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Virbac France : La naissance d’une section

Publié le 24/10/2017

Grâce à l’appui du Syndicat Chimie-Énergie Alpes Méditerranée, la création d’une nouvelle section CFDT chez Virbac a mis fin à trente années de règne sans partage de la CGT dans l’entreprise. L’équipe, composée de novices, compte insuffler une autre manière de faire du syndicalisme.

On pourrait évoquer un bon alignement des planètes. Mais c’est bien davantage une question de détermination qui a présidé à la naissance de la section CFDT de Virbac, une entreprise de 1 300 salariés spécialisée dans la fabrication de produits vétérinaires à Carros, près de Nice (Alpes-Maritimes). Détermination du Secam, le Syndicat Chimie-Énergie Alpes Méditerranée, tout d’abord, qui pendant des années n’a rien lâché afin de réussir une implantation dans cette grande entreprise régionale, longtemps considérée comme un « paquebot inabordable », selon l’expression de Lionel Martino, secrétaire du syndicat : « C’était un bastion CGT, avec une direction familiale et paternaliste qui faisait tout pour éviter l’arrivée de toute autre organisation syndicale. » Joana Kerly, actuellement secrétaire fédérale de la CFDT-Chimie-Énergie chargée du développement, qui a précédé Lionel à la tête du syndicat, avait ciblé cette entreprise comme « LA boîte où il fallait être » : « Cela nous a pris plus de sept ans, à tracter régulièrement, à discuter avec des salariés devant le restaurant interentreprises où nous nous postions… »

Un binôme de choc pour un syndicalisme renouvelé

     

Une stratégie syndicale de développement
Virbac faisait partie des entreprises cible du Syndicat Chimie-Énergie Alpes Méditerranée, qui a structuré son développement depuis quelques années. « On ne réussit pas à s’implanter comme cela, ou alors c’est très rare. C’est le fruit d’un gros travail, souligne Joana Kerly, aujourd’hui responsable développement à la Fédération Chimie-Énergie. On priorise, on cible puis on y va. Et alors, on met le paquet. On tracte régulièrement. Ce n’est pas la peine de faire des apparitions tous les deux ans. » Pour Virbac, y parvenir aura nécessité sept ans de travail acharné. « Le développement, c’est long mais ça paie ! »

La construction d’une solide équipe
La constitution de la section n’a pas été laissée au hasard. Yves Henry et Marie-Fernande Ferraro, ses deux piliers, ont passé de longs mois à constituer une équipe de salariés motivés, souhaitant réellement s’investir, aux profils complémentaires et représentant l’ensemble des services de l’entreprise.

Des engagements envers les salariés
Les candidats ont promu auprès des salariés une action qui se décline en trois axes : transparence, communication et proximité. Dans leur profession de foi, ils se sont engagés à proposer une autre forme de syndicalisme, fondé sur la consultation des salariés, des comptes rendus d’information systématiques, des échanges, etc.

     

Rien n’aurait été possible non plus sans la détermination des salariés, lassés du syndicalisme d’« entre-soi » en vigueur dans l’entreprise, qui ont œuvré pour y implanter la CFDT. Avec des résultats éloquents : aux dernières élections professionnelles, en mai 2017, la CFDT a rassemblé 60,4 % des voix sur les trois collèges et obtenu 28 des 38 sièges à pourvoir dans les différentes instances, ne laissant à la CGT que les 10 restants. Trente ans de majorité absolue balayée en quelques semaines… « Et c’était la première fois que les trois collèges atteignaient le quorum, y compris chez les cadres », souligne Yves Henry, l’un des piliers de l’équipe et membre fondateur. En effet, c’est en grande partie grâce à lui que la connexion s’est faite avec le Secam.

