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A la mairie de Courbevoie, le baromètre social de la CFDT joue la mutualisation

Publié le 29/03/2018 (mis à jour le 04/04/2018)

La CFDT de la mairie de Courbevoie a lancé une vaste enquête sur la qualité de vie au travail auprès de tous les agents de la ville. Face au succès de l’opération, d’autres sections du département se sont emparées de ce baromètre social. Une mutualisation gagnante.

« Nous voulions créer un évènement qui permette de toucher tous les services et nous donne une longueur d’avance face à la mairie. » Secrétaire adjoint de la section de Courbevoie, Antoine Stockman se souvient très bien comment est née l’idée de créer un baromètre social CFDT. C’était en 2015. À l’époque, les élus étaient de plus en plus interpellés par les agents qui constataient une dégradation de leurs conditions de travail et une multiplication des conflits avec leur hiérarchie. Il est alors apparu opportun de redonner la parole aux 2 250 agents présents dans la ville afin de quantifier ce malaise et le faire remonter au plus haut niveau. « Serge Haure, secrétaire de notre section et policier municipal, nous avait parlé des méthodes mises en place par le ministère de l’Intérieur pour évaluer le malaise des policiers. C’était un bon point de départ. »

Des questionnaires élaborés en équipe

     

Travail sur la durée
Réaliser un questionnaire sur la qualité de vie au travail peut sembler simple à première vue. Mais parvenir à poser des questions claires, avec un vocabulaire compréhensible par tous les agents et dont on peut tirer des conclusions sur leur ressenti a nécessité un gros travail de réflexion. « Malgré tous nos efforts, nous nous sommes aperçus de certaines erreurs au moment du dépouillement », constate Antoine Stockman, cheville ouvrière du projet.

Investissement des équipes
Le choix de la section de ne diffuser le questionnaire que de la main à la main a nécessité un investissement considérable des militants. Mais il a permis une forte participation des agents qui ne travaillent pas devant un ordinateur toute la journée. Il a fallu vaincre les réticences de certaines catégories de personnels peu habitués à l’exercice et insister sur l’importance qu’ils fassent entendre leur voix de façon à ne pas « fausser » les réponses.

Évidente mutualisation
Une fois le travail effectué, il a paru tout naturel à la section de le présenter aux autres sections du syndicat afin qu’elles puissent s’emparer de l’outil et gagner un temps précieux. Plusieurs villes voisines de Courbevoie se sont aujourd’hui lancées en adaptant plus ou moins la démarche et les questions. Une mutualisation évidente et pourtant pas si fréquente tant les sections sont prises dans leur quotidien sans forcément trouver le temps de communiquer sur ce qu’elles font.

     

Cinq mois plus tard, le baromètre CFDT de la qualité de vie au travail était né. « Nous avons élaboré ce document en équipe, explique Antoine. Après avoir recensé les divers types d’enquêtes déjà effectuées par la CFDT, une première version a été soumise aux militants référents dans chaque service – petite enfance, enseignement, culture, service technique, police – qui l’ont amendée. Enfin, le bureau du Syndicat Interco 92 a permis un ultime travail sur la pertinence des questions posées. » Le secrétaire général du syndicat, Sylvain Marchand, s’est quant à lui attelé à la mise en pages. Le résultat a fière allure ; un questionnaire de quatre pages, en couleur, découpé en quatre thématiques : « Votre métier et vous », « Vos conditions de travail », « Vos relations de travail », « Votre évolution de carrière ».

De mars à juin 2016, 1 800 exemplaires ont été distribués en main propre à chaque agent afin de pouvoir expliquer le projet de la section CFDT et répondre à toutes les interrogations et réticences. « Nous avions décidé dès le départ que nous ne passerions pas par les nouvelles technologies pour diffuser l’enquête, insiste Antoine. Nous voulions au contraire profiter de ce baromètre pour aller à la rencontre des agents, montrer que la CFDT était disponible et à leur écoute. » Convaincue de l’intérêt de la démarche, qui avait été présentée en CHSCT (comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail), la mairie a également joué le jeu en acceptant que des urnes soient mises en place dans plusieurs lieux publics afin que les agents puissent retourner facilement leur questionnaire. « Nous avons même obtenu qu’une urne électorale aux couleurs de la CFDT trône à l’entrée de l’hôtel de ville. »

Au total, 500 questionnaires ont été retournés. La collecte s’est étalée sur deux mois et a mobilisé les militants de tous les services pour que chaque crèche ou école de la ville participe à l’opération. « Nous nous sommes rendu compte que ce questionnaire avait permis aux agents de réfléchir à leur vécu, de mettre des mots sur des situations qu’ils rencontraient au quotidien sans forcément les analyser », souligne Antoine. Après un mois d’août studieux à saisir sur ordinateur les données recueillies et un mois de septembre consacré à l’analyse des résultats, l’étude a finalement pu être présentée au comité technique de rentrée. L’aboutissement d’un an de travail « Nous avons à la fois souligné les points saillants de l’enquête et publié l’ensemble des données brutes pour ne pas être accusés de manipuler les chiffres », explique Antoine.

