Échec de la révision de la directive temps de travail

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La périlleuse négociation entamée à la fin 2011 par les partenaires sociaux européens n’a finalement pas abouti, et ce, malgré un report de la date limite (fixée originellement à septembre 2012). Après plusieurs tentatives infructueuses de révision, la perspective d’une nouvelle directive paraît pour le moins compromise.

Dès le lancement par les partenaires sociaux européens* de la négociation sur la révision de la directive temps de travail de 2003, la CES affichait sa volonté d’une révision large qui clarifie les problèmes non résolus par la législation existante et améliore sensiblement la santé et la sécurité des travailleurs. Au sortir d’un an de discussions, et au regard de l’ampleur des divergences sur plusieurs points cruciaux, la CES a choisi d’acter l’échec des négociations lors de son comité exécutif de décembre dernier. Un échec qui en rappelle d’autres : en 2009, après cinq ans de débats pour réviser ce texte, le comité de conciliation – dernière étape de négociation entre le Conseil et le Parlement européens – n’était pas parvenu à un accord. Un « échec politique majeur », de l’aveu même de la Commission européenne, qui sollicitait dès 2010 les partenaires sociaux sur le principe puis sur le contenu d’une éventuelle nouvelle négociation.

L’écueil originel de l’« opt-out »

L’enjeu d’une telle révision est de taille. L’instauration de règles minimales sur le temps de travail dans l’ensemble des États membres – au premier rang desquelles figure la limitation à 48 heures en moyenne de temps de travail hebdomadaire – s’est accompagnée dès l’origine de la directive d’une clause de renonciation individuelle, dite opt-out, qui constitue aujourd’hui le principal point d’achoppement des négociations, tant entre partenaires sociaux qu’au niveau des instances politiques européennes. Limitée au départ à la seule Grande-Bretagne, qui en avait exigé l’inscription dès 1993, cette dérogation individuelle concerne désormais seize États membres. Elle permet de contourner la réglementation dans de nombreux secteurs. Selon la CES, de telles disparités de la législation du travail entre les États ne peuvent que « favoriser le dumping social ». La suppression de l’opt-out, même partielle (à travers son encadrement par des négociations collectives), en vue de respecter la santé et la sécurité des salariés, était donc l’une des conditions clés d’un éventuel accord… Cela, la partie patronale n’a pas voulu l’entendre…

L’autre exigence de la CES concernait l’application des jurisprudences de la Cour de justice de l’Union européenne sur les temps de garde et de repos compensatoire. Une question qui touche de nombreuses professions (dont les médecins et pompiers) et pour lesquelles les juges communautaires, en assimilant le temps de garde inactif à du temps de travail (et en obligeant la prise de repos compensatoire dans la foulée du temps de garde), instaurent une contradiction entre la législation en vigueur dans de nombreux États membres (notamment la France) et la législation européenne. Lors de sa consultation par la Commission européenne, en 2010, la CES arguait qu’elle « n’accepterait aucune proposition qui aboutisse à décompter le temps de travail inactif différemment » du décompte traditionnel du temps de travail. Une position sur laquelle elle sera restée ferme, malgré l’exigence d’une plus grande flexibilité voulue par le patronat.

Le dialogue social européen affaibli

Au final, le dialogue social européen sort affaibli de cet échec. Quant aux salariés, le statut quo sur certains points clés de la législation du travail laisse prospérer le risque de dumping social et s’exacerber les tensions entre pays européens.

Anne-Sophie Balle

* Confédération européenne des syndicats (CES) côté syndical ; BuisnessEurope, UEAPME et CEEP (entreprises à participation publique) côté patronal.

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