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[Vidéo] Orange Bank : Les télécoms débarquent dans la banque

Publié le 23/05/2017

Le groupe Orange s’apprête à lancer Orange Bank, une nouvelle banque en ligne qui va concurrencer les poids lourds du secteur. À l’interne, les équipes CFDT veillent à ce que cette stratégie de diversification soit socialement exemplaire.

           

Dans quelques semaines, le grand public va découvrir Orange Bank, la nouvelle banque 100 % en ligne du numéro 1 français des télécoms. Pour se lancer dans cette nouvelle activité, Orange a racheté en octobre 2016 Groupama Banque, la filiale de l’assureur mutualiste, qui peinait à se faire une place sur ce marché ultraconcurrentiel. Côté Orange comme côté Groupama, les salariés ont bien accueilli cette opération. Les premiers approuvent cette nouvelle diversification de l’opérateur téléphonique qui, espèrent-ils, sera une nouvelle source de croissance du groupe ; les seconds espèrent que l’arrivée d’Orange va permettre de faire décoller l’activité. « Nous assistons au rapprochement de deux univers professionnels qui ont comme point commun d’être au cœur de la révolution numérique, explique Laurent Riche, délégué syndical central CFDT du groupe Orange. Pour nous, cette diversification a du sens. Elle prolonge des services que nous proposons déjà dans différents pays, notamment en Afrique, où le téléphone est utilisé comme un moyen de paiement au même titre qu’une carte bleue. »

Exemplarité sociale

Si consensuel soit-il en interne, ce nouveau projet mobilise les équipes CFDT, qui comptent s’assurer de son exemplarité en matière sociale. Dès l’annonce du rachat de Groupama Banque, la CFDT d’Orange a tenu à rencontrer la CFDT de cette nouvelle filiale afin de pouvoir aborder toutes les questions que pose une telle opération. Elle a ainsi pu peser auprès de la direction dès les premiers jours de ce rapprochement. « Au sein du groupe Orange, qui compte près de 97 000 salariés en France, nous sommes très petits, à peine 500 salariés, résume la représentante syndicale CFDT d’Orange Bank, Gladys Flory-Célini. Nous avions besoin de rencontrer les élus CFDT du groupe pour leur expliquer qui nous étions, quels étaient nos métiers et examiner les synergies possibles entre nous. Cela s’est fait très naturellement, et nous avons très vite su qu’il n’y aurait pas deux CFDT avec d’un côté la parole CFDT télécoms et de l’autre celle de la CFDT banque, mais bien une seule organisation syndicale parlant au nom des salariés, en respectant les spécificités professionnelles de chacun. »

     

Révolution numérique
L’arrivée du groupe de téléphonie Orange dans le monde bancaire illustre la profonde transformation du secteur induite par la révolution numérique. Après l’essor des banques en ligne, qui concurrencent les agences traditionnelles, le téléphone va-t-il remettre en cause le règne de la carte bleue ? Les grandes manœuvres n’en sont qu’à leur début.

Nécessaire anticipation
La CFDT d’Orange approuve la stratégie de diversification du groupe vers la banque. Pour en comprendre tous les enjeux, elle est très tôt entrée en relation avec la Fédération Banques & Assurances de la CFDT. Et lorsqu’elle a appris le rachat de Groupama Banque, elle s’est tournée vers les équipes CFDT en place. « C’est toute la richesse d’appartenir à une confédération présente dans tous les secteurs de l’économie », souligne le délégué syndical central Laurent Riche.

Vigilance accrue
Consciente que la révolution numérique transforme en profondeur les métiers et l’organisation du travail, la CFDT d’Orange est extrêmement vigilante au fait que des salariés ne soient pas laissés sur le bord de la route. « Il ne rime à rien de s’opposer à toutes les évolutions, mais nous exigeons de la direction une véritable stratégie pour accompagner l’ensemble des salariés dans ces changements », insiste Laurent Riche.

