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FAQ congés payés et arrêt de travail : les réponses concrètes aux questions que vous vous posez !

Publié le 04/10/2023

Le 13 septembre 2023, la Cour de cassation a rendu une série d’importants arrêts dans lesquels elle fait application du droit européen en matière de congés payés et écarte le droit français. Une analyse juridique détaillée vous est proposée dans la rubrique Vos droits du site Cfdt.fr. Cette FAQ a, quant à elle, pour objectif de répondre à certaines questions pratiques que se posent déjà représentants du personnel et salariés. 

Peut-on d’ores et déjà s’en emparer dans nos entreprises ?

Oui, dès maintenant !

La Cour de cassation écarte expressément les dispositions qu’elle juge contraire au droit de l’Union européenne. Ainsi, ces solutions trouvent à s’appliquer immédiatemment dans les entreprises et les salariés peuvent dès à présent faire valoir leurs droits :

  • l’employeur doit prendre en compte les périodes d’arrêt maladie ou d’accident (professionnel ou non professionnel) pour le calcul des droits à congés payés ;
  • l’employeur ne peut limiter à un an l’indemnité compensatrice de congés payés en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle ;
  • si le salarié envisage de demander une indemnité de congés payés, cette demande doit se faire dans un certain délai (trois ans). Mais ce délai ne commence à courir qu’à partir du moment où l’employeur a pris les mesures nécessaires permettant au salarié de prendre ses congés payés ;
  • les congés payés acquis à la date du début du congé parental peuvent être pris à la date de retour du salarié au travail.

 

Quels sont les congés concernés par cette décision?  

En d'autres termes, concerne-t-elle les 5 semaines de congés payés légaux, ou bien seulement les 4 semaines prévues dans la directive européenne? Concerne-t-elle aussi les congés conventionnels ? 

La réponse est sans ambiguité : tous les congés payés sont concernés !

Il était possible de douter de l’application de ces solutions aux 5 semaines de congés payés. La directive européenne prévoit en effet un minimum de 4 semaines de congé payé annuel pour les salariés(1).  Mais la Chambre sociale va bien plus loin en précisant que ces solutions s’appliquent tant aux congés légaux, c’est-à-dire aussi à la cinquième semaine, qu’aux congés conventionnels.

Les juges considèrent donc qu’un salarié en arrêt maladie (professionnelle ou non) acquièrent les mêmes droits aux congés qu’un salarié travaillant dans l’entreprise. Ils précisent que la solution contraire aurait entraîné une discrimination au regard de l’état de santé.

Attention néanmoins, ces solutions ne s’appliquent pas en ce qui concerne des jours de repos ou des RTT et se limite bien à la notion de congés payés.

 

Les décisions rendues ont-elles un effet rétroactif ?

Oui !

Contrairement à la loi, les décisions de justice ont un effet rétroactif. Ainsi, il est possible pour un salarié de demander à son employeur un rappel de congés payés acquis lors de périodes antérieures au 13 septembre 2023 et pendant lesquelles il était en arrêt maladie.

Cela dit, l’arrêt aura une portée limitée dans les cas où les salariés n’ont pas eu de périodes d’absence trop longues (inférieures à 4 semaines notamment) car ces périodes d’absence leur permettent de bénéficier de leur 5 semaines de congés, ou encore parce que certaines conventions collectives assimilent sous condition les périodes d’arrêt maladie à du temps de travail effectif.

 

Un salarié toujours en contrat peut-il prétendre à une indemnisation s’il est concerné ? Ou bien à des congés payés ?

C’est avant tout un droit à congés payés auquel il peut prétendre, l’indemnisation n'étant possible qu’en cas de rupture du contrat. Selon le Conseiller doyen à la chambre sociale de la Cour de cassation, le salarié ne peut prétendre à une indemnité financière dès lors qu’il est toujours lié par un contrat de travail avec l’employeur.

