Retour

Comité d’entreprise : est-il un professionnel lorsqu’il passe des contrats ?

Publié le 29/06/2016

La première chambre civile de la Cour de cassation vient de juger que le comité d’entreprise, lorsqu’il passe des contrats de prestation de service, doit être considéré comme un non-professionnel, devant bénéficier à ce titre de la protection de l’article L.136-1 du Code de la consommation au sujet des contrats à tacite reconduction. Cass.civ.1, 15.06.16, n°15-17369

L'artocme L.136-1 du Code de la consommation prévoit une protection particulière des consommateurs lorsqu’ils signent des contrats prévoyant une tacite reconduction. Il impose en effet au prestataire de service d’informer le consommateur par écrit, au plus tôt 3 mois et au plus tard 1 mois avant le terme de la période autorisant la reconduction, de la possibilité de ne pas reconduire le contrat.

Si cette information n’a pas été donnée au consommateur, celui-ci peut alors mettre un terme au contrat, sans frais et à tout moment à compter de la date de reconduction.

L’article précise que cette protection s’applique aux consommateurs, mais également aux  non-professionnels.

Si le consommateur est assez facilement identifiable, cela est  plus compliqué pour le non-professionnel. Ainsi peut-on s’interroger de la qualité du comité d’entreprise qui, de manière fréquente, peut être conduit, notamment dans le cadre de la gestion des activités sociales et culturelles, à passer des contrats reconductible tacitement.

Le comité d’entreprise peut-il recevoir cette qualification de non-professionnel et par conséquent bénéficier de la protection du Code de la consommation qui en découle ?

C’est la réponse à laquelle la Cour de cassation a dû répondre dans l’affaire ici commentée.

Dans cette affaire, le comité d’entreprise a conclu le 27 avril 2011 un contrat tacitement reconductible lui donnant accès à une offre culturelle en ligne. Le 24 avril 2013, se prévalant des dispositions de l’article L.136-1 du Code de la consommation, il a résilié l’abonnement. Mais un an plus tard, le prestataire de service l’a assigné en justice afin d’obtenir le paiement d’une somme correspondant au service annuel de la prestation convenue.

Le juge de proximité (1), saisi du litige, a rejeté la demande du prestataire de service, considérant que le comité d’entreprise pouvait se prévaloir de la qualité de non-professionnel.

La société de prestation de service a alors formé un pourvoi. Selon elle, lorsque le comité d’entreprise passe des contrats dans le cadre de la gestion des activités sociales et culturelles de l’entreprise, il agit en qualité de professionnel, quand bien même la gestion de ses activités culturelles ne constitue pas son activité principale.

La Cour de cassation n’a pas suivi les arguments du pourvoi. Par un arrêt du 15 juin 2016, la première chambre civile de la Cour de cassation retient que le comité d’entreprise est bien un non-professionnel, qui doit donc bénéficier de la protection du Code de la consommation.

  • Dans le cadre de ses missions légales, le CE n’agit pas à des fins professionnelles

La première chambre civile rappelle qu’en vertu de l’article L.2323-83 du Code du travail, le comité d’entreprise « assure, contrôle ou participe à la gestion de toutes les activités sociales et culturelles établies dans l'entreprise prioritairement au bénéfice des salariés ou de leur famille ».

Elle ajoute que lorsqu’il exerce cette mission légale, il « agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre d'une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole ».

  • il est par conséquent un non-professionnel protégé par le Code de la consommation

La première chambre civile en déduit que le comité d’entreprise agit en non-professionnel et doit donc bénéficier à ce titre de l’article L.136-1 du Code de la consommation protégeant consommateurs et non-professionnels lorsqu’ils concluent des contrats à tacite reconduction.

Attention ! Par un arrêt du 16 février 2016 (2), la chambre commerciale a jugé que le comité d’entreprise n’avait pas la qualité de non-professionnel dès lors que les contrats signés avaient un rapport direct avec son activité professionnelle. Il est donc probable que la Cour de cassation ait à nouveau à se prononcer  sur une demande similaire (3).

 

  • Une protection bienvenue pour les comités d’entreprise...

Les membres des comités d’entreprise disposent de peu de temps pour remplir l’ensemble des missions qui leur sont attribuées. Cela peut donc rendre compliquée une parfaite gestion de l’ensemble des contrats qui sont passés, et en particulier les contrats de prestation de service prévoyant une tacite reconduction. Parfois, cette reconduction tacite n’est découverte par le CE qu’après la date anniversaire du contrat, lorsqu’il reçoit la facture du prestataire lui demandant de payer les prestations pour l’intégralité de l’année à venir. Cela peut mettre le CE dans une situation financière délicate, notamment s’il n’avait pas intégré la reconduction, et donc la facturation, de tel ou tel contrat.

Grace à cet arrêt, le CE pourra donc, dans une telle situation et s’il n’a pas reçu dans les délais l’information quant à la possibilité de ne pas reconduire le contrat, mettre fin, sans frais et immédiatement, le contrat en question et ainsi éviter d’éventuelles difficultés financières qui auraient pu découler d’une reconduction imposée.

  • ... qui pourrait s’appliquer aux syndicats professionnels ?

La Cour de cassation ne s’est pour l’heure pas prononcée sur le cas des syndicats professionnels qui, eux aussi, concluent bon nombre de contrats de prestation de services reconductibles tacitement, contrats onéreux parfois (exemple : contrat de mise à disposition de photocopieurs, contrats de maintenance du parc informatique, …).

Et pourtant, au même titre que pour les comités d’entreprise, une protection en tant que non-professionnel pourrait être fort utile …

Espérons que saisi d’un litige opposant un syndicat et un prestataire de service, la Cour de cassation aurait un raisonnement identique, à savoir que le syndicat, dans le cadre des missions de défense et de représentation des intérêts des salariés, agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre d’une activité professionnelle et doit recevoir le qualificatif de non-professionnel.



(1) Le juge de proximité est compétent pour juger des litiges civils de la vie courante n'excédant pas 4 000 €.

(2) Cass.comm, 16.02.16, n°14-25146.

(3) Lorsqu’une une affaire pose une question qui  a reçu ou qui est susceptible de recevoir devant les chambres des solutions divergentes, il peut être décidé de renvoyer cette affaire devant la chambre mixte (article L.436-5 du Code de l’organisation judiciaire) ou devant l’assemblée plénière (L.436-6 du même code).