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Facilavie : Du courage… et l’appui de la CFDT

Publié le 20/06/2017

Face à des conditions de travail très dégradées et le refus de dialogue social de la direction, des militantes qui ont quitté la CGT après les manifestations anti-loi Travail ont trouvé à la CFDT une écoute, un appui, un soutien qu’elles reproduisent auprès des salariées. Récit.

« Nos conditions de travail sont déplorables. Il n’y a aucun dialogue social. La direction ne respecte ni la convention collective ni le code du travail. » C’est l’effrayant constat que dresse Éliane Varloteau, secrétaire de la section CFDT de Facilavie. Cette association d’aide et de services à domicile emploie 436 salariées –  surtout des femmes en situation de monoparentalité, un seul homme à l’effectif – dans le Cher. « Les salariées sont envoyées d’un bout à l’autre du département. Mais comme la direction ne rembourse que les premières 30 minutes de trajet, elle en minimise systématiquement les temps. » Cette politique de réduction des coûts se fait au détriment des conditions de travail des salariées et de prise en charge des bénéficiaires : le temps de trajet supplémentaire non pris en compte dans le planning est de fait pris sur les temps de pause ou d’interventions, déjà intenables.

L’organisation du travail en question

     

Des militantes déterminées
« On demande de pouvoir dialoguer sur l’organisation du travail. » Les militantes ont minuté les temps de trajet pour prouver à la direction qu’elle les minimisait. Elles s’appuient sur les réunions DP pour faire avancer les choses. Interpellent l’inspection du travail quand c’est nécessaire. Et sont entièrement au service des salariées. « On est sur le terrain et très réactives. Dès qu’une salariée nous informe d’une situation qui contrevient au code du travail ou à la convention collective, on fait un courrier à la direction. »

Un soutien sans faille du syndicat
« Habiba, elle est toujours là pour nous ! » C’est un cri de reconnaissance que lancent les militantes CFDT de Facilavie, qui continuent de découvrir l’organisation après avoir quitté la CGT, choquées par les violences lors des manifestations contre la loi Travail. « Je ne suis pas toujours là mais le syndicat, c’est un collectif et il y a donc forcément quelqu’un », nuance Habiba Azouzi, secrétaire du Syndicat Santé-sociaux du Cher, qui déborde d’énergie pour épauler « ses » adhérents.

Proximité et disponibilité payent
Avec 411 adhérents en 2017 contre moins de 300 en 2010, le Syndicat Santé-sociaux du Cher est l’un des syndicats qui affiche la plus forte progression au sein de la Fédération Santé-sociaux (+ 8 % en 2016). Le syndicat s’implante dans les petites et grandes structures du public comme du privé. Habiba Azouzi espère que ce travail paiera lors des élections dans les fonctions publiques de décembre 2018 et permettra de dépasser les 31 % obtenus en 2014.

     

« On nous demande de faire des tâches dans des temps trop contraints : 30 minutes pour faire le ménage, préparer le repas, entretenir le linge, faire la stimulation au repas, c’est impossible. La maltraitance, elle est là ! »
Au fil du temps, les salariées ont vu leurs conditions de travail se dégrader. « La direction ne donne plus de temps plein : en moyenne, on travaille 90 à 120 heures par mois. Avant, nos interventions se succédaient. Aujourd’hui, il est fréquent d’intervenir de 8 à 11 heures, puis de 14 à 16 et de 18 à 19 heures. Parfois, on n’a même pas le temps de rentrer chez nous entre deux interventions. D’autres fois, on travaille 30 minutes par jour pour 40 minutes de temps de trajet. Comment voulez-vous gérer votre vie personnelle dans ces conditions de précarité ? »

Face à cette situation, les militantes CFDT ont décidé de prendre les choses en main. « On a minuté les temps de trajet, munies du planning des salariées. On a réclamé d’avoir des réunions de planning pour mieux organiser le travail de chacune. Mais la direction dit que l’organisation du travail ne nous regarde pas. » Or « c’est bien le problème numéro un dans les entreprises que l’organisation du travail ne fasse pas l’objet d’un dialogue social », pointe Laurent Berger, venu rencontrer les militantes de la section, le 28 mars.

