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Prud’hommes : la réforme des greffes à l’heure de la déclinaison réglementaire

Publié le 17/07/2019

Depuis quelques mois, les greffes prud’homaux sont au cœur des débats. Leur organisation et leur fonctionnement a été - certes partiellement - réformé en mars dernier par l’adoption de la loi de réforme pour la justice. Assez logiquement, l’élaboration de la réforme se poursuit aujourd’hui sur le plan réglementaire. C’est ainsi qu’un projet de décret a été présenté aux partenaires sociaux lors du dernier Conseil supérieur de la prud’homie (CSP) de la saison, qui s’est tenu le 9 juillet dernier.

Nous reviendrons également sur les autres points qui ont pu être débattus à cette même occasion. 

  • Décembre 2018. 


Un amendement envisage de faire de certains greffes prud’homaux un simple service des greffes des tribunaux judiciaires. Amendement qui, à ce moment là, n’est encore qu’un projet de loi de réforme pour la justice.

La réforme pour la justice adoptée en mars 2019 transforme les actuels tribunaux de grande instance (TGI) en tribunaux judiciaires et les actuels tribunaux d’instance (TI) en simples « chambres de proximité » de ces nouveaux tribunaux judiciaires.
Cette évolution deviendra effective début 2020.

La CFDT a alors vivement réagi et, après la réception d'une délégation par le directeur des affaires judiciaires le 3 janvier 2019, l’amendement a pu être sensiblement corrigé. Bien que dans son évolution, le principe n’ait pas été remis en cause, nous avons tout de même obtenu deux importantes inflexions de la part du Gouvernement :

  1. la garantie que la fusion des greffes se fasse « dans des conditions propres à garantir le bon fonctionnement des conseils de prud’hommes » ; 
  2. l'association des présidents de conseils de prud’hommes à l’organisation du « service de greffe du conseil de prud’hommes » via une procédure de consultation.

Finalement, le texte de loi ainsi amendé a été adopté par le Parlement le 23 mars 2019 (1).

  • L’heure est aujourd’hui à la déclinaison réglementaire...

Et c’est ainsi qu’un projet de décret tirant les conséquences de l’article 95 de cette loi nouvelle (2) a été présenté au CSP le 9 juillet dernier. En son sein, et afin de mettre en conformité les articles en R du Code du travail avec le nouveau cadre législatif, un article 4 est venu modifier 4 articles du Code du travail : les R. 1423-36, R. 1423-37, R. 1423-38 et R. 1423-44.  

Prenons-les un par un.

  • Article R. 1423-36 du Code du travail : il est modifié pour préciser que, dans les conseils de prud’hommes concernés par la fusion des greffes, « la direction du service de greffe du conseil de prud’hommes est assurée par le directeur de greffe du tribunal judiciaire ». Directeur de greffe du tribunal judiciaire qui, précise le texte, « exerce, