DS dans les établissements de moins de 50 salariés : assouplissement des conditions de désignation

Publié le 30/03/2022

La désignation d’un délégué syndical n’est en principe possible que dans les entreprises de 50 salariés et plus. Ce qui est de nature à exclure nombre de salariés exerçant dans des petites structures. C’est pourquoi une dérogation a de longue date été reconnue s’agissant des entreprises de 11 à 50 salariés. Le Code du travail permet en effet qu’un élu du personnel puisse y être désigné délégué syndical. Reste à savoir si un élu du personnel suppléant peut l’être, au même titre qu’un élu du personnel titulaire.

Deux arrêts récemment rendus par la Cour de cassation nous permettent de répondre précisément à cette question. Cass.soc. 23.03.22, n° 20-21.269 et n° 20-16.333

Des délégués du personnel aux membres élus du CSE

Historiquement, c’est la deuxième des quatre grandes lois Auroux(1) qui a permis aux syndicats représentatifs de « désigner un délégué du personnel, pour la durée de son mandat, comme délégué syndical ». Etant alors précisé que cette désignation « dérogatoire » d’un élu du personnel comme délégué syndical n’ouvrait « pas droit à un crédit d’heures » et qu’en conséquence, chacun de ces deux mandats devait être menés en usant du seul temps alloué pour le mandat de délégué du personnel (DP)(2).

Dans les établissements de moins de 50 salariés, le mandat de délégué syndical ne pouvait donc vivre qu’en se nourrissant du crédit d’heures initialement destiné au fonctionnement d’un autre mandat : celui de délégué du personnel.

Ce constat avait conduit la Cour de cassation à considérer qu’il était en principe impossible pour un syndicat représentatif de désigner comme délégué syndical un délégué du personnel suppléant… puisque celui-ci n’était doté d’aucun crédit d’heures particulier dans lequel il aurait été possible de piocher. Une telle désignation ne pouvait donc advenir que si un accord collectif venait octroyer un crédit d’heures à l’élu suppléant(3).

Puis le temps a coulé… Et en 2017, les délégués du personnel ont fini par tirer leur révérence pour laisser place aux CSE. Mais la problématique des déserts syndicaux dans les établissements de moins de 50 salariés a perduré. Et la disposition ancienne du Code du travail relative aux DP a de ce fait été « traduite en langage CSE » afin de permettre aux syndicats représentatifs d’y désigner « pour la durée de son mandat, un membre de la délégation du personnel au CSE » comme délégué syndical.

Et de reprendre les fondamentaux des textes anciens issus des loi Auroux, en précisant que « sauf disposition conventionnelle, ce mandat n’ouvre pas droit à un crédit d’heures » et que « le temps dont dispose le membre de la délégation du personnel au CSE pour l’exercice de son mandat peut être utilisé (…) pour l’exercice de ses fonctions de délégué syndical »(4).

De 1982 à aujourd’hui, une constante est donc à relever. Les textes n’ont jamais expressément interdit la désignation d’un élu suppléant comme délégué syndical. Mais la Cour de cassation a toujours considéré que seul l’élu titulaire pouvait être effectivement désigné car lui seul disposait d’un « crédit d’heures ». Et que l’élu suppléant ne pouvait l’être que dans un cas, et un seul : celui où un accord collectif venait lui attribuer en propre un crédit d’heures.

 

Deux affaires, deux désignations de délégué syndical annulées

Dans la première affaire, c’est un élu suppléant désigné délégué syndical CFDT qui avait vu sa désignation annulée par le tribunal judiciaire. Le syndicat avait alors formé pourvoi contre le jugement en précisant justement qu’en l’absence de précision expresse du texte, l’élu désigné délégué syndical pouvait être indifféremment titulaire ou suppléant.

Dans la seconde affaire, c’est un élu suppléant désigné délégué syndical CFE-CGC qui avait vu sa désignation annulée par le tribunal judiciaire. Le syndicat avait alors formé pourvoi contre le jugement en précisant que le problème d’absence de crédit d’heures alloué à l’élu suppléant ne se posait plus, puisque la loi rendait désormais possible leur mutualisation, notamment entre titulaires et suppléants.

 

Extension du domaine de la dérogation

Dans ces deux affaires, les pourvois de chacun de ces syndicats ont été rejetés. Et les annulations des désignations de délégué syndical ont toutes deux été confirmées. Et pourtant… tout n’est pas négatif dans ces arrêts, loin s’en faut !

Car à bien les lire, nous pouvons constater que la désignation d’un élu suppléant n’est plus seulement possible au cas où un accord viendrait octroyer aux élus suppléants un crédit d’heures propre(5), mais également en cas de mutualisation effective des heures de délégation. Et si l’annulation de la désignation du délégué syndical CFE-CCG a en l’espèce été confirmée, c’est tout simplement parce que « l’accord de partage des heures de délégation du membre titulaire du CSE avec le suppléant » avait été considéré comme trop imprécis.

 

Mutualisation des heures et possible désignation d’un élu CSE suppléant comme délégué syndical dans un établissement de moins de 50 salariés : mode d’emploi

Le Code du travail précise que « les membres titulaires de la délégation du personnel du CSE concernés » par la mutualisation des heures « informent l'employeur du nombre d'heures réparties au titre de chaque mois au plus tard huit jours avant la date prévue pour leur utilisation.

L'information de l'employeur se fait par un document écrit précisant leur identité ainsi que le nombre d'heures mutualisées pour chacun d'eux »(6).                                                                                       

Dans l’une des affaires ici évoquées, la désignation comme délégué syndical de l’élu suppléant CSE par la CFE-CGC n’a pas été reconnue valable car « l’accord de partage des heures délégation du membre titulaire du CSE avec le suppléant ne comportait aucune indication sur le nombre d’heures de délégation réparties mensuellement et était établi pour toute la durée du mandat ».                         

En cas de mutualisation, il y a donc lieu de se conformer strictement aux exigences réglementaires. Il faut donc veiller à informer par écrit l’employeur du nombre d’heures réparties. Et ce, au mois le mois et 8 jours au moins avant leur utilisation. Ce faisant, la désignation d’un élu suppléant comme délégué syndical pourra être opérée de manière complétement sécurisée.

 

 

 

 

 


 

 

(1) Loi n° 82-915 du 28.10.82 relative au développement des institutions représentatives du personnel.

(2) Art. L.412-11 in fine ancien C.trav.

(3) Cass.soc., 24.09.08, n° 06-42.269.

(4) Art. L.2143-6 C.trav.

(5) Via le protocole d’accord préélectoral (art. L. 2314-7 C.trav) ou un accord collectif portant sur le fonctionnement du CSE (art. L.2315-2 C. trav.).

(6) Art. R.2315-6 al.2 C.trav.