Népal : Les syndicats pèsent pour un nouveau modèle

Publié le 06/10/2017

Le Népal est l’un des principaux pourvoyeurs de main-d’œuvre pour la construction des infrastructures dans les pays voisins. Le Gefont (Fédération générale des syndicats népalais ) se préoccupe de la situation de ces travailleurs migrants et plaide pour une économie locale inclusive et génératrice d’emplois.

Deux ans après le tremblement de terre qui a fait 9 000 morts, des milliers de blessés et détruit plus de 1,5 million d’habitations, le Népal peine à se relever. Les syndicats entendent pourtant tirer parti de la reconstruction du pays pour bâtir une meilleure économie locale en s’attaquant à l’un des défis majeurs auquel le Népal est confronté : sa dépendance croissante à l’égard de ses travailleurs migrants.

« Depuis des années, le Népal est l’un des principaux pays fournisseurs de main-d’œuvre pour la construction des infrastructures dans les pays voisins – Inde et Qatar en tête. À tel point que les fonds envoyés par ces migrants représentent aujourd’hui entre 23 et 28 % du PIB annuel. Malheureusement, ces capitaux sont principalement utilisés pour couvrir les besoins de première nécessité ou rembourser des dettes contractées par les familles. Ils ne permettent pas d’investir dans des secteurs clés pour le développement économique du pays, alors que cela permettrait de briser ce cycle de dépendance migratoire et de mettre fin aux violations massives des droits les plus fondamentaux, dont sont victimes ces migrants », explique Bishnu Rimal, président de la Fédération générale des syndicats népalais (Gefont).

La médiatisation de centaines de travailleurs népalais de la construction ayant perdu la vie sur les chantiers du Mondial 2022, au Qatar, n’aura pas échappé à l’opinion publique. Mais malgré les alertes et la pression syndicale internationale, les abus persistent : non-paiement des salaires, violences physiques et confiscation des passeports sont le lot quotidien de ces centaines de milliers d’ouvriers avec lesquels les syndicats népalais ne peuvent entrer en contact directement. Ce qui oblige ces militants à se battre sur plusieurs fronts.

 Le sort des travailleurs migrants

Depuis 2014, les trois principaux syndicats du pays collaborent à un projet pilote relatif au sort des travailleurs migrants. Le projet – inclus dans la campagne mondiale pour des conditions de travail décentes au Qatar, menée conjointement par la Confédération syndicale internationale et l’Internationale des travailleurs du bâtiment et du bois (IBB) – entend « déterminer de quelle façon les migrants s’organisent au Qatar grâce à des groupes de soutien locaux qui remontent régulièrement les informations, explique Bishnu Rimal. Un autre objectif est de mieux comprendre le processus de migration qui s’exerce depuis le Népal, notamment par les multinationales du secteur de la construction, pour mieux agir sur le territoire ». Car c’est bien au Népal que le syndicat Gefont entend concentrer ses forces.

Dans ce pays où le taux de chômage atteint 50% et où le taux d’alphabétisation n’excède pas 30% dans certaines régions (souvent les plus pourvoyeuses de travailleurs migrants), la mise en place de nouvelles politiques nationales et locales davantage recentrées sur les besoins de main-d’œuvre est une priorité. Cela permettrait de créer de nouveaux rôles pour les migrants de retour. « Les migrants qui reviennent au pays peuvent constituer une source précieuse de main-d’œuvre qualifiée dont nous ne bénéficions pas actuellement. Mais cela ne sera possible que si nous sommes parallèlement capables de construire des économies inclusives et génératrices d’emplois afin que la migration devienne un choix et non plus une contrainte économique. »

Les changements politiques récents (avec l’adoption d’une nouvelle Constitution et la tenue d’élections locales dans tout le pays – les premières depuis vingt ans) ont redonné un semblant de stabilité politique à un pays qui en avait cruellement besoin.

« Ce sont des avancées que nous attendions depuis longtemps et qui doivent maintenant se traduire dans les actes en faveur des travailleurs népalais », insiste le président de Gefont. Pour le Népal, où depuis trop longtemps défis économiques, instabilité politique et catastrophes naturelles marquent la vie quotidienne, la possibilité d’opérer une transition économique majeure est une occasion à ne pas manquer. Mais pour que ce changement se concrétise, cela implique que le pays tout entier, avec les syndicats, choisisse de placer les besoins des travailleurs en première ligne. 

aballe@cfdt.fr