soit vraiment rentable pour les entreprises, cela signifie également de geler les salaires et de ne pas compenser la hausse des prix.

La TVA dite « sociale » c’est donc faire payer plus les ménages (= gel des salaires ET augmentation des prix) et faire payer moins les entreprises. Et ce sont évidemment les plus précaires qui seront les plus impactés : ils consomment la totalité de leur revenu et « quelques euros de plus » n’ont pas le même effet sur plus pauvres ou les plus aisés.

La TVA dite « sociale » c’est aussi un risque pour la Sécurité sociale : aucune garantie que la part qui est versée à la Sécurité sociale ne sera pas attribuée ailleurs pour financer autre chose. Entre le niveau de dette actuel de l’Etat et la montée de partis anti-démocratiques, ces craintes sont fondées.

En résumé, la TVA dite « sociale » n’a de social que le nom : c’est une mesure injuste et dangereuse. La CFDT s’y oppose fermement !

Face à cette proposition régressive, la CFDT réaffirme que notre protection sociale mérite des financements à la hauteur de ses missions (et non un tour de passe-passe), dans le respect de la justice sociale et de la solidarité entre tous les actifs.

 

"La TVA dite sociale ? Une dévaluation sociale" : la tribune signée par Marylise Léon et Eric Chenu, président de la Mutualité française, parue dans les Echos. 

Financement de la protection sociale : pour aller plus loin

Pour renforcer la compétitivité de nos entreprises, nous défendons d'autres voies sans rogner sur les droits des travailleurs et des travailleuses. Nous prônons l'investissement dans l'emploi des seniors et des jeunes, la formation et l'innovation, plutôt que de précariser davantage le monde du travail.

Nous revendiquons un renforcement du financement de notre protection sociale, mais selon un principe de justice : que chacun et chacune contribue selon ses capacités. Nous privilégions une hausse de la CSG, notamment sur les revenus financiers et du patrimoine, pour instaurer une véritable progressivité fiscale. Cette approche permettrait à tous de participer à l'effort collectif, mais à hauteur de leurs moyens. Une augmentation d'un point de CSG rapporterait 18 milliards d'euros en 2025, couvrant 80% des besoins de financement de la Sécurité sociale.

Nous proposons également de solliciter davantage les patrimoines les plus importants, par exemple en augmentant les droits de succession sur les plus gros héritages pour financer la branche Autonomie. Les taxes comportementales, comme celles sur l'alcool, pourraient aussi être renforcées pour décourager certaines consommations néfastes tout en générant des recettes.

Nous souhaitons par ailleurs que des conditions soient fixées concernant système les exonérations de cotisations sociales dont bénéficient les entreprises sur les bas salaires. Ces allègements, qui représentent un manque à gagner considérable pour notre protection sociale, doivent être conditionnés à des pratiques vertueuses en matière sociale, environnementale et économique. Nous exigeons aussi que l'État compense intégralement ces exonérations comme la loi le prévoit.

Autre revendication majeure : l'État doit reprendre à sa charge la dette Covid injustement transférée à la Sécurité sociale. Cette crise sanitaire a montré l'importance de constituer des réserves pour faire face aux chocs futurs. Nous proposons donc la création de fonds dédiés à cette anticipation.

Enfin, nous voulons stopper la marchandisation rampante de notre système de santé. Trop de secteurs sont aujourd'hui sous-traités à des entreprises privées qui cherchent à maximiser leurs profits sur le dos de la Sécurité sociale, au détriment des usagers et des professionnels. Une fiscalité adaptée doit être mise en place pour préserver l'intérêt général dans les domaines de la santé, de la petite enfance et de l'accompagnement des personnes âgées.

Le déficit de notre Sécurité sociale a atteint 18,2 milliards d'euros en 2024 et 22,1 milliards sont prévus en 2025 : un niveau qui n'avait plus été atteint depuis la crise de 2007-2008.

Nous tenons à rappeler qu'après cette crise financière, notre protection sociale avait enregistré des déficits comparables à ceux d'aujourd'hui, mais qui avaient pu être résorbés avant la crise du Covid. Quand la pandémie a commencé, la dette de la Sécurité sociale était sur le point d'être complètement effacée : le fameux « trou de la sécu » n'est ni une fatalité, ni irréversible.

Pourtant, nous constatons aujourd'hui une offensive majeure de la droite et du patronat contre notre modèle social. Cette attaque vise particulièrement les branches Vieillesse et Maladie, dont les besoins de financement sont les plus élevés. Pour eux, les cotisations sociales qui financent largement notre Sécurité sociale représentent un frein à l'emploi car elles pèsent sur le « coût du travail ». C'est pourquoi ils militent pour les remplacer par cette TVA dite « sociale », créant un double risque : fragiliser notre système de protection sociale et pénaliser les travailleurs et travailleuses les plus modestes.

