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Les crèches VIP accompagnent aussi les parents

Publié le 19/04/2017

Faciliter l’accès à l’emploi des familles précaires et plus particulièrement des mères isolées,
tel est l’objectif des crèches à vocation d’insertion professionnelle (VIP). Efficace
et nécessaire  !

Des petits casiers décorés de photos d’enfant, des doudous qui attendent le retour de leur propriétaire, des gazouillis et des rires qui s’échappent de la salle de jeux… A priori rien ne distingue la crèche Arc-en-ciel à Bagneux (Hauts-de-Seine) d’une autre. Sauf que celle-ci est une crèche VIP – « à vocation d’insertion professionnelle ».

 TN56453Un concept imaginé par Mara Maudet, sociologue d’origine brésilienne, directrice générale de l’Institut d’éducation et des pratiques citoyennes (IEPC), qui a passé de longues années auprès des femmes précaires au Brésil. Quand elle arrive en France, en 1980, elle constate que « le modèle social français est magnifique, mais que certains aspects sont inadaptés. Comme dans les crèches, dont les places sont généralement réservées aux parents en activité et qui proposent des horaires d’ouverture qui ne conviennent pas aux personnes occupant des emplois peu qualifiés ».

Convaincue qu’« on ne recherche pas un emploi avec une poussette », Mara Maudet va donc imaginer un modèle de crèche qui permette aux parents sans emploi de faire garder leurs enfants, leur laissant ainsi le temps nécessaire de se consacrer à la recherche d’un travail ; en donnant plus particulièrement la priorité aux familles les plus démunies, le plus souvent des mamans isolées.
En 1989, elle met son idée en pratique en ouvrant la crèche Baby-Loup, à Chanteloup-les-Vignes (Yvelines), qui accueillent les familles selon des horaires et un mode de garde mieux adaptés, notamment aux personnes travaillant dans le nettoyage ou les services.

En 2003, elle poursuit son projet avec la crèche Arc-en-ciel, première d’un réseau de onze crèches en Île-de-France, qui réservent systématiquement la moitié des places aux parents en parcours d’insertion. Une douzième structure doit ouvrir prochainement à Aubervilliers.

Adapter l’accueil des enfants selon les obligations des parents

 TN56529Ces crèches à vocation d’insertion professionnelle favorisent donc la mise en place de conditions propices au retour à l’emploi des parents. D’abord en matière d’organisation : « Nous donnons dès l’inscription la possibilité aux parents de faire garder leurs enfants sur de larges plages horaires, afin de leur laisser le maximum de temps pour faire leurs démarches, passer des entretiens… Nous réexaminons les “contrats” d’accueil tous les vendredis, afin de les adapter si besoin. Si une personne trouve une formation ou retrouve un emploi, son planning varie. Dans certains secteurs (plateformes logistiques, restauration…), les horaires changent régulièrement, avec des équipes du soir, du matin, etc. Nous veillons à permettre cette flexibilité pour que les parents ne soient pas freinés dans l’accès à l’emploi », explique Nathalie Presson [en gris sur la photo], l’énergique adjointe de Mara Maudet. Les crèches VIP sont généralement ouvertes de 6 h 30 à 19 h 30.

Autre spécificité des structures VIP : l’accompagnement professionnel proposé aux parents par du personnel spécialisé salarié des crèches. « Les besoins et les problématiques peuvent être très différents selon les parents. Pour certains, qui n’ont pas travaillé depuis longtemps, ou qui sont en France depuis peu, l’accompagnement doit être plus poussé », précise Caroline Gallet, l’une des trois chargées d’insertion, qui intervient dans les différentes crèches VIP et qui se rend une ou deux fois par semaine à Bagneux. Cela peut consister à aider les parents à rédiger un CV, répondre à des annonces, mais aussi s’entraîner à passer des entretiens d’embauche et débriefer après ces entretiens afin de voir ce qui a marché ou pas. Tout cela en lien avec les référents « extérieurs » que les parents peuvent voir par ailleurs : à Pôle emploi, dans les missions locales, les assistantes sociales, des partenaires d’association (comme France Terre d’asile si le parent est concerné), etc. « Nous travaillons vraiment avec tout un réseau de partenaires de l’emploi et de l’insertion », souligne Caroline Gallet. Un réseau qu’elle sollicite aussi quand il s’agit d’aider un parent à trouver un stage pour valider une formation, par exemple.

Afin de bénéficier de cet accompagnement, les parents doivent toutefois s’engager à rechercher un emploi. Pour cela, ils signent un contrat (symbolique) d’une durée de trois mois, renouvelable une fois.

Crêche à double emploi

 TN56790« Ici, on garde votre fils en toute sécurité et on vous accompagne jusqu’au bout », témoigne Aoua Effoli [à droite sur la photo], jeune maman arrivée de Côte d’Ivoire il y a quelques années et qui ne trouvait pas d’emploi en France dans son secteur (les assurances) faute d’équivalence de diplôme. Aux côtés de Caroline, elle a pu prendre le temps de valider un nouveau projet professionnel visant à devenir assistante de vie. Au terme de son cursus de formation, elle s’est vu proposer un poste d’assistante maternelle dans la crèche Arc-en-ciel, où elle travaille désormais.

Pour certaines mères seules ou isolées, qui vivent des situations de grande précarité (certaines logent dans des hôtels sociaux), les crèches VIP représentent bien plus qu’un endroit où confier leur enfant. « Nous offrons un cadre sécurisant, souligne Nathalie Presson. Ces parents aussi en ont besoin pour en poser un à leurs enfants. » Et d’ajouter que quand les parents sont chômeurs de longue durée, ils peuvent rencontrer de plus grandes difficultés à donner des repères aux enfants : pour les repas, les rythmes de sommeil, etc.

La crèche assure de fait une sorte de soutien à la parentalité, mais de manière douce, sans être intrusive ni donneuse de leçons. « Si le parent est davantage sécurisé, qu’il voit sa vie et son avenir de manière plus positive, il transmettra une vision plus optimiste à ses enfants. L’insertion de ces parents, de ces mamans, c’est aussi une façon de les aider à élever des petits citoyens plus confiants », souligne Mara Maudet, qui peut être fière de permettre à près de 90 % des parents accompagnés de retrouver un emploi dans les six mois. Non, vraiment, les crèches VIP ne sont pas des crèches comme les autres…

epirat@cfdt.fr

©Photos Thierry Nectoux