Filières stratégiques : définir et mettre en oeuvre les priorités

Publié le 13/01/2021 (mis à jour le 30/07/2021)

Sur ce sujet, la CFDT a fait une déclaration commune avec le groupe des Associations et le groupe Environnement et Nature. Les trois groupes ont voté l'avis.

Crise environnementale, crise sanitaire, crise économique : pour apporter une riposte
efficace sur ces différents fronts, nous devons d’abord définir une stratégie globale et inclusive.
L’actualité récente l’a montré : il est insensé d’opposer les enjeux économiques et sociaux,
notamment celui de l’emploi, aux enjeux environnementaux ou à l’impératif de protection sanitaire.

La pandémie a révélé l’urgence de la définition des secteurs stratégiques. Elle nous a appris combien
des activités négligées pouvaient être essentielles et nous a rappelé la nécessité d’y réinvestir sur le
long terme. L’urgence climatique, formalisée par l’engagement d’une réduction indispensable de
55% des gaz à effet de serre d’ici 2030 en UE et d’une neutralité carbone pour la France d’ici 2050
appelle des mesures fortes qui ne pourront se concrétiser sans des plans industriels mis en œuvre
avec les branches professionnelles. Certaines s’y sont déjà engagées. Il faut désormais donner
l’impulsion et les moyens afin que toutes puissent traduire en actes ce volontarisme nécessaire. Les
préconisations 2 et 3 qui replacent la transition écologique au cœur de la réindustrialisation sont
emblématiques de cette intégration des enjeux économiques, sociétaux et environnementaux qui
fait désormais consensus dans les sections concernées, au sein de notre conseil mais aussi, de plus en
plus largement, dans la société toute entière.

Comme le préconise le texte, « en acceptant le changement de paradigme vers la transition
écologique, les filières stratégiques industrielles deviendront le moteur d’un développement humain
durable » – nous en sommes persuadés.

La visée de cet avis s’inscrit dans la droite ligne des travaux de notre assemblée et de sa section des
activités économiques dans la conviction que nous partageons de repenser l’industrialisation de la
France comme le cœur nécessaire de son économie. Il intervient en complémentarité avec les avis
précédents à commencer par ceux portant sur la finance durable, la neutralité carbone des TPE-PME
et les investissements européens et internationaux.

Nous croyons donc qu’il pourra être fort utile aux acteurs en charge de concevoir une nouvelle
planification économique au centre des politiques publiques. Une tâche primordiale mais ardue : car
il ne s’agit pas seulement d’organiser la reconstruction industrielle et la croissance économique de
notre pays, comme dans le second après- guerre, mais bien de donner des clés pour une
réindustrialisation de la France qui mobilise tous les acteurs autour des défis incontournables de
notre temps, au seuil de transitions multiples (écologique, énergétique, technologique).

Le présent avis donne ainsi des orientations intéressantes sur ce que devrait être une nouvelle
stratégie industrielle partagée et coordonnée et prévient les écueils à éviter.

Premièrement, la définition des priorités stratégiques à partir des critères proposés, tout comme la
planification industrielle elle-même, ne sauraient être déconnectées des territoires. L’avis préconise
donc à juste titre une co-construction avec tous les acteurs notamment locaux. Les filières
industrielles irriguent les territoires y fournissent des emplois qualifiés, elles sont facteurs d’une
cohésion territoriale dont nous avons grandement besoin, elles reposent sur des écosystèmes locaux où les services publics, les PME et ETI, l’économie sociale et solidaire ont une grande place et où les
facteurs culturels comptent.

Deuxièmement, la planification industrielle ne peut réussir qu’en intégrant la dimension humaine et
sociale : la Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences doit être remise au centre des
préoccupations de chaque branche et de chaque filière Elle est en effet l’outil indispensable, et trop
souvent négligé faute de visibilité à moyen-long terme, pour faire de la formation tout au long de la
vie un levier d’émancipation des personnes, pour anticiper les besoins collectifs et préparer les
transitions du travail tout en renforçant les compétences et les emplois à double échelle : territoriale
et sectorielle.

Troisièmement, une stratégie industrielle plus souveraine ne saurait paradoxalement se limiter à une
intégration autarcique des productions nécessaires. Une coopération internationale renforcée pour
sécuriser les approvisionnements au sein d’une stratégie industrielle de niveau européen est plus
que jamais nécessaire.

Enfin, il ne saurait y avoir de stratégie industrielle décidée unilatéralement par un réseau d’experts.
La stratégie industrielle doit être incarnée et animée dans le cadre d’un dialogue social renforcé au
niveau des branches professionnelles et abondé par la prise en compte d’autres parties prenantes
(fournisseurs, associations, consommateurs,…). D’une manière plus générale, considérant
l’entreprise comme « objet d’intérêt collectif », il conviendra d’élargir notre conception du partage
de la valeur ajoutée, et des modalités d’association des parties prenantes, autrement dit de traduire
jusque dans la gouvernance d’entreprise une stratégie industrielle inclusive des enjeux sociaux et
environnementaux.

A cet égard, veillons à nous prémunir d’une mise en œuvre inadéquate du fait d’institutions
marquées par la verticalité budgétaire et la seule dimension économique. Si l’avis propose la création
d’un Commissariat au plan et le lancement d’Etats-généraux, nous devons aller plus loin. Un nouveau
Commissariat au plan devrait s’inscrire dans la durée, être doté de moyens techniques conséquents,
s’appuyer sur des commissions ouvertes et créatives, et disposer de toute la légitimité pour solliciter
les divers ministères Dans ce schéma, les filières industrielles et les branches professionnelles
disposeraient d'un délai obligatoire pour élaborer leur feuille de route de transition (économie,
formation, R&D, adaptations réglementaires...) de manière formalisée et concertée, avec les parties
prenantes, en compatibilité avec la PPI et le Plan Climat de la France. L’Etat suivrait l’exercice et ne
reprendrait la main que par défaut.

En plus de donner des critères de priorisation pour définir une nouvelle stratégie industrielle, l’avis
réaffirme utilement ces importantes clés de réussite. Dans le temps imparti pour sa rédaction c’est
un résultat à saluer.