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Rupture conventionnelle : valable même en cas d'arrêt pour accident du travail

Publié le 08/10/2014

Dans un arrêt récent, la Cour de cassation vient préciser et étendre les circonstances dans lesquelles la rupture conventionnelle est autorisée. Elle admet, en effet, la validité d’une rupture conventionnelle conclue au cours de la suspension du contrat de travail consécutive à un accident du travail dès lors qu’il n’y a pas eu fraude ou vice du consentement (Cass.soc., 30.09.14, n°13-16.297).

  • Le contexte

Fin janvier 2009, la salariée de l’entreprise est victime d’un accident du travail. En arrêt pendant plus de 8 jours, elle a repris son activité professionnelle sans bénéficier d’une visite de reprise par le médecin du travail. Après plusieurs entretiens avec son employeur, une rupture conventionnelle est signée et homologuée par l’inspection du travail. Elle quitte l’entreprise le 30 septembre 2009.

La salariée a ensuite saisi la juridiction prud’homale afin de contester la validité de la rupture. Elle considère en effet que n’ayant pas bénéficié d’une visite de reprise à l’issue de son arrêt de travail, son contrat de travail était toujours suspendu. La salariée s’appuie sur l’article L. 1226-9 du Code du travail qui prévoit qu’ « au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l’employeur ne peut rompre ce dernier que s’il justifie soit d’une faute grave de l’intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l’accident ou à la maladie (professionnels) ».

La Cour d’appel a débouté la salariée car selon elle, cet article ne s’applique qu’en cas de rupture unilatérale du contrat de travail par l’employeur. La salariée a saisi la Cour de cassation.

Dans son arrêt du 30 septembre 2014, la Cour de cassation confirme l’analyse des juges du fonds et déclare que « sauf en cas de fraude ou de vice du consentement, une rupture conventionnelle peut être valablement conclue en application de l’article L. 1237-11 du Code du travail au cours de la période de suspension consécutive à un accident du travail ou à une maladie professionnelle ».

  • Une protection légale jusqu’ici applicable en cas de rupture conventionnelle

L’article L. 1226-9 du Code du travail organise une protection des victimes d’accidents du travail ou de maladies professionnelles contre la rupture de leur contrat de travail.

C’est au titre de ces règles protectrices que les juges du fond estimaient jusqu’ici, qu’il était interdit de rompre le contrat de travail dans le cadre d’une rupture conventionnelle durant les périodes de suspension consécutives à un accident ou à une maladie professionnels (1).

C’est d’ailleurs ce que préconisait la Direction Générale du travail dans une circulaire du 17 mars 2009 (2).

Néanmoins, la Cour de cassation a récemment admis la validité d’une rupture conventionnelle conclue avec un salarié déclaré apte avec réserves suite à un accident du travail (3). Elle ne s’était toutefois pas encore prononcée sur la validité d’une rupture conventionnelle conclue en cours de suspension du contrat consécutive à un accident ou maladie professionnels.

  • La rupture conventionnelle désormais exclue de cette protection

Dans l’arrêt présent, la Cour de cassation écarte la protection accordée par de l’article L. 1226-1 du Code du travail au cas de la rupture conventionnelle. En effet, ce dernier ne vise expressément que les ruptures unilatérales du contrat par l’employeur (le licenciement notamment).

Or, en l’espèce, il s’agit d’une rupture d’un commun accord, qui ne peut en principe pas être imposée par l’une ou l’autre des parties. Elle ne rentre donc pas dans le champ des règles protectrices instituées par l’article L. 1226-1 du Code du travail.

En conséquence, une telle rupture ne pourra être invalidée que s’il s’avère que le consentement a été vicié ou bien qu’elle constituait une fraude destinée à échapper à d’autres obligations légales (4). Ce qu’en l’espèce la salariée n’est pas parvenue à démontrer.

Cette solution, qui peut paraître défavorable au salarié dans une période où il est particulièrement vulnérable, s’explique néanmoins par les garanties qui encadrent les ruptures conventionnelles (droit de rétractation, homologation) et la possibilité pour les salariés de faire invalider les ruptures conventionnelles frauduleuses, ou celles pour lesquelles le  consentement aurait été vicié.

Reste à savoir si la même solution aurait été retenue pour une rupture conventionnelle conclue en cours de congé maternité ? A notre sens, elle ne devrait pas pouvoir s'appliquer aux femmes dans ce cas, eu égard à la situation de vulnérabilité dans laquelle se trouvent ces salariées en congé maternité. La conclusion d'une rupture conventionnelle au cours de cette période de protection ne pourrait être que suspicieuse et fragiliserait l'ensemble du dispositif.



(1) CA Amiens, 11.01.12, n°11-00555 ; CA Poitiers,28.03.12

(2) Circulaire DGT n°2009-04 du 17.03.09 relative à la rupture conventionnelle d’un contrat à durée indéterminée (art.1.2) 

(3) Cass. Soc., 28.05.14, n°12-28082

(4) Art. L.1237-11 du Code du travail : définition générale de la rupture conventionnelle