Nous refusons cette logique qui fait des droits sociaux une variable d'ajustement économique et nous défendons un financement solidaire et juste de notre protection sociale.

La protection sociale constitue le socle de notre modèle social français. Elle permet à l'ensemble des citoyennes et citoyens de faire face aux risques pouvant entraîner une incapacité de travailler ou générer des dépenses supplémentaires : maladie, invalidité, vieillesse, maternité-famille, chômage, difficultés de logement ou situations de précarité.

Notre système de protection sociale garantit soit des prestations en espèces (pensions de retraite, allocations familiales, indemnités journalières), soit des prestations en nature à travers des services collectifs (établissements de santé, structures d'accueil pour personnes âgées, équipements petite enfance). Ces prestations représentent 31,5% du PIB français en 2023, soit 12 960 euros par habitant.

Nous considérons cette protection sociale comme l'un des acquis majeurs du mouvement syndical et un pilier essentiel de notre société. Elle garantit la sécurité économique des travailleurs et des travailleurs, et de leurs familles tout au long de leur parcours de vie, favorise la cohésion sociale et contribue à l'émancipation collective. C'est pourquoi nous nous mobilisons constamment pour préserver et développer ce bien commun face aux tentatives de démantèlement.

Créée en 1945, la Sécurité sociale constitue le cœur de la protection sociale française et représente près de 70% des dépenses de protection sociale.

La Sécurité sociale couvre cinq branches : la branche « maladie » (soins de santé, maternité, invalidité, décès) ; la branche « famille » (prestations familiales, handicap, logement) ; la branche « accidents du travail et maladies professionnelles » ; la branche « retraite » (pensions de vieillesse et de réversion) ; et la branche « perte d'autonomie » pour les personnes dépendantes.

En 2023, la Sécurité sociale a versé près de 611 milliards d'euros de prestations.

La Sécurité sociale est financée très majoritairement par les revenus du travail. Pour les régimes obligatoires de base (maladie, accidents du travail/maladies professionnelles, famille, vieillesse) et le fonds de solidarité vieillesse, en 2023, un peu plus de 80% des recettes provenaient des cotisations salariales et patronales, 11% des taxes sur la consommation (TVA), 4% des revenus de remplacement (chômage, indemnités maladie, pensions de retraite) et 3% des revenus du capital.

Cette répartition a évolué au fil des ans. Nous constatons ces dernières années une importante baisse de la part des cotisations sociales, en raison des allègements de cotisations accordés aux entreprises. Cette diminution a été compensée en partie par la TVA, augmentant la part de la consommation dans le financement de la Sécurité sociale. Le financement par la TVA existe donc déjà, mais de manière marginale : le débat actuel vise à accroître considérablement cette part.

Concernant le niveau des cotisations de Sécurité sociale, s'il est resté relativement stable entre 1980 et 2015, il a fortement diminué à partir de 2015, en raison de l'explosion des exonérations de cotisations accordées aux entreprises.

La TVA est un impôt national sur la consommation. C'est un impôt indirect : l'État ne le collecte pas directement auprès des consommateurs, mais passe par les vendeurs. Concrètement, l'entreprise ajoute la TVA au prix de vente, l'encaisse auprès de ses clients et la reverse ensuite au Trésor public. En contrepartie, elle peut déduire la TVA qu'elle a elle-même payée à ses fournisseurs.

Il existe quatre taux de TVA selon les produits et services : le taux normal de 20% (le plus courant), un taux intermédiaire de 10%, un taux réduit de 5,5% et un taux particulier de 2,1%.

La TVA constitue l'impôt le plus rentable pour l'État, représentant la moitié de ses recettes fiscales, soit deux fois plus que l'impôt sur le revenu. Nous dénonçons cette tendance qui voit la TVA, impôt aveugle aux revenus des consommateurs, se substituer progressivement à l'impôt sur le revenu, qui lui est progressif selon les tranches de revenus.

Cette situation nous inquiète car elle crée une injustice flagrante : la TVA pèse proportionnellement beaucoup plus lourd sur les budgets modestes que sur les plus aisés. Quand une famille précaire consacre la quasi-totalité de ses revenus à la consommation, une famille fortunée en épargne une grande partie. Résultat : les plus modestes subissent de plein fouet cette fiscalité indirecte. C'est pourquoi nous militons pour une fiscalité véritablement progressive, où chacun contribue selon ses capacités réelles.

Ces articles peuvent également vous intéresser