 

Un salarié dont le contrat est rompu peut il encore réclamer une indemnité de congés payés pour les congés non acquis du fait d’un arrêt maladie d’origine professionnelle ou non ?

Oui ! Il peut faire une demande d’indemnisation des congés acquis en application de cette nouvelle jurisprudence. Il n’aura logiquement pas pu les prendre avant la rupture de son contrat et pourra donc se les voir payés.

 

Si l’employeur n’applique pas par lui-même la décision, le salarié sera-t-il contraint de saisir le Conseil de prud’hommes ?

Oui, le salarié peut saisir le Conseil de prud’hommes si l’employeur ne veut pas appliquer la nouvelle jurisprudence. Ce qui ne sera pas favorable à l’employeur dans mesure où il pourrait être condamné à verser des dommages intérêts pour le préjudice subi par le salarié, en plus du paiement des congés payés dus.

 

Quel sera le délai pour réclamer les congés payés ?

En principe, un salarié peut réclamer ses congés dans les 3 ans suivant l’expiration de la période de prise des congés. C’est-à-dire à la fin de l’année au cours de laquelle le salarié aurait pu prendre ses congés.

Mais ce délai ne commence à courir que si l’employeur a effectivement mis le salarié en mesure de les prendre. Si l’employeur n’a pas fait ces diligences, le délai de prescription n’a jamais commencé à courir et commencera seulement le jour où l’employeur mettra le salarié en mesure de prendre ses congés payés.

Il nous semble que pour un salarié dont le contrat est déjà rompu, le délai pour demander une indemnité de congés payés reste limité à 3 ans.

 

Jusqu’à quand peut-on remonter dans le temps pour réclamer ses congés payés ?

Si l’on considère que l’employeur n’a pas mis en œuvre les mesures nécessaires permettant au salarié de prendre ses congés, alors il ne pourra pas opposer de délai de prescription. Un salarié pourrait donc demander des rappels de congés payés remontant loin dans le temps (sur toute la durée de la relation de travail) sans que son employeur ne puisse s’y opposer. Il ne fait aucun doute que les juges seront prochainement conduits à se prononcer sur cette problématique.

Prenons l’exemple d’un salarié en arrêt maladie plusieurs mois en 2019 et dont l’employeur ne compte aucun congé payé acquis sur cette période. Dans ce cas, il est possible de considérer que l’employeur n’a pas pris les mesures nécessaires pour que le salarié puisse prendre ses congés payés. Ainsi, le délai de prescription n’a pas commencé à courir. Le salarié peut donc se prévaloir de son droit à congés qui ne serait pas prescrit en 2023.

 

Quelles positions peuvent prendre les juges de première instance face à ces décisions ?

Nous ne pouvons pas préjuger des décisions que pourraient prendre les juges du fond saisi de telles demandes. Néanmoins, ces décisions de la Cour de cassation sont un point d'appui extrêmement fort pour faire droit aux demandes des salariés en la matière. 

 

Le Gouvernement a-t-il l’obligation de retranscrire cette décision dans la loi ?  Ou est-ce que cette décision de justice s’applique avant intervention du législateur ?  

Si le Gouvernement a l’obligation de transposer la directive de 2003 dans notre droit national, il n’est en revanche pas tenu de transposer ces décisions de la Cour de cassation dans la loi. En revanche les décisions de la Cour de cassation s’appliquent dès leur publication.

Entre les décisions du juge européen et celles du juge français, la pression se fait tout de même de plus en plus forte en faveur d’une intervention législative. La Chambre sociale ayant écarté certaines dispositions du Code du travail, une loi serait de nature à sécuriser le droit en matière de congés payés.  

Quoi qu'il en soit, les salariés concernés ont tout intérêt à réclamer dès à présent leurs jours de congés payés acquis durant un arrêt maladie, et ceci sans attendre une modification législative dont on ignore si le contenu leur serait favorable.

 

 

 

 

(1) Art. 7, Dir. 2003/88/CE.