Travail dissimulé : il peut être caractérisé par l’absence de mention d’un avantage en nature sur le bulletin de paie

  • Éléments du salaire

La non-mention sur le bulletin de paie d’un logement de fonction mis à disposition gratuitement par l’employeur peut-elle caractériser l’infraction de travail dissimulé ? Oui, répond la Cour de cassation. Dès lors que cette mise à disposition est constitutive d’un avantage en nature, elle doit être soumise à cotisations sociales, et donc apparaître sur la fiche de paie. C’est ce qu’en déduisent les juges, dans un arrêt du 4 décembre 2024. Cass.soc. 04.12.24, n°23-14.259.

Un avantage en nature absent du bulletin de paie

Dans cette affaire, un salarié engagé en tant que contrôleur technique de véhicules poids lourds s’était vu mettre à disposition gratuitement un logement de fonction par son employeur. Ce dernier ne faisait pourtant pas figurer cet avantage en nature sur le bulletin de paie et ne payait pas les cotisations sociales afférentes…

Licencié, le salarié avait saisi le conseil de prud’hommes afin de contester son licenciement et demander le paiement de diverses indemnités. Reconnaissant un travail dissimulé, la cour d’appel condamne l’employeur au paiement d’une indemnité pour travail dissimulé.

L’employeur se pourvoit alors en cassation.

Une dissimulation d’emploi salarié en question

Selon lui, le manquement à son obligation de faire figurer l’avantage en nature sur le bulletin de salaire et de payer les cotisations afférentes ne suffit pas à caractériser une dissimulation volontaire d’emploi.

C’est donc sur ce point que va se prononcer la Cour de cassation.

Bon à savoir

Le Code du travail prohibe le recours au travail dissimulé à l’article L.8221-1.

Il distingue deux types de travail dissimulé :

·       Le travail dissimulé par dissimulation d’activité (art. L.8221-3 C.trav.). C’est le cas du chef d’entreprise qui ne fait pas les déclarations nécessaires à l’exercice de son activité.

·       Le travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié (art. L.8221-5 C.trav.). Il s’agit des cas d’absence de déclaration préalable à l’embauche et d’absence de bulletin de paie ou de mention obligatoire sur celui-ci. Depuis 2011 [1], il peut être caractérisé par l’absence de déclarations relatives aux salaires et cotisations sociales auprès des organismes compétents.
Cette infraction suppose un caractère intentionnel.

La réponse de la chambre sociale

La Cour de cassation rejette l’argumentaire de l’employeur.

Elle rappelle tout d’abord que « la fourniture, par l'employeur, d'un logement constitue un avantage en nature qu'il y a lieu d'inclure dans le montant de la rémunération du salarié et qui doit être indiqué sur le bulletin de paie qui lui est remis. ». Inclus dans la rémunération, l’avantage en nature doit donc être soumis à cotisations. La cour d’appel avait en l’espèce estimé que la mise à disposition du logement était bien un avantage en nature soumis à cotisations.

Les juges s’attachent ensuite à rappeler, en se fondant sur l’article L.8221-5, 3° du Code du travail, que caractérise un travail dissimulé, le fait pour l’employeur de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives au salaires et/ou cotisations sociales.

Le fait pour l’employeur de ne pas indiquer l’avantage en nature sur le bulletin de paie, et par conséquent ne pas payer les sommes afférentes, caractérise-t-il une intention de dissimuler ? 
C’est aux juges du fond de caractériser cette intentionnalité. La Cour de cassation indique que la cour d’appel a constaté que le salarié était logé par son employeur, et qu’elle en a alors souverainement déduit que « l’intention de l’employeur de dissimuler cet avantage, non indiqué sur les bulletins de paie du salarié, était caractérisé ».

La mise à disposition du logement, en tant qu’avantage en nature, ne peut donc pas laisser de place à l’erreur. Son absence sur le bulletin de paie suffit donc à caractériser l’intention de dissimulation de l’employeur.

La Cour de cassation revient sur sa position de 2011, par laquelle elle estimait que l’absence d’un avantage en nature du bulletin de paie et le non-paiement des cotisations sociales en résultant ne suffisait pas à caractériser un travail dissimulé [2]. C’est donc une évolution bienvenue qu’opère les juges dans cet arrêt du 4 décembre et qui s’explique, en particulier, par l’évolution législative intervenue en 2010 sur le travail dissimulé.

 
 

[1] Loi n°2011-672 du 16.06.11.

[2] Cass.soc. 22.09.11, n°10-12.180.

L'arrêt de la Cour de cassation

  • Cass.soc. 04.12.24, n°23-14.259

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