Covid-19 : Mon travail à distance, j’en parle

Publié le 11/05/2020

Depuis le 28 avril, les premiers résultats du questionnaire www.mon-travail-a-distance.fr permettent d’appréhender la façon dont le télétravail a fonctionné pendant le confinement et les enseignements dont il faudra tenir compte pour l’avenir. Des éléments qui pourraient nourrir le dialogue social sur ce sujet.

La pandémie a mis en évidence le rôle du télétravail dans notre pays. Depuis le 16 mars, huit millions de personnes sont en activité depuis leur domicile, la moitié d’entre eux pour la première fois ! Comment vivent-ils cette période ? Quels sont les atouts et les limites du travail à distance, quels besoins de digitalisation de certaines fonctions ont été mis en évidence, quel est l’impact du numérique à temps plein sur les relations professionnelles ? Le sujet revient avec plus d’acuité que jamais : du 1er au 20 avril 2020, en partenariat avec la CFDT, Terra Nova, MetisEurope, Liaisons sociales magazine et Management et RSE, une enquête en ligne réalisée par Res publica « Mon travail à distance, j’en parle! » a déjà collecté plus de 2000 contributions. Les premiers résultats ont été publiés dès le 28 avril (www.mon-travail-a-distance.fr).

Portrait-robot du télétravailleur

Chercheurs, professeurs, gestionnaires, conseillers, chargés d’étude, chefs de projet, ingénieurs, consultants sont quelques-uns des métiers les plus représentés de ce premier panel. Majoritairement, les répondants habitent l’Île-de-France et la région Auvergne-Rhône-Alpes. Pour moitié, ils sont salariés du secteur privé (banques, services, information et communication), pour moitié du public (enseignement, santé, social).

Sans surprise, le gros du bataillon travaille dans des grandes entreprises (plus de 500 salariés) et seulement 5% d’entre eux dans des sociétés de moins de 10 salariés. Un tiers a une responsabilité managériale, mais tous quasiment (95%) disent avoir un grand degré d’autonomie dans leur travail, voire « beaucoup d’autonomie ». Logiquement, ceux qui pensent disposer du matériel informatique adapté à leur télétravail appartiennent à la catégorie des télétravailleurs déjà habitués, avec un ordinateur fourni par l’employeur et une connexion au serveur de l’entreprise. Les outils de travail à distance ne sont pas une découverte, une faible part (17%) d’entre eux a bénéficié d’une formation pour les utiliser.

En revanche, l’enquête met en évidence la capacité des salariés à s’adapter au télétravail imposé en dépit du niveau de préparation généralement insuffisant de leurs entreprises (seulement 21% étaient bien préparées).

Le triptyque « autonomie, isolement, fatigue »

Ce constat est invariable, enquête après enquête (cf. les études de l’Observatoire du télétravail et des conditions de travail auxquelles la CFDT apporte des contributions régulières) surtout lorsque le télétravail est pratiqué régulièrement : avec le confinement qui dure et la garde des enfants qui s’y ajoute, tous les indicateurs sont au rouge (charge de travail, difficile séparation avec la vie privée, manque de lien social…).

D’autres réponses de cette nouvelle enquête attirent également l’attention : ont ainsi été évoqués le manque de reconnaissance et de confiance de la part du supérieur hiérarchique ; des douleurs physiques dues à un poste de travail inadapté ; le suivi difficile des élèves, des usagers ou des bénéficiaires de ce travail à distance, pouvant se doubler d’une certaine démotivation pour le travail.

Parmi les points positifs, les nouvelles façons de travailler mises en place dans l’urgence sont un motif de satisfaction. Et pour certains, la communication entre collègues n’aurait jamais été si intense, via les réseaux sociaux et les outils de visioconférence notamment. Certains apprécient un gain d’autonomie et de meilleures conditions de travail (pas de transport, absence de bruits, souplesse des horaires).

Le blues des managers à distance

Difficile de manager à distance, semble-t-il. Là encore, le manque de préparation des entreprises est prégnant. Un manager sur trois aurait éprouvé des difficultés à déléguer certaines responsabilités. Pour un sur deux il est difficile de contrôler le travail de l’équipe ou de programmer le travail à distance. Ces déclarations sont sans doute l’une des raisons qui ont favorisé l’organisation de plus de temps d’échanges pendant ces semaines particulières et ce, bien que l’on passe moins de temps à se parler qu’à communiquer par e-mails ou réseaux sociaux internes.

Le télétravail aura-t-il une influence à l’avenir sur les modes de management ? Pas sûr car, au final, les critères d’appréciation des uns et des autres ne seraient pas franchement bousculés : 60% des répondants constatent peu de différences entre leur travail avant la crise sanitaire et celui qu’ils ont réalisé de manière confinée. Ce qui semble plus important à l’issue de cette période, c’est le besoin de reconnaissance exprimé par un bon tiers d’entre eux (35%) pour leurs capacités à prendre des décisions.

Si, à la fin du questionnaire, six sur dix répondants disent vouloir télétravailler plus souvent (avec de nouveaux outils, si possible, pour 51% d’entre eux), ce résultat est impossible à analyser sans évoquer la question des transports (problématiques pour 42%).

Enfin, l’enquête révèle un point crucial : une majorité (60%) ne connaît pas l’accord télétravail de son entreprise ni s’il en existe un… Face au besoin urgent de réguler ce travail « autrement », Laurent Berger souhaite une nouvelle négociation nationale interprofessionnelle sur le télétravail. « Si les autres partenaires sociaux ne veulent pas s'engager, la CFDT, elle, fera ses propositions dès la semaine prochaine pour améliorer la vie des télétravailleurs », a-t-il annoncé jeudi 7 mai sur l’antenne d’Europe 1.

cnillus@cfdt.fr