
Cour_de_Cassation_pourvoi_n°23-22.216_22_01_2025
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Les modalités d’application de l’article L. 2143-3 du Code du travail, qui régit la désignation des délégués syndicaux (DS), continuent d’évoluer sous l’influence de la Cour de cassation. Depuis 2008, cet article prévoit en effet que le DS doit être désigné parmi les candidats au 1er tour des dernières élections, à moins que ceux-ci n’y renoncent !
Cependant, ces dispositions sont sujettes à diverses interprétations. La Haute juridiction a déjà apporté plusieurs précisions, notamment à travers une série d’arrêts rendus en 2023. Aujourd’hui, c’est la question de la date de renonciation qui est examinée. Cass.soc. 22.01.25, n° 23-22.216.
Le premier tour des élections professionnelles s’est tenu en 2019 au sein d’une unité économique et sociale (UES). Près de quatre ans plus tard, le syndicat CGC a désigné deux de ses adhérents en qualité de DS, bien qu’aucun d’eux n’ait été candidat lors de ce premier tour.
En revanche, la totalité des 28 candidats du syndicat avait renoncé à cette désignation avant le début des élections.
Le DS doit en principe avoir été candidat sur une liste au 1er tour des dernières élections professionnelles et avoir obtenu 10% d’audience sur son nom (1). Cependant, ce principe connait des exceptions :
- si aucun candidat présenté par le syndicat ne remplit la condition des 10% ;
- ou s’il ne reste plus aucun candidat dans l’entreprise ou l’établissement qui remplisse cette condition ;
- ou encore si l’ensemble des élus ou candidats de la liste présentée par le syndicat qui remplissent la condition des 10% renoncent par écrit à leur droit d’être désignés DS.
Dans ces cas, le syndicat représentatif peut désigner un DS parmi les autres candidats (2), ou à défaut, parmi ses adhérents au sein de l'entreprise ou l'établissement ou encore parmi ses anciens élus ayant atteint la limite de durée d'exercice du mandat au CSE. Deux éléments sont à déduire de ces règles :
=> les candidats ou élus ayant recueilli 10% des suffrages sont prioritaires par rapport aux autres candidats, aux adhérents et anciens élus du syndicat ;
=> les candidats du syndicat n’ayant pas recueilli 10% sont prioritaires par rapport aux adhérents ou anciens élus.(3)
Les sociétés composant l’UES ont alors saisi le tribunal judiciaire pour contester la validité de ces désignations et demander leur annulation. Et les juges du fond ont fait droit à leurs demandes !
Le jugement retient en effet que, si les candidats du syndicat avaient bien renoncé à « leur droit de priorité », ces renonciations intervenues avant le premier tour des élections ne pouvaient être considérées comme valables. Selon le tribunal, celles-ci avaient été formulées « avant que le droit soit né » et auraient dû être confirmées après pour qu’elles « apparaissent liées […] à l'acte de candidature aux élections professionnelles ».
Les candidats et le syndicat ont décidé de se pourvoir en cassation. Et pour cause, la loi ne mentionne absolument pas cette condition temporelle ! Elle se contente de préciser que la renonciation doit être faite par écrit.
Aussi, les demandeurs soutenaient-ils qu’il suffisait que celle-ci soit antérieure à la désignation, peu important qu’elle soit formulée avant ou après les élections professionnelles. Pour eux, les juges du fond avaient ajouté une condition non prévue par la loi.
Finalement, la chambre sociale a tranché en faveur des employeurs en rejetant le pourvoi du syndicat. Après avoir rappelé les dispositions légales en la matière, elle a affirmé le principe selon lequel « un salarié ne peut par avance renoncer au droit d'être désigné délégué syndical qu'il tient des dispositions d'ordre public de l'article L. 2143-3 du code du travail lorsqu'il a obtenu un score électoral d'au moins 10 % ».
En d’autres termes, ce n’est qu’une fois ce « droit » acquis, grâce à l’obtention d’un score personnel de 10 %, que la renonciation peut être validée. En l’espèce, les candidats concernés, qui avaient renoncé à ce droit avant le 1er tour des élections, auraient dû « confirmer cette renonciation après le premier tour ».
(1) Art. L.2143-3 C.trav.
(2) Il peut désigner des candidats présentés sous une autre étiquette mais il n’a pas l’obligation de leur proposer avant de pouvoir désigner un adhérent.
(3) Cass.soc.12.04.18, n° 17-60.197.