Action en justice des syndicats : une action de groupe 2.0. pour renforcer la défense des droits des salariés

  • Autres juridictions (tribunal judiciaire, pôle social, pénal, etc)

L'action de groupe en droit du travail connait des transformations significatives depuis la loi du 30 avril 2025 d’adaptation au droit de l'Union européenne dite loi "Daddue" (1). Son article 16, en plus de lever plusieurs restrictions antérieures, élargit considérablement le champ d'application de cette action. Désormais, les organisations syndicales peuvent engager une action de groupe contre tout manquement de l'employeur, dépassant ainsi les seules problématiques de discrimination et de protection des données personnelles. Cette avancée majeure renforce les droits des travailleurs et permet une défense plus efficace de leurs intérêts collectifs. Faisons le point sur les principales nouveautés introduites par la loi.

Un régime unique des actions de groupe

Bon à savoir !

Pour mémoire, l’action de groupe s’inspire des class actions américaines, qui permettent aux victimes d’un même préjudice de mener un recours collectif. Introduite en France par la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation, elle ne concernait initialement que les consommateurs. En 2016 (2), son champ d'application s'est élargi aux litiges en matière de logement, de santé, d'environnement, et, dans le domaine du travail, à la protection des données personnelles et aux discriminations au travail.

Unification des différents régimes dans une même loi

Avec cette réforme, le législateur unifie le cadre juridique de l'action de groupe, qui était jusqu'alors fragmenté entre plusieurs textes selon les domaines concernés. Les dispositions spécifiques des différents codes, ainsi que le cadre générique introduit par la loi Justice du XXIe  siècle, sont désormais e par l'article 16 de la loi Daddue, qui regroupe l'ensemble des dispositions légales relatives à l'action de groupe.

En droit social plus particulièrement, la section spécifique aux actions de groupe est tout bonnement supprimée du Code du travail (abrogation des articles L. 1134-6 à L. 1134-10).

Cette démarche vise à simplifier l'accès à un dispositif qui n'a pas rencontré le succès escompté, avec seulement une trentaine d'actions engagées depuis sa création il y a une dizaine d'années, principalement dans le domaine du droit de la consommation, et seulement cinq en droit du travail.

Unification et extension de la qualité à agir

Dans un souci de démocratisation de l'action de groupe, la loi élargit la qualité à agir des associations.

  • D’une part, plus d’associations sont désormais légitimes à engager des actions de groupe.

Les associations agréées peuvent agir, à condition de respecter certains critères :

- Ancienneté : 12 mois, contre 5 ans auparavant ;

- Spécialisation : les statuts doivent inclure la défense des intérêts concernés ;

- Indépendance.

Une association non agréée peut également agir, mais uniquement pour obtenir la cessation d'un manquement (et non pour réparation), à condition d'exister et d'avoir exercé une activité effective dans le domaine concerné pendant 24 mois consécutifs.

Bon à savoir !

L’action de groupe a un double objectif. Elle peut viser à obtenir la cessation d’un manquement sans que les membres du groupe n’aient à établir un préjudice. Dans ce cadre, le juge peut enjoindre à l’employeur de prendre des mesures correctives dans un délai qu’il fixe. L’action de groupe peut également tendre à la réparation des préjudices subis. La loi Daddue introduit en outre la possibilité pour les syndicats et les associations de participer à une médiation pour obtenir réparation.

  • D’autre part, les organisations syndicales ne seront plus les seules à pouvoir agir en défense des salariés en cours de carrière.

Jusqu'à présent, en droit du travail (3), seules les organisations syndicales représentatives (au sein de l'entreprise, de la branche ou au niveau national interprofessionnel) pouvaient engager une action de groupe en faveur des salariés en cours de carrière. Les associations ne pouvaient intervenir qu'en faveur de candidats à un emploi ou à un stage.

Avec la nouvelle loi, les associations (sous réserve de remplir les conditions mentionnées ci-dessus) pourront également agir en faveur des travailleurs en cours de carrière. Ainsi, elles pourront intervenir tant dans le domaine du travail qu'en dehors, élargissant considérablement leur champ d'action dans le cadre de l'action de groupe. En revanche, l'intervention des organisations syndicales reste limitée au droit du travail, ainsi qu'aux données personnelles et aux discriminations, y compris en dehors du travail (par exemple, dans l'accès au logement, à l'éducation ou à la santé).

Un champ d’application élargit au droit du travail dans son ensemble

Auparavant restreint à la lutte contre les discriminations et à la protection des données personnelles, le champ de l'action de groupe en matière sociale est désormais considérablement élargi par l'article 16. Cette action peut désormais être engagée contre tout manquement collectif d’un employeur (privé ou public) à ses obligations « lorsque ce manquement cause un préjudice à plusieurs personnes placées sous son autorité ».

Cela inclut donc l’ensemble des manquements de l’employeur en droit du travail. On pense par exemple à l’obligation de prévention en matière de santé et sécurité, au respect de la réglementation sur la durée de travail et les repos, ou encore à l’application des conventions et accords collectifs qui pourraient être des thématiques pertinentes pour une action de groupe.

Cette évolution constitue une opportunité pour mieux lutter contre les manquements systémiques des employeurs et favorise une plus grande effectivité des droits des salariés. L'action de groupe présente l'avantage d'unifier les contentieux sous la responsabilité du syndicat, contrairement à la multiplication des contentieux individuels dits « sériels » devant le conseil de prud'hommes. Cela est d'autant plus pertinent dans un contexte où l'efficacité de l'action en défense de l'intérêt collectif de la profession (la voie privilégiée des organisations syndicales) a été considérablement limitée par la Cour de cassation.

Une réparation de l’entier préjudice

La loi Daddue lève l'une des principales limites à l'action de groupe en permettant la réparation intégrale des préjudices subis par les salariés ou agents, qui pourront être réparés via l'action de groupe, et non plus seulement ceux nés après le dépôt de l'action ou dont le fait générateur est postérieur à l'entrée en vigueur de la loi.

Bon à savoir !

Auparavant, les salariés membres du groupe devaient saisir ultérieurement le conseil de prud'hommes pour obtenir une réparation complète de leur préjudice. Cette limitation constituait un frein majeur à l'efficacité de l'action de groupe.

Introduction d’une sanction civile en cas de manquement dolosif

Avec ce nouveau dispositif, le juge peut condamner l’employeur à une amende civile lorsque celui-ci a « délibérément commis une faute en vue d'obtenir un gain ou une économie indu » et que cette faute a causé un préjudice collectif au sein du groupe. Les sommes ainsi récoltées alimenteront un fonds dédié au financement des actions de groupe.


 

(1) Loi n° 2025-391 du 30 avril 2025 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes.

(2) Loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle.

(3) Limité alors aux discriminations et aux données personnelles.

L'article 16 de la loi Daddue

  • Loi n° 2025-391 du 30 avril 2025 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes

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