Nous sommes alors en 2013. Avec une autre salariée de l’entreprise (qui a entre-temps quitté Virbac), ce cadre supérieur, acheteur international, décide de contacter la CFDT : « Autour de moi, je voyais des salariés en détresse, déboussolés par les transformations en cours dans l’entreprise et laissés sans soutien. Cela m’a donné envie de m’investir syndicalement. » Du fait de sa charge de travail, il choisit un mandat de délégué du personnel. « Mais je constatais chaque jour les manquements de l’autre organisation syndicale. Cela m’a décidé à passer la vitesse supérieure et à monter le projet d’une liste pour les élections. Il fallait vraiment renouveler la façon de faire du syndicalisme dans l’entreprise ! » À la même époque, une autre déçue du syndicalisme tel qu’il se pratique chez Virbac, Marie-Fernande Ferraro, se rapproche d’Yves. Elle est assistante de direction, connaît l’entreprise comme sa poche pour y travailler depuis trente-huit ans et est extrêmement impliquée au comité d’entreprise depuis des années… Tous deux forment vite le binôme de choc autour duquel va se structurer toute l’aventure de l’implantation de la CFDT chez Virbac. Non seulement ils sont complémentaires à tous points de vue, connaissent parfaitement l’entreprise, ont des fonctions transverses, mais ils partagent la même envie de faire bouger les choses. Et la même stratégie pour y arriver. Nous sommes alors en juin 2016, soit un an avant les élections. Le binôme discute, motive, convainc des salariés de les rejoindre dans l’aventure.

Être acteur plutôt que subir les changements

« À l’époque, j’étais en pleine réflexion, se souvient Thierry Simon, technicien d’astreinte et désormais trésorier du comité d’entreprise. Je cherchais un engagement social, dans une association, par exemple. Je sentais qu’il me manquait quelque chose dans mon travail. Marie-Fernande m’a dit : “Tu as ta place dans notre équipe.” J’ai sauté le pas. » Aujourd’hui, il dit être « au taquet » ! Évelyne Migliore, 55 ans, cadre responsable de domaine à la direction informatique, décide aussi de rejoindre l’équipe pour redonner du souffle et du sens à son activité. « Nous allons avoir de gros changements dans l’année qui vient, dont certains stratégiques. Je ne voulais pas subir, mais être acteur », explique cette nouvelle déléguée du personnel qui voulait au départ « entrer par la petite porte, en étant suppléante. Mais finalement, en mûrissant le projet, j’ai eu envie de m’engager pleinement dans mon mandat en étant titulaire ».

Comme elle, d’autres salariés, totalement novices en syndicalisme il y a un an, ont « complètement plongé ». Le travail d’accompagnement du syndicat a été déterminant : ont été organisées plusieurs réunions de présentation de la CFDT, les prérogatives des instances et les mandats, afin que chaque candidat trouve sa place en fonction de ses aspirations. Depuis les élections, le syndicat est aussi très présent pour accompagner la prise de mandat, organiser les formations dont chacun a besoin, aider à la structuration de la section… ou résoudre les problèmes techniques. Les nouveaux élus, débordant d’enthousiasme et d’énergie, ont d’ores et déjà décidé de lancer une enquête Flash à la rentrée. Objectif : « mieux connaître les attentes des salariés en matière d’offre culturelle ou de loisirs et mieux nous adapter ». Également au programme, la mise en place de permanences et de tournées d’atelier régulières : « Les 1 300 salariés de Virbac sont répartis sur une zone géographique très étendue. Il est nécessaire de mieux nous faire connaître d’eux, de leur montrer que nous sommes là », indique Yves Henry, désormais délégué syndical (et délégué du personnel suppléant). Le 12 juin dernier, les élus ont fêté leur victoire et commencé le travail de structuration. « Vous n’êtes pas seuls », leur a rappelé le secrétaire du syndicat, Lionel Martino. Émue, une jeune élue confie : « C’est une belle aventure humaine ! » Une aventure à laquelle on ne peut que souhaiter un bon alignement de planètes… et la même détermination !

epirat@cfdt.fr

     

Repères

• Virbac, entreprise familiale spécialisée dans la santé animale (vaccins, alimentation, recherche sur les pathologies…) en lien avec les vétérinaires et les éleveurs, emploie 1 300 salariés, dont une forte proportion de cadres en recherche et développement.

• Le Syndicat Chimie-Énergie Alpes Méditerranée, bien implanté dans le secteur de la chimie-parfumerie (essentiellement composé de TPE-PME) compte 967 adhérents.

• La CFDT a obtenu 60,4 % des voix aux dernières élections professionnelles (la CGT était jusqu’alors la seule organisation syndicale présente).