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Contrat de travail: le changement d’horaires impactant une prime ne modifie pas le contrat

Publié le 15/04/2015

Si toucher à la rémunération contractuelle d’un salarié est une modification du contrat de travail, la diminution d’une prime de panier consécutive à un changement d’horaires de travail, n’en constitue en revanche pas une. Cass. Soc. 09.04.15, n°13-27624.

  •  L’affaire

Les faits sont simples : un salarié, mécanicien d’une société, travaille selon un cycle englobant des horaires de nuit. Ce qui lui permet de bénéficier d’une prime de panier. Son employeur va l’informer qu’il sera désormais assujetti à un nouveau cycle, dans lequel le travail de nuit sera réduit. 

Le problème est qu’en supprimant une partie du travail de nuit, le salarié perd aussi une partie de la prime de panier à laquelle il pouvait prétendre, soit une diminution d’environ 49 euros par mois. Refusant de se soumettre à cette nouvelle répartition des horaires, le salarié est finalement licencié. Il conteste son licenciement devant le Conseil de prud’hommes.

Le raisonnement du salarié est logique. Selon lui, l’employeur ne pouvait pas modifier sans son accord la rémunération qu’il lui verse. La modification des horaires de travail ayant entraîné une diminution de la prime, le salarié estime que l’employeur avait ainsi, de façon unilatérale, modifié son contrat de travail. Pour lui, le licenciement était donc sans cause réelle et sérieuse.

En vertu de son pouvoir de direction, l’employeur peut librement modifier la répartition des horaires de travail d’un salarié à temps plein à condition que ces horaires n’aient pas été contractualisés. En revanche, il ne peut pas modifier seul un élément essentiel du contrat tel que la rémunération et ce même de manière minime.

La question à trancher était donc la suivante : la diminution des heures de travail de nuit, et par conséquent de la prime de panier d’un salarié, entraînée par une modification des horaires de travail, constitue-t-elle une modification du contrat de travail.

Non, répond la Cour d’appel, suivie par la Cour de Cassation : « la diminution de la rémunération résultant de la réduction des sujétions consécutive à un changement des horaires du cycle de travail ne constitue pas une modification du contrat de travail ».

  • Pas de modification unilatérale de la rémunération contractuelle par l’employeur

Il est depuis longtemps admis que la rémunération contractuelle du salarié constitue un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié, même de manière minime, sans l’accord du salarié [1]. En l’espèce, le salarié arguait non seulement qu'il y avait bien eu une diminution, certes partielle, de sa rémunération (49 euros), mais qu’en plus cette rémunération avait bien été contractuellement convenue puisque la société s’était engagée par courrier à compenser au moins partiellement la perte de revenus litigieuse.

  • Possibilité de modification d’une sujétion liée à un changement d’horaire de travail

Les juges ne l’entendent pas ainsi. S’il y a effectivement une perte de rémunération, cette diminution porte sur une prime de panier qui, d'une part, n’est pas contractualisée et qui d'autre part est liée au fait d’effectuer des horaires de nuit auxquels était soumis le salarié. Cette modification de la rémunération consécutive à un changement des horaires du cycle de travail, ne constitue donc pas une modification du contrat de travail. Le salarié aurait dû se soumettre à ses nouveaux horaires. Le fait de s’y être opposé justifie donc son licenciement. 

Si la solution semble cohérente, elle laisse cependant un goût amer. En effet, si l’employeur dispose d’un nécessaire pouvoir d’organisation au sein de son entreprise, cet arrêt illustre la façon dont une simple modification des conditions de travail peut influer sur un élément qui, sans avoir été considéré comme contractuel en l’espèce, constitue malgré tout un élément essentiel de la relation de travail. La prime de panier, même liée au travail de nuit et même non contractualisée, fait partie de la rémunération attendue, espérée par le salarié.

(1) Il en va de même du mode de rémunération prévu au contrat, quand bien même le nouveau mode serait plus avantageux.