Avant-projet de loi El Khomri : un texte largement revu

Publié le 14/03/2016

Peser pour un changement en profondeur du texte : la stratégie de la CFDT a payé. Des pans entiers de l’avant-projet de loi El Khomri ont été réécrits que ce soit pour supprimer des mesures inacceptables ou pour intégrer de nouveaux droits.

           

Depuis la révélation de l’avant-projet de loi El Khomri dans la presse, le 18 février dernier, la CFDT a tout fait pour peser sur le contenu du texte et le rééquilibrer en faveur des salariés. Une stratégie qui s’est avérée payante. Le nouveau projet de texte présenté par le Premier ministre Manuel Valls et la ministre du Travail Myriam El Khomri le 14 mars à Matignon, à l’issue de quinze jours de concertation avec l’ensemble des organisations syndicales, patronales et de jeunesse, comporte de substantielles avancées. Sous la pression des organisations réformistes, CFDT en tête, le gouvernement a cédé sur les indemnités prud’homales : exit le plafonnement ; c’est finalement un simple référentiel indicatif qui sera proposé aux conseils de prud’hommes.

À droit constant si pas d’accord

La CFDT a également obtenu gain de cause dans sa revendication d’un retour à droit constant si aucun accord n’est trouvé. « Le projet de loi ne changera donc pas les dispositions applicables aujourd’hui en matière d’astreintes, de durée du travail des apprentis, de durée hebdomadaire maximale de travail, de temps d’habillage et de déshabillage, de réglementation du temps partiel pour les groupements d’employeurs ou de fractionnement du repos quotidien », a indiqué Manuel Valls dans son allocution aux partenaires sociaux.

« Pas de souplesse sans accord collectif »

La CFDT avait dénoncé la possibilité d’instaurer le forfait-jour sans passer par une négociation dans les entreprises de moins de 50 salariés : la nouvelle version du texte prévoit que cela passe soit par le mandatement d’un salarié pour négocier un accord, soit par l’application d’accords-types conclus au niveau de la branche. C’est également uniquement par un accord de branche que le temps de travail pourrait être modulé au-delà d’un an – et non un accord d’entreprise comme initialement prévu. Enfin, il appartiendra à la branche de définir, par accord de méthode, les modalités de négociation dans l’entreprise si celle-ci ne l’a pas fait elle-même – ce qui renforce considérablement le rôle de tels accords, jugés essentiels par la CFDT.  « Il n’y aura ainsi pas de nouvelle souplesse qui ne sera pas validée par un accord collectif », a assuré le Premier ministre.

Le licenciement économique sous contrôle

La règle de l'accord majoritaire - à 50% ou avec consultation des salariés par des organisations syndicales représentant au moins 30% des voix, ne s'appliquerait dans un premier temps qu'aux questions d'organisation du temps de travail.

Concernant le licenciement économique, le gouvernement a maintenu le périmètre national pour apprécier les difficultés économiques de l’entreprise. Mais à la CFDT qui soulignait le risque d’un dumping social entre salariés d’un même groupe, il a accordé des garanties : « Les grands groupes ne pourront pas provoquer artificiellement des difficultés économiques sur leur site français, pour justifier un licenciement, sans être sanctionnés ; nous modifierons la rédaction de l’article 30 bis en ce sens », a expliqué Manuel Valls.

Un CPA avec de nouveaux droits

Si l’encadrement des CDD a été renvoyé à la négociation en cours sur l’assurance-chômage, comme l’avaient demandé les organisations syndicales, le gouvernement a également entendu la demande de la CFDT d’enrichir le compte personnel d’activité pour en faire « un droit personnel et universel à la formation, un droit à la nouvelle chance pour tous », selon les propos du Premier ministre. Sur le modèle du crédit d’heures de formation supplémentaires pour les jeunes décrocheurs, les salariés peu qualifiés verront leurs droits à formation inscrits au CPA portés de 24 à 40 heures par an, dans la limite de 400 heures. L’objectif affiché du gouvernement est que ces salariés puissent franchir un niveau supplémentaire de qualification tous les dix ans, en plus des actions de formation engagées dans les entreprises. Le gouvernement a en outre chargé les partenaires sociaux de renforcer, au sein de la négociation sur l’assurance-chômage, les droits à formation des demandeurs d’emploi peu qualifiés. Le compte personnel d’activité a par ailleurs été enrichi d’un droit nouveau sous la forme d’un compte « engagement citoyen » qui permettra aux réservistes, responsables associatifs bénévoles ou maîtres d’apprentissage d’acquérir des heures de formation ou des jours de congés destinés à ces activités.

Les organisations de jeunesse ont aussi été entendues : « De la même manière que nous créons, avec le CPA, un droit personnel et universel, a déclaré Manuel Valls, nous devons créer un droit universel à la garantie jeunes », le dispositif d’accompagnement renforcé vers l’insertion dont 100 000 jeunes doivent bénéficier dès 2017.

Mobilisation et propositions ont pesé

« Parce que nous nous sommes opposés, parce que nous nous sommes mobilisés, parce que nous avons fait des propositions, nous avons pesé sur l’avant-projet de loi », a estimé Laurent Berger à la sortie de la réunion à Matignon. Pour le secrétaire général de la CFDT, la réécriture du texte présentée par le Premier ministre permet de revenir à ce qui aurait dû être sa philosophie dès le départ : « plus de droits pour sécuriser les parcours professionnels des jeunes, des salariés, des travailleurs et plus de place à la négociation collective pour construire, sur la base d’un ordre public fort, les droits les plus adaptés à la situation des salariés dans les entreprises ». Reste à vérifier que le texte qui sera transmis dans les prochains jours aux partenaires sociaux correspond bien aux annonces. Le Bureau national sera amené à se prononcer et vérifier que les engagements pris ce 14 mars par le gouvernement sont bien respectés. Auquel cas, a indiqué Laurent Berger, « ce texte peut s’avérer porteur de progrès pour tous ; c’est en ce sens que nous avons pesé ».

aseigne@cfdt.fr

© Patrick Kovarik/AFP

     
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