La direction et le conseil départemental, financeur de l’association, renâclent aussi à former les salariées. « Plus d’une cinquantaine est sans qualification alors qu’elles font les mêmes interventions que les autres. » Résultat : « Les accidents du travail explosent, en lien avec la manipulation des personnes, faute de formation aux gestes et postures. » Récemment, une salariée a même été licenciée pour invalidité.

Face à un tel tableau, comment agir ? « Le ressort collectif des salariées est compliqué car elles sont dispersées sur tout le département. Sans compter que ce sont souvent des femmes seules, qui manquent de moyens. » Faire du syndicalisme avec des salariées qui ne se rencontrent pas ne va pas de soi. Mais les militantes CFDT « ne manquent pas de courage », souligne Habiba Azouzi, secrétaire générale du Syndicat Santé-sociaux du Cher, qui accompagne la nouvelle section CFDT et se rend « toujours disponible ! », clament avec reconnaissance les militantes.

Elles parlent en connaissance de cause : jusqu’au printemps 2016, elles étaient à la CGT. « Nous sommes parties après les manifestations contre la loi Travail. La violence, physique et verbale, qui s’est alors exprimée ne correspondait pas à nos valeurs. » Elles ont alors contacté Habiba et adhéré à la CFDT. Là, elles disent avoir trouvé « une grande liberté de parole, une liberté de pensée, un respect, une écoute ». Mais aussi « un syndicat très structuré, qui nous oriente et nous donne les bonnes informations, ce qui nous crédibilise auprès de la direction ».

Sur le terrain comme dans les instances

Une proximité et une disponibilité qu’elles reproduisent auprès des salariées : « On est sur le terrain, on soutient les salariées, même le soir ou le week-end. Les salariées le savent et nous appellent, alors que ce n’est pas le cas des autres organisations syndicales. » La section a prévu d’envoyer un courrier à l’ensemble des salariées afin de leur présenter les revendications et actions de la section et leur proposer d’adhérer, avant de les réunir le 20 mai prochain. Autre pratique, l’assiduité en réunion DP (délégués du personnel) : « Chaque mois, on pose des questions à la direction, qui est bien obligée de nous répondre. » Elles n’entendent pas en démordre. « On a eu des réussites aussi : alors que la direction imposait aux salariées la prise de leur jour de récupération lorsqu’elles sont appelées au pied levé, on a obtenu qu’elles puissent le poser à leur convenance. On a aussi enfin obtenu que nos pointages soient indexés à notre fiche de paye, pour pouvoir vérifier que nous sommes correctement rémunérées. Mais pour ça, il a fallu interpeller l’inspection du travail, qui a fait une injonction à l’entreprise. C’est malheureusement trop souvent comme ça que ça marche. »

Donner à voir le quotidien des salariées

Récemment, les militantes ont décidé, sur les conseils d’Habiba, de demander à Syndex une expertise des comptes de l’association, « la plus chère du département alors qu’ils compressent sans cesse les coûts ». Résultat : « La direction nous a pris au sérieux. » Autre projet : aller au conseil d’administration de l’association pour faire entendre la situation des salariées. « Je crois beaucoup que donner à voir le quotidien des salariés participe de l’action collective », a insisté Laurent Berger lors de sa venue. « C’est quelque chose que nous, militants CFDT, avons du mal à faire, alors que ça peut payer pour faire reconnaître les salariés auprès des employeurs et des usagers », abonde Yann Frioux, secrétaire national de la Fédération Santé-sociaux, également présent ce jour-là. Et le secrétaire général de l’Union régionale Centre-Val de Loire, Gilles Lory, a suggéré de se mettre en contact avec les administrateurs CFDT de la Mutualité sociale agricole, dont sont issus les dirigeants de l’association. Une manière de faire jouer le réseau CFDT. Et de confirmer à ces militantes qu’elles ont fait le bon choix en adhérant à la CFDT.

aseigne@cfdt.fr

     

Repères

• Facilavie, association d’aide et de services à domicile implantée à Bourges, emploie 436 salariés qui interviennent dans tout le Cher. L’association est une entité d’une unité économique et sociale qui comprend aussi deux services de soins.

• La section CFDT s’est créée au printemps 2016, lors des manifestations contre la loi Travail. Elle compte trois déléguées du personnel titulaires et une suppléante, deux élues titulaires et deux suppléantes au comité d’entreprise. En décembre 2016, elle a obtenu les quatre sièges au CHSCT.