     

Ce travail en commun est d’autant plus crucial que la présence CFDT au sein d’Orange Bank est réduite (moins de 10 %) alors que la CFDT d’Orange, première organisation syndicale avec 24,12 % des voix aux dernières élections professionnelles, est à la fois incontournable et très écoutée au plus haut niveau de l’entreprise. « Orange Bank est une filiale d’Orange. Les 500 salariés continueront à dépendre de la convention collective de la banque et leurs élus resteront autonomes, explique Laurent Riche. Il n’est pas question, à court terme, qu’ils deviennent des salariés du groupe à part entière. En revanche, il est très important que nous travaillions ensemble, que nous découvrions nos réalités professionnelles, car les passerelles entre nous sont amenées à se multiplier et tous nos métiers vont se transformer à plus ou moins brève échéance avec la révolution numérique en cours. »

Transformation radicale

Pour les 500 salariés de Groupama Banque, cette transformation radicale est déjà à l’œuvre. Orange affiche en effet de grandes ambitions dans la banque en ligne, et le groupe a tout de suite annoncé son intention de lancer un nouveau service bancaire, 100 % en ligne et grand public, très éloigné de l’offre classique proposée jusqu’à présent par Groupama. Toute l’organisation du travail au sein de la filiale est donc en train d’être revue. Avec toutes les problématiques que cela pose en matière de formation et de charge de travail.

Management “à plat”

En seulement quelques mois, les changements sont déjà spectaculaires. Une grande partie de l’ancienne direction de Groupama Banque a été remplacée par des personnes venues d’Orange, et tous les salariés ont suivi des formations plus ou moins longues consacrées au nouveau mode de management « à plat » souhaité par l’opérateur téléphonique. L’objectif affiché de la direction est de favoriser l’autonomie des salariés, de transformer une organisation du travail jugée trop hiérarchique, le tout en basculant dans le 100 % numérique. La relation client va également changer en profondeur. Les conseillers n’interviendront qu’en deuxième niveau, dans les cas où le tout nouveau logiciel de la banque n’aura pas été capable d’apporter une réponse satisfaisante au client. « Nous opérons un virage à 180 degrés. Pour certains salariés, c’est un véritable choc culturel, même si nous avons globalement une population relativement jeune – 35 ans de moyenne d’âge – et prête à relever ce défi, explique Gladys. Notre rôle, en tant que syndicalistes, est donc de veiller à ce que personne ne soit en souffrance dans son travail malgré toutes les transformations en cours. La direction veut parfois aller trop vite et ne laisse pas le temps nécessaire à chaque salarié de s’adapter. La question de la charge de travail se pose aussi, même si une importante vague de recrutements a été annoncée. »

Coté Orange groupe, les salariés impactés aujourd’hui par ce rapprochement sont essentiellement les 7 500 vendeurs en boutique, dont une partie sera amenée à proposer à leurs clients d’ouvrir un compte Orange Bank. Près de 800 d’entre eux ont déjà suivi une formation qui leur donne le droit de faire de l’intermédiation bancaire (une obligation légale pour toute personne travaillant dans le domaine bancaire). « Sur cette première vague de formation, la direction a fait appel au volontariat et il y a eu plus de demandes que de places disponibles, constate Élisa Mistral, déléguée syndicale centrale adjointe CFDT. Cela montre qu’il y a un engouement des salariés pour ce projet qui y voient une opportunité de carrière. De notre côté, nous avons veillé à ce que cette nouvelle mission en boutique puisse se faire dans de bonnes conditions. La question de l’agencement des boutiques a notamment été abordée en CHSCT. On ne propose pas à un client l’ouverture d’un compte en banque comme on vend un téléphone. »

Acteur engagé

À l’avenir, d’autres passerelles devraient voir le jour. La question de la mobilité des salariés entre le groupe et la filiale (et vice versa) n’en est certainement qu’à ses débuts. Déjà, 75 salariés d’Orange sont arrivés chez Orange Bank en quelques mois. Tous les départements sont concernés : les systèmes d’information comme la communication, les relations clients ou le marketing. « Orange est le premier opérateur téléphonique à se lancer dans la banque, résume Laurent Riche. On ne peut donc pas encore mesurer toutes les conséquences d’un tel rapprochement. C’est pourquoi il est important de pas être un observateur passif d’un tel projet mais bien un acteur engagé et constructif qui fasse entendre la voix de l’ensemble des salariés, quel que soit leur métier d’origine. »

jcitron@cfdt.fr

     

Repères

• Le groupe Orange emploie 150 000 salariés dans le monde dont 97 000 en France. L’État est actionnaire de l’opérateur téléphonique historique avec 23 % des parts.

• Créée en 2003, Groupama Banque est devenue Orange Bank au 1er janvier. Le service doit être lancé en juillet 2017. Les effectifs évoluent très vite : l’objectif affiché est de passer de 500 à 1 000 salariés.

• La CFDT est la première organisation syndicale du groupe Orange avec 24,12 %, devant la CGT (19,59 %), Sud (17,51 %), la CFE-CGC (16,18 %) et FO (15 %).