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Ouverture dominicale : le temps des négociations dans le commerce

Publié le 03/11/2015

La loi Macron, qui autorise sous conditions l’ouverture des magasins le dimanche, vient d’entrer en application. Sur le terrain, la situation est contrastée. La CFDT ne veut rien lâcher sur ses objectifs : ni généralisation ni banalisation.

« Si le but de la loi Macron était d’éclaircir la situation, c’est raté. » C’est le constat de Gilles Desbordes, secrétaire général de la Fédération CFDT des services, après s’être rendu dans la nouvelle zone touristique internationale (ZTI) de Beaugrenelle, à Paris, le 18 octobre. Les situations y sont très contrastées selon les enseignes de ce centre commercial. « Certains magasins sans accord restent fermés, d’autres trichent ouvertement, d’autres encore ouvrent sur la base d’un autre accord et, enfin, des magasins franchisés de moins de 11 salariés n’appliquent pas les mesures compensatoires prévues par la loi. Nous allons demander des comptes à ceux qui ne sont pas dans les clous et proposer d’ouvrir des négociations pour régulariser cela. »

Le regard critique de la CFDT

         

 

     

Le nouveau zonage issu de la loi Macron

La loi prévoit que les quatre zones suivantes doivent faire l’objet d’un accord collectif de branche, d’entreprise ou territorial prévoyant une compensation, des contreparties, « en particulier salariales », le volontariat et des mesures destinées à faciliter conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle.

Les zones touristiques internationales (ZTI) correspondent à 12 zones à Paris plus Cannes, Deauville et Nice. Les commerces de plus de 11 salariés peuvent ouvrir tous les dimanches et jusqu’à minuit tous les jours à condition qu’ils soient couverts par un accord de branche, d’entreprise ou territorial. Les commerces de moins de 11 salariés ne sont pas soumis à un accord mais à une décision de l’employeur validée par référendum. Les ZTI sont définies par les ministres du Travail, du Tourisme et du Commerce.

Les zones commerciales (ZC) sont des zones délimitées par un nombre annuel de clients supérieurs à 2 millions et/ou à une population urbaine supérieure à 100 000 habitants. Elles sont définies par le préfet de région, à la demande du maire.

Les zones touristiques (ZT) sont des zones qui connaissent une affluence élevée de touristes. Elles sont définies par le préfet, à la demande du maire.

Les commerces des gares suivantes seront autorisés à ouvrir le dimanche : les six gares parisiennes, Lyon-Part Dieu, Marseille Saint-Charles, Bordeaux Saint-Jean, Avignon-TGV, Nice-Ville et Montpellier.
     
             

En élargissant le périmètre et les temps d’ouverture des magasins le dimanche, la loi Macron (lire l’encadré intitulé « Le nouveau zonage issu de la loi Macron ») a ouvert la boîte de Pandore. La CFDT en a vivement critiqué certains points : les parties non internationales des ZTI ; l’ouverture de zones commerciales à partir de 100 000 habitants et non plus un million comme auparavant ; l’ouverture des magasins dans les grandes gares ; le passage de 5 à 12 « jours du maire », qui crée une concurrence entre les territoires ; la distinction entre les magasins de moins de 11 salariés et les autres, qui « risque d’accélérer la mise en franchise de magasins qui offrent des dispositifs sociaux et une représentation du personnel », s’inquiète le secrétaire national Hervé Garnier ; enfin, les compensations salariales indispensables et à la hauteur de ce que représente l’ouverture dominicale, qui doit rester exceptionnelle.

« Ces ouvertures massives, légales ou pas, entraînent une réaction en chaîne, ajoute Gilles Desbordes. Le nombre d’hypermarchés qui ouvrent le dimanche matin augmente rapidement. Ils le font en vertu d’anciennes dérogations qui étaient peu utilisées jusqu’ici. »

Accords dans deux enseignes de parfumerie

Selon Thierry Tréfert, le secrétaire confédéral chargé du dossier, « la loi entre maintenant en application et il faut rechercher des accords partout où c’est possible, à condition d’obtenir de vraies contreparties ». Les enseignes de la parfumerie Marionnaud et Sephora ont signé des accords d’entreprise avec la CFDT qui reprennent pour l’essentiel les revendications de l’organisation sur le travail de nuit : majorations salariales de respectivement 115 % et 100 % à partir de 21 heures ; volontariat et possibilité de revenir en arrière ; repos compensateur ; prise en charge des frais de transport des salariés travaillant jusqu’à minuit, des frais de garde ; application de ces mesures aux sous-traitants et prestataires. Ces accords majoritaires (à plus de 50 %) ont été ensuite approuvés à 91 et 96 % des salariés concernés par référendum. Mais pas question de troquer l’accord pour le référendum ! « Aux yeux de la CFDT, le référendum est un outil syndical qui ne peut se substituer à un accord collectif », rappelle Laurent Berger.

