Relancer le dialogue social européen

Publié le 01/10/2015

Le renforcement des syndicats, de la démocratie sociale et la place et le rôle de la négociation collective ont été les thèmes débattus ce jeudi 1er octobre, 3e jour du congrès de la CES.

« La relance du dialogue social semble être le mantra de la nouvelle Commission européenne, a lancé Patrick Itschert, le secrétaire général adjoint de la CES, en ouvrant la séance. Il est vrai que la Commission Juncker nous a impliqués dans la gouvernance économique, nous sommes désormais associés au Semestre européen (processus annuel de coordination des politiques économiques des États membres). Les employeurs eux-mêmes comprennent que les pays qui ont un dialogue social fort sont ceux qui s’en sortent le mieux, que les réformes qui ont été négociées sont plus facilement mises en œuvre. »

Une trop grande disparité dans les droits acquis

En contrepoint à ces évolutions positives, Patrick Itschert a tenu à souligner la grande disparité dans l’accès aux droits acquis grâce au dialogue social européen. Certes les partenaires sociaux européens ont signé par le passé une série d’accords-cadres (stress, télétravail, harcèlement et violence) qui ont changé la vie des travailleurs dans les États qui les ont transcrits et appliqués, mais qui sont restés lettre morte pour une bonne partie des salariés en Europe. « L’accord sur le stress au travail n’a pas été repris dans un tiers des pays de l’Union, l’accord sur le harcèlement et la violence au travail n’est entré vigueur que dans un pays sur deux », a rappelé Patrick Itschert. Aussi la CES a-t-elle inscrit dans son plan d’action une série de revendications pour revitaliser le dialogue social. « Renforcement de la négociation collective à tous les niveaux, interprofessionnel et sectoriel, national et européen, dans le cadre d’accords contraignants, négociation salariale entre partenaires sociaux, salaire minimum légal là où les syndicats le réclament, une meilleure représentation des travailleurs dans les conseils d’administration », a énuméré le secrétaire général adjoint.

Le dialogue social doit porter sur la santé, la qualité de vie au travail, la sécurité, mais également sur les questions salariales, ont insisté plusieurs congressistes. « Nous devons aborder les questions quantitatives, de temps de travail et de niveau de salaire, et nous devons pour cela nous attacher les services d’experts dans ce domaine, a pointé Ulrich Eckelmann, secrétaire général de la fédération internationale IndustriAll (mines, métaux, chimie, énergie, textile).

Nous sommes dans une de logique de concurrence au lieu d’être dans la solidarité. (Marc goblet fgtb)

« Au lieu de créer de la solidarité, l’Union européenne crée de la concurrence entre les États, a dénoncé Marc Goblet, secrétaire général du syndicat belge FGTB, appelant à une prise de conscience collective. Nous sommes plus que jamais dans une logique de concurrence intracommunautaire, de division des travailleurs, faute d’avoir su réaliser une harmonisation économique et sociale. Si nous ne nous approprions pas cela au niveau syndical, ce sera très compliqué pour la suite. »

Partout, un patronat peu conciliant

Mais pour négocier, il faut être deux. Les interventions ont été nombreuses à souligner la difficulté croissante à amener le patronat à la concertation, au niveau interprofessionnel, sectoriel, voire au niveau même de l’entreprise. « Dans de nombreuses branches, nous n’avons même pas d’interlocuteur ! », a souligné Ulrich Eckelmann.  

Selon les pays, le dialogue social – ou les relations industrielles pour reprendre la terminologie anglo-saxonne – s’est construit différemment. Question de traditions, de culture propre à chaque pays, mais ces différences culturelles ne doivent pas servir de justification à l’immobilisme. « On n’attend pas de Viktor Orbán ou de David Cameron qu’ils soient à la pointe de la relance du dialogue social, mais aujourd’hui c’est en Finlande, en Norvège et même en Belgique que l’on assiste à des reculs sur ce plan », s’est étonné Patrick Itschert.

À la suite des récentes manifestations en Finlande contre les mesures d’austérité, la syndicaliste Ann Selin (Sak) a vu affluer des messages de toutes parts, et notamment de pays en développement. « Du Paraguay, du Népal et d’ailleurs nous sont parvenus des messages d’encouragement, alors que nous, la Finlande, pensions être la pierre angulaire des droits syndicaux ! » Et de constater, avec bonne humeur : «Nous avons reçu dans la même période des milliers de demandes d’adhésion !»

mneltchaninoff@cfdt.fr