[Tribune] “Garantie jeunes : l’Europe doit investir davantage dans sa jeunesse”

Publié le 24/10/2016 (mis à jour le 18/11/2016)

Dans une tribune publiée (en anglais) sur le site SocialeEurope.eu, Thiébaut Weber, secrétaire confédéral de la CES chargé, entre autres, des jeunes, revient sur la Garantie jeunes européenne et appelle à un "financement plus important pour son développement, ainsi qu'une meilleure mise en œuvre pour garantir des offres d’emploi et de formation de grande qualité".

La décision de la Commission européenne de prolonger la garantie pour la jeunesse, le programme lancé en 2013 visant à offrir à chaque jeune une proposition de stage, de formation ou d’emploi dans les 4 mois suivant la fin de sa scolarité ou la perte de son emploi, va dans la bonne direction quoique trop lentement.

La garantie pour la jeunesse (GJ) a besoin d’un financement plus important pour son développement, d’une meilleure mise en œuvre pour garantir des offres d’emploi et de formation de grande qualité et d’une coordination renforcée avec les partenaires sociaux, et singulièrement avec les syndicats. La Confédération européenne des syndicats (CES) s’est émue d’apprendre que des 6,4 milliards d’euros investis au départ dans l’initiative pour l’emploi des jeunes (IEJ), un tiers n’a pas été dépensé et que, d’après les estimations, la GJ n’a atteint qu’environ 40% de son public cible. La Commission reconnaît que le programme a démarré trop lentement et que son degré d’adoption et son impact varient énormément entre États membres.

En juin, la CES a réclamé « une approche basée sur un partenariat solide » afin d’impliquer les syndicats dans l’élaboration de mesures nationales pour la GJ. Selon la Commissaire européenne pour l’emploi, Marianne Thyssen, des partenariats efficaces sont « les meilleurs garants de réussite ». Pourtant, des parties prenantes ont été ignorées et la consultation avec les syndicats a été l’exception plutôt que la règle.

L’offre étriquée de 1 milliard d’euros supplémentaires de la Commission pour la période 2017-2020, augmentée de 1 milliard d’euros du fonds social européen, est insuffisante. D’après l’Organisation internationale du travail, une réponse de long terme efficace au chômage des jeunes en Europe demanderait un investissement annuel de 21 milliards d’euros. Si cela semble inabordable, comparons simplement ce montant avec le coût de l’inaction estimé par Eurofound et qui représente une perte pour la société européenne de 153 milliards d’euros pour une seule année, soit 1,2% du PIB de l’UE.

D’un niveau record de 24,4% en 2013, le taux de chômage des jeunes au sein de l’UE a chuté à 18,9% à la mi-2016. La Commission s’est réjouie de ce que, ces trois dernières années, 14 millions de jeunes aient rejoint les programmes nationaux de la GJ et que l’on compte 1,4 million de jeunes chômeurs de moins et 900.000 autres jeunes de moins ne travaillant pas, ne suivant pas d’études ou de formation (NEET).

Mais une minute ! S’il y a encore 18,9% de jeunes sans travail, et donc incapables de réaliser leur potentiel professionnel et social, est-ce là le mieux que l’Europe puisse faire ?

Dans son discours sur l’état de l’Union, le Président de la Commission, Jean-Claude Juncker, a déclaré qu’en trois ans, la GJ a mis 9 millions de jeunes au travail ou leur a offert une formation ou un apprentissage. Les syndicats rapportent toutefois qu’un trop grand nombre de ces offres sont de court terme ou concernent des stages non rémunérés ou des emplois précaires qui ne présentent ni sécurité d’emploi ni perspective de carrière. Seuls quelques États membres ont défini des critères de qualité qui sont donc requis d’urgence. Le sous-emploi est en augmentation ainsi que les faux emplois indépendants, les contrats zéro heure et les contrats à durée déterminée. Dans des pays tels que la Grèce et les Pays-Bas, les jeunes sont exclus de la législation relative au salaire minimum. Les programmes GJ doivent être soutenus par une bonne protection sociale et des allocations sociales pour éviter la pauvreté et l’exclusion sociale.

Dans de nombreux pays, la garantie pour la jeunesse a été ajoutée à une série de mesures existantes rendant inégales et sa mise en œuvre et son évaluation. L’engagement des employeurs en faveur de la GJ est qualifié d’« assez limité » par la Commission alors que le cadre d’action pour l’emploi des jeunes adopté en juin 2013 par la CES et les organisations patronales BusinessEurope, UEAPME et CEEP, engage les parties à soutenir la GJ. Ces dernières ne peuvent se plaindre d’« inadéquation des qualifications » alors qu’elles ne font pas d’efforts pour embaucher et former des jeunes. L’implication des employeurs est essentielle pour ajuster les compétences aux besoins du marché du travail.

Venir en aide aux jeunes NEET doit rester une priorité de la GJ. Le taux de NEET n’a baissé que de 1,2% depuis 2012 et se maintient bien au-dessus du niveau de 10,9% d’avant la crise de 2008. A peine 57% des jeunes NEET sont inscrits auprès des services publics de l’emploi – un point d’entrée important pour bénéficier de la GJ – et les jeunes femmes sont à cet égard particulièrement vulnérables. Les populations de jeunes NEET varient fortement dans les différents États membres. Tout ceci appelle des réponses politiques complexes adaptées à des besoins spécifiques.

Nos conclusions sont confirmées par l’European Policy Centre. Dans un rapport publié en septembre, celui-ci compare les programmes GJ dans cinq régions différentes en Belgique, Slovaquie, Italie et au Royaume-Uni. Il souligne des « faiblesses incontestables », y compris des « efforts insuffisants pour toucher les jeunes NEET non-inscrits », et insiste vivement sur la nécessité de davantage soutenir les plus vulnérables tels que les jeunes migrants.

Il n’y a pas de « formule magique » pour, du jour au lendemain, intégrer les jeunes dans le marché du travail. La GJ ne peut à elle seule résoudre l’entièreté du problème du chômage des jeunes en Europe. Toutefois, avec pour objectif de garantir à chaque jeune Européen le droit à des conseils lorsqu’il perd son emploi ou lorsqu’il entre sur le marché du travail, l’UE doit jouer son rôle pour lutter contre le chômage. Cela demande du temps, de l’engagement et un véritable investissement dans l’avenir de l’Europe, ce qui est exactement ce dont la garantie pour la jeunesse a également besoin.