En revanche, dans la branche des grands magasins, « un accord est loin d’être conclu », constate Steve Mars, le négociateur de la CFDT, réservé sur l’issue des négociations. Dans les ZTI, la loi leur fait obligation de passer par un accord de branche, d’entreprise ou territorial. « Les employeurs ne voulaient négocier que pour ouvrir les magasins des grands boulevards parisiens, nous avons exigé d’élargir le périmètre à toutes les nouvelles zones où ces enseignes sont présentes. »

Les “jours du maire” en nette augmentation

Les revendications de la CFDT sont presque les mêmes que dans les enseignes de parfumerie. « Nous voulons aussi une commission de suivi, afin de pouvoir rectifier le tir rapidement en cas de dérapage », précise le syndicaliste. L’enjeu est de taille : pourraient être concernées de 2 000 à 3 000 créations d’emplois, selon la Fédération des services.

La prochaine négociation de branche aura lieu à partir du 3 novembre. « Les employeurs bloquent sur beaucoup de sujets, notamment les salaires. Ils proposent une rémunération dégressive. Mais nous ne signerons pas d’accord au rabais », prévient Steve Mars. FO (12,49 %) et la CGT (43,95 %) ont d’ores et déjà annoncé qu’elles ne signeraient pas. À elles deux, ces organisations peuvent s’opposer à l’accord. En revanche, il pourrait être validé par la CFDT, deuxième organisation avec 24,62 % (la CGC étant à 7,42 % et la CFTC à 11,52 %).

La loi Macron prévoit également une évolution des « jours du maire » (lire l’encadré intitulé « Accord Nantes Métropole : une collaboration efficace entre le pro et l’interpro »). Jusqu’ici, le maire ou le président de l’agglomération, sur décision du conseil municipal ou de l’agglomération, pouvait accorder cinq dimanches d’ouverture dans l’année. La loi porte à douze dimanches par an cette possibilité à partir de 2016. En 2015, année de transition, un maire peut octroyer neuf dimanches. La décision doit être prise après avis des organisations patronales et syndicales, et les dates doivent être arrêtées avant le 31 décembre de l’année précédente. Sur les contreparties, la loi ne change rien : la rémunération doit être doublée et un repos compensateur, prévu. Cependant, elle intègre la notion de volontariat. Comme le répète la Fédération CFDT des services, le refus de travailler le dimanche ne peut être considéré comme une faute.

dblain@cfdt.fr

Photo Pascal Sittler/Réa

 

         

Accord Nantes Métropole : collaboration efficace entre pro et interpro

Depuis 2014, le territoire de Nantes Métropole (600 000 habitants répartis sur 24 communes) dispose d’un accord territorial sur l’ouverture des magasins le dimanche. Il a été signé par la CFDT, l’Unsa et la CGC ; par le Medef, l’UPA et la CGPME.

L’accord autorise les commerces (environ 6 000 magasins) de centre-ville et centre-bourg à ouvrir deux dimanches après-midi à la veille des fêtes de Noël. Il exclut les grandes surfaces et les galeries commerciales. En contrepartie, les heures travaillées sont majorées à 100 % et récupérées intégralement. « Il prévoit également que les organisations signataires se voient dans le courant de l’année pour parler d’emplois, d’attractivité des commerces mais aussi de la garde d’enfants et des transports pour les salariés travaillant ces deux dimanches », explique Franck Truong, négociateur CFDT et secrétaire de l’Union départementale de Loire-Atlantique.

En 2016, l’accord devrait être reconduit (les négociations sont en cours) dans les mêmes conditions, avec peut-être un horaire élargi de 12 à 19 heures au lieu de 14 à 19 heures. L’UD et le syndicat des services, qui ont travaillé en étroite collaboration sur ce dossier, ont mené une enquête auprès des salariés concernés l’an passé à l’issue des deux dimanches travaillés. 70 % d’entre eux se disaient prêts à recommencer, mais « uniquement dans les mêmes conditions : deux demi-journées dans l’année », insiste Franck Truong.

Grandes surfaces et galeries marchandes souhaiteraient entrer dans l’accord. « La CFDT est ouverte à la négociation, mais nous devons vérifier auprès des salariés de ces magasins qu’ils sont partants et si les conditions leur conviennent, objecte le syndicaliste. De plus, nous voulons que l’encadrement de ces dimanches concerne également les jours fériés, travaillés dans les grandes surfaces mais pas les petits commerces. » 

En unifiant les conditions d’ouverture sur 24 communes, cet accord met les salariés du territoire à l’abri d’éventuelles disparités de traitement et protège les commerces d’une concurrence déloyale entre communes.