Un outil pour écouter les agents et les faire participer

Premier enseignement du baromètre : l’intuition de la section CFDT quant à la dégradation du climat social a été confirmée. Les agents ont fait état d’attentes déçues et d’une hiérarchie peu à l’écoute. En revanche, ils ont réaffirmé leur attachement à leur travail et ont plébiscité l’esprit d’équipe qui règne dans leur service. « Loin d’être catastrophiste, l’enquête a montré que les agents se sentaient plutôt bien dans la commune et qu’ils s’estimaient utiles aux administrés, souligne Antoine. En revanche, ils ont mis en lumière les carences du management qui ont pour conséquence de tendre le climat social. L’idée à présent est de travailler sur ce sujet avec la direction. Des groupes de travail devraient se mettre en place pour chacune des problématiques dégagées par le baromètre. »

La restitution des résultats auprès des agents a, elle, donné lieu à un document de quatre pages proposant un focus sur les dix réponses les plus parlantes du baromètre. Des quatre-pages spécifiques en direction des écoles et des crèches sont également prévus. « La difficulté est de parvenir à intéresser l’ensemble des agents alors qu’ils ont une réalité professionnelle extrêmement différente, explique Antoine. D’où la nécessité d’adapter le contenu des tracts à chaque service. »

À quelques kilomètres de là, la section de Meudon s’est, elle aussi, lancée dans l’aventure baromètre. « Antoine nous a présenté son travail lors d’une assemblée générale du syndicat, explique Guillaume Bac, secrétaire de la section CFDT. L’idée d’aller sur le terrain des ressources humaines, de montrer que nous nous préoccupons de la qualité de vie au travail des agents nous a particulièrement séduits. »

Menée en mars dernier, l’enquête a, là aussi, permis de confirmer certaines intuitions des militants, notamment sur la montée du stress et le décalage entre les attentes des administrés et les missions des agents. En revanche, la section a été surprise par le caractère majoritairement positif des réponses : 91 % des répondants aiment leur métier et 68 % se disent satisfaits des conditions matérielles dans lesquelles ils exercent leur travail. « Cette enquête nous a permis d’aller au contact des agents d’une autre manière, insiste Guillaume. C’est un excellent outil pour les écouter et les faire participer. Cela a crédibilisé le travail de la section et nous a donné une image de sérieux auprès des agents, qui ont été sensibles à la démarche. Et c’est également une occasion de rédiger des tracts avec un contenu différent. » Seul bémol, le taux de retour, de 21 %, a été un peu décevant. « Nous comptons beaucoup sur la deuxième édition du baromètre, que nous allons lancer en 2018, souligne Guillaume. La comparaison des résultats à un an et demi d’écart devrait nous permettre de tirer des conclusions plus pertinentes et de préparer les élections professionnelles de décembre 2018. »

D’autres villes emboîtent le pas aux “pionniers”

Après Courbevoie et Meudon, les sections CFDT de Villeneuve-la-Garenne et Suresnes se sont aussi décidées à franchir le pas – tout comme la section de Chaville, qui a fini de collecter les questionnaires et passe en ce moment à la partie analyse des résultats. Neuilly-sur-Seine, Colombes et Bois-Colombes sont également dans le projet. « L’ensemble des documents sont envoyés aux sections qui le souhaitent, explique Antoine. Nous pouvons également les accompagner pour qu’elles s’emparent de l’outil et l’adaptent à leurs attentes. Cette mutualisation est non seulement naturelle, mais les retours d’expériences des sections permettent, en plus, d’améliorer le baromètre, de modifier les questions trop imprécises ou donnant lieu à des interprétations équivoques. » Comme le vin de garde, ce baromètre CFDT se bonifie avec le temps.

jcitron@cfdt.fr

     

Repères

• Située au pied du quartier d’affaires de la Défense dans les Hauts-de-Seine, Courbevoie compte près de 85 000 habitants, 1 800 agents de la ville et 450 agents d’établissements publics.

• Créée en 2007, la section CFDT comprend 190 adhérents et est aujourd’hui largement majoritaire à Courbevoie, avec 75 % des voix et cinq élus sur sept en comité technique, devant la CGT. À Meudon (45 000 habitants), la CFDT est également majoritaire, avec 56 % des voix, devant l’Unsa.