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Demande d'ouverture de négociations : la liberté d'expression n'est pas absolue

Publié le 11/03/2015

La liberté d’expression s’exerce dans la limite de l’abus de droit. Si elle est plus largement entendue pour les salariés s'exprimant dans l'exercice de leur mandat, elle n’est pas sans limite. C’est ce qu’a jugé la Cour de cassation dans un arrêt du 11 février dernier. Cass.soc.11.02.15, n°13-22978.

  • Faits

Dans cette affaire, un salarié, représentant du personnel au CHSCT, a été sanctionné par un avertissement, après avoir adressé un courrier collectif aux directeurs d’une MJC. Ces derniers ayant jugé cette lettre irrespectueuse et menaçante. Le salarié a saisi le conseil des prud’hommes en référé afin d’obtenir l’annulation de la sanction au motif que cette dernière a porté atteinte à l’exercice de sa liberté d’expression et ce d’autant que les « limites de la critique et de la revendication admises pour un salarié s’exprimant dans le cadre de son activité syndicale sont plus large qu’en dehors de ce cadre ».

  • Rappel sur la liberté d’expression et ses limites

La liberté d’expression est un droit individuel qui comprend la liberté de conscience et d’expression. Il se distingue du « droit d’expression » prévu par l’article L.2281-1 du Code du travail, qui prévoit que « les salariés bénéficient d’un droit d’expression directe et collective sur le contenu, les conditions d’exercice et l’organisation de leur travail ».

La jurisprudence considère que « le salarié jouit, dans et en dehors de l’entreprise, d’une liberté d’expression à laquelle il ne peut être apporté que des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché ». À ce titre, la liberté d’expression ne peut constituer une faute qu’à la condition que son usage ait été abusif.

Qu’est ce que l’abus de droit en matière de liberté d’expression ? L’abus de droit est défini par la jurisprudence comme la tenue de propos injurieux, diffamatoires, ou excessifs (1)

  • La décision de la Cour de cassation

La Cour de cassation, confirmant la décision de la cour d’appel, a jugé que « la lettre collective », adressée à trois directeurs de l’association, « les accusait d’user de procédés tels que la diffamation ou la diversion pour ne pas prendre en compte les préoccupations des salariés, leur adressait un ultimatum d’obéir à un ordre d’engager immédiatement des négociations et de répondre à leur convocation en adoptant un ton menaçant ». Ce qui constituait un abus à la liberté d’expression.

De ce fait, la Haute Cour a décidé que « le salarié, dont la cour d’appel a fait ressortir qu’il ne s’exprimait pas dans le cadre d’une action syndicale, avait abusé de sa liberté d’expression, que s’il était représentant syndical au CHSCT, le salarié n’invoquait, s’agissant de la délivrance d’un avertissement, aucun élément de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination ».

Attention donc au ton et aux termes employés dans des tracts ou des communications syndicales par les représentants du personnel, dans la mesure où leur liberté d’expression, même si elle est acceptée de manière large, n’est pas absolue.

 


(1) Cass.soc., 16-12-2009, n° 08-44 830.