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Représentativité : un syndicat qui devient catégoriel conserve son ancienneté

Publié le 18/04/2018

Le syndicat intercatégoriel qui décide, conformément à ses statuts, de modifier son champ de compétence pour devenir catégoriel ne perd pas sa personnalité juridique. Il en résulte qu’il conserve son ancienneté acquise antérieurement à la modification de ses statuts, ancienneté requise pour pourvoir être représentatif. C’est ce qu’a décidé la Cour de cassation dans un arrêt récent publié au bulletin. Cass.soc.14.03.18, n° 17-21.434.

  • Faits, procédure et prétentions des parties

Dans cette affaire, le syndicat national de transport aérien (SNTA-CFDT), à l’origine, intercatégoriel, a décidé, lors d’un congrès extraordinaire, de modifier ses statuts pour devenir un syndicat catégoriel représentant uniquement le personnel navigant technique sous la nouvelle dénomination de syndicat des pilotes de ligne (SPL-CFDT). Le même jour, d’anciens adhérents du SNTA-CFDT ont créé le Syndicat national du transport aérien et des aéroports (SNTA-CFDT aéroports), à vocation intercatégorielle.

Par la suite, les élections de la délégation du personnel et du comité d’entreprise ont eu lieu. Le SPL-CFDT a obtenu 25 % des suffrages au sein du collège réservé au personnel navigant technique. C’est ainsi qu’il a désigné successivement un représentant syndical au comité d’entreprise et un délégué syndical.

Un autre syndicat catégoriel, le syndicat national des pilotes de ligne France Alpa (SNPL), a contesté ces deux désignations, considérant que le SPL-CFDT ne remplissait pas la condition d’ancienneté de 2 ans, et n’était donc pas représentatif. A noter que le SNPL n’avait pas contesté la représentativité du SPL-CFDT au moment de sa participation au premier tour des élections professionnelles.

Pour être représentatif, un syndicat doit satisfaire à 7 critères cumulatifs (listés à l’article L. 2121-1 du Code du travail) parmi lesquels figure une ancienneté minimale de 2 ans dans le champ professionnel et géographique couvrant le niveau de négociation (ici l’entreprise). La loi précise que cette ancienneté s'apprécie à compter de la date de dépôt légal des statuts.

  • Liberté du syndicat de modifier ses statuts tout en conservant son ancienneté

Les juges du fond ont débouté le SNPL de ses demandes, notamment au motif que « l’exercice par un syndicat de sa liberté d’élaborer et donc de modifier ses statuts en vue de poursuivre, d’améliorer ou de réorienter son programme d’action ne peut être assimilé au droit de décider de sa dissolution et ne peut dès lors conduire à la disparition du syndicat et à la perte de son ancienneté ». Les juges d’appel expliquent, à juste titre, que l’exercice d’une telle liberté est particulièrement nécessaire car elle offre aux syndicats une capacité d’adaptation face à la liberté des employeurs de modifier leurs propres statuts, et donc les caractéristiques des entreprises qu’ils exploitent principalement en termes de secteurs géographique et professionnel.

C’est ainsi que le SNPL a formé un pourvoi en cassation.

La chambre sociale approuve la décision des juges du fond, selon la Haute Cour « l’acquisition de la personnalité juridique par les syndicats ne pouvant pas être subordonnée à des conditions de nature à mettre en cause l’exercice de leur liberté d’élaborer leurs statuts, d’élire leurs représentants, de formuler leur programme d’action et de s’affilier à des fédérations ou confédérations, l’exercice de ces libertés par un syndicat ne peut pas entraîner la perte de sa personnalité juridique ». Il en résulte que le syndicat CFDT qui avait décidé de modifier ses statuts en vue de se concentrer sur une catégorie de personnel n’avait pas perdu sa personnalité juridique et pouvait donc conserver son ancienneté.

Pour rappel, la Cour de cassation avait déjà rendu plusieurs arrêts en faveur du maintien de l’ancienneté du syndicat en cas de changement d’affiliation confédérale,(1) de changement de dénomination,(2) ou encore de modification du champ d’intervention géographique et professionnel (3).

La présente décision vient donc compléter cette liste et réaffirme la liberté des syndicats, garantie par la Convention n° 87 de l’OIT (4) (ratifiée par la France), d’organiser leur action en faveur des salariés. 

 


(1) Cass.soc.03.03.10, n° 09-60283.

(2) Cass.soc.10.12.14, n° 14-15271.

(3) Cass.soc.14.11.12, n° 11-20391 et 12-14780.

(4) Article 3 de la Convention n° 84 de l’OIT sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical.