Promesse d’embauche : quelles indemnités dues en cas de rupture ?

Publié le 02/12/2015

La rupture d’une promesse d’embauche, sans motif, s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse. A ce titre, le salarié est en droit de réclamer des indemnités y compris l’indemnité compensatrice de préavis alors même que le contrat n’a pas commencé. C’est ce que rappelle la Cour de cassation dans un arrêt récent. Cass.soc.04.11.15, n°14-14.546.

  • Qu’est-ce qu’une promesse d’embauche ?      

La promesse d’embauche est définie par la jurisprudence comme une offre d’emploi ferme et précise, adressée à une personne désignée, donnant des indications sur les éléments essentiels du contrat  (par ex : rémunération, nature de l’emploi proposé) (1). Cette liste n’est pas exhaustive et le cumul de plusieurs éléments n’est pas nécessaire. Les juges recherchent la volonté réelle des parties et peuvent se contenter d’un élément pour reconnaitre une promesse d’embauche (par ex : constitue une promesse d’embauche, une lettre précisant, au futur salarié, l’emploi proposé et la date d’entrée en fonction mais pas la rémunération (2)). A défaut de promesse d’embauche, il ne s’agira que de simples pourparlers qui n’ouvrent aucun droit, sauf abus (3). 

A noter que la promesse d'embauche peut prendre la forme d'écrit mais aussi être formulée à l'oral. Il appartient au salarié de prouver son existence.

  • La rupture de la promesse d’embauche

La promesse d’embauche est créatrice de droits. Elle équivaut  à un contrat de travail même si le salarié n’a pas commencé à travailler. Ni le salarié, ni l’employeur ne peuvent donc se rétracter sauf à justifier d’un motif légitime.

N’a pas été reconnue comme un motif légitime pour l’employeur : la connaissance tardive de la condamnation du salarié pour des faits de violence (4) ou encore des difficultés financières connues au moment de la contractualisation de la promesse d’embauche (5).

Ainsi, l’employeur qui souhaite rompre la promesse d’embauche doit engager une procédure de licenciement. A défaut, cette rupture est considérée comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse (6). Elle peut même être considérée comme un licenciement nul si elle est fondée sur un motif discriminatoire tel que l’état de santé du salarié (7).

Attention, il n’en sera pas de même si la promesse d’embauche prévoit une clause de rétractation ou si elle est soumise à conditions (par ex : sous réserve de l’obtention d’un diplôme, de l’ouverture d’un magasin).

  • Indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Le salarié  peut réclamer des indemnités afférentes au licenciement sans cause réelle et sérieuse (indemnité de licenciement, congés payés, préavis), s’il répond aux conditions. Par exemple, pour bénéficier de l’indemnité de licenciement, il faudra que la promesse d’embauche prévoie de reprendre l’ancienneté du salarié ou alors qu’existent des dispositions conventionnelles plus favorables. 

Le salarié peut également obtenir des dommages et intérêts pour le préjudice subi. 

Si la rupture de la promesse d’embauche est à l’initiative du salarié, il pourra être tenu vis-à-vis de l’employeur au versement de dommages et intérêts en fonction du préjudice subi par l’entreprise.

  • Concernant l’indemnité compensatrice de préavis 

La Cour de cassation vient récemment de rappeler sa jurisprudence en la matière (8) en cassant un arrêt de la cour d’appel qui considérait que malgré la rupture de la promesse d’embauche, le salarié n’avait pas le droit au versement de l’indemnité compensatrice de préavis au motif qu’il n’avait pas commencé à travailler.

Le Code du travail (9) prévoit que le salarié qui est licencié, hors faute grave peut prétendre, notamment, s’il a moins de de 6 mois d’ancienneté à un préavis dont la durée est déterminée par la loi, la convention ou l’accord collectif de travail ou, à défaut, par les usages pratiqués dans la localité et la profession.

Dans cette affaire, une société a confirmé à un cadre son embauche. Puis, a rompu sa promesse d’embauche. Le salarié a donc décidé de saisir la juridiction compétente, c’est-à-dire le Conseil de prud’hommes afin d’obtenir le versement  des indemnités légales et conventionnelles auxquelles il a droit.

La cour d’appel, reconnaissant le licenciement sans cause réelle et sérieuse, octroie au salarié 5 000 euros de dommages et intérêts pour le préjudice moral et matériel mais elle refuse de lui verser l’indemnité compensatrice de préavis, pourtant prévue dans sa convention collective (un préavis de 3 mois pour une ancienneté inférieure à 6 mois) au motif qu’il n‘a jamais commencé à travailler. Les juges du fond considèrent que « l’indemnité suppose que le salarié ait été, au moment de la rupture du contrat de travail, en mesure d’exécuter sa prestation ». La question posée à la Cour de cassation était donc la suivante :

L’indemnité compensatrice de préavis, est-elle due alors même que le salarié n’a pas commencé à travailler ? 

Oui, répond la Cour de cassation rappelant à juste titre, aux visas des articles L. 1221-1 et L. 1234-5 du Code du travail, que dès lors que les juges ont constaté qu'un contrat de travail a été formé entre les parties, la circonsatnce que le contrat ait été rompu avant tout commencement d'exécution n'exclut pas que le salarié puisse prétendre au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis. Dans ces circonstances, le salarié est en droit de demander l'intégralité des indemnités légales et conventionnelles de rupture, dont l'indemnité compensatrice de préavis.

L’existence d’une période d’essai n’exonère pas l’employeur de sa responsabilité. Cette période peut certes être rompue sans justificatif, mais encore faut-il que cette rupture ne soit pas abusive. Cette période doit permettre à l’employeur d’apprécier les qualités professionnelles du salarié. Aussi, si le salarié n’a jamais commencé à travailler, l’employeur ne peut pas apprécier ses qualités professionnelles. Il en est de même lorsque l’employeur met rapidement fin à la période d’essai, il peut être condamné pour rupture abusive (10).



(1) Cass.soc.15.12.10, n°08-42.951.
(2) Cass.soc.07.03.12, n°10-21.717.
(3) Cass.soc.17.05.79, n°78-40.497.
(4) Cass.soc.20.11.13, n°12-23.864.
(5) CA de Paris du 23.05.89, n°89-30783.
(6) Cass.soc.18.12.13, n°12-19.577.
(7) CA de Nancy du .6.07.12, n°11-01221.
(8) Cass.soc.06.02.08, n°06-41.661.
(9) Art. L. 1234-1 C. trav.
(10) Cass.soc.15.11.05, n°03-47546.