Rupture conventionnelle: quel effet sur le licenciement disciplinaire en cours?

Publié le 01/04/2015

La signature d'une rupture conventionnelle entre les parties, avant que, finalement, le salarié ne se rétracte, est sans incidence sur la procédure disciplinaire en cours. Celle-ci peut donc être reprise à la condition, toutefois, que les faits fautifs ne soient pas prescrits. Cass soc. 03.03.15, n° 13-15.551 et n° 13-23.348.

  • Fait et procédure

Signer une rupture conventionnelle, puis se rétracter, ne saurait mettre le salarié à l’abri d’une éventuelle sanction disciplinaire préalablement envisagée à son encontre.

Un salarié qui occupait des fonctions de promoteur des ventes a été convoqué à un entretien préalable au licenciement pour faute grave. Il lui était notamment reproché d’avoir tenu des propos déplacés à l’encontre d'un fournisseur.

L’entretien préalable au licenciement se transforma finalement en un entretien préalable à une rupture conventionnelle. Ce même jour, les deux parties décidèrent de recourir à ce mode de rupture pour acter de leur séparation. Or, on le sait pour la Cour de cassation : « sauf vice du consentement de nature à entrainer l’annulation de la rupture conventionnelle, l’existence, au moment de sa conclusion, d’un différend entre les parties n’affecte pas, par elle-même, la validité de la convention de rupture » (1).

Les choses auraient très bien pu en rester là … Tel ne fût pourtant pas le cas. Une dizaine de jours plus tard, le salarié décida d’user de son droit de rétractation (2). De rupture conventionnelle, il n’y avait donc plus … L’employeur décida donc de relancer la procédure disciplinaire et convoqua le salarié à un nouvel entretien préalable. Un licenciement pour faute grave fût ensuite prononcé.

Par la suite, le salarié contesta son licenciement. La rupture conventionnelle étant un mode de rupture autonome, il en déduisait que l’employeur qui avait, en toute connaissance de cause, décidé d’y recourir avait, par là même, renoncé à prononcer quelque sanction disciplinaire que ce soit.

Qui dit rupture conventionnelle dit aussi écoulement d’un délai d’un mois avant que les relations contractuelles ne cessent réellement. Ce qui pouvait être considéré comme incompatible avec une qualification de faute grave qui, au vu de la jurisprudence, est « celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise» (3).

  • La rétraction n'empêche pas la poursuite de la procédure disciplinaire...

Ces objections sont écartées par la Cour de cassation, qui considère que « la signature par les parties au contrat de travail d’une rupture conventionnelle, après l’engagement d’une procédure disciplinaire de licenciement, n’emporte pas renonciation par l’employeur à l’exercice de son pouvoir disciplinaire ». L'employeur est ainsi fondé à reprendre la procédure disciplinaire par la convocation à un nouvel entretien préalable.

Une telle décision est, somme toute, logique car une position inverse aurait permis à un salarié disciplinairement poursuivi de signer une rupture conventionnelle avec son employeur, afin via une rétractation future, de s’acheter une totale impunité. Les risques de détournement auraient, alors, été trop conséquents.

  • ... et n'interrompt pas la prescription

Si la rupture conventionnelle, suivie d’une rétractation de la part du salarié, n’anihile pas le pouvoir disciplinaire de l’employeur. Se posait aussi la question de savoir si le temps entre la signature de la convention de rupture et sa rétractation est de nature à interrompre « le délai de deux mois » qui court « à compter du jour où l’employeur a eu connaissance des faits fautifs » (article L. 1332-4 du CT).

La Cour de cassation considère que "la signature par les parties d'une rupture conventionnelle ne constitue pas un acte interruptif de la prescription" de la procédure disciplinaire

 



(1) Cass.soc.23.05.13, n° 12-13.865

(2) Art. L. 1237-1 alinéa 3 du CT : « A compter de la date de sa signature par les deux parties, chacune d’entre-elles dispose d’un délai de quinze jours calendaires pour exercer son droit de rétractation ».

(3) Cass.soc.27.09.07, n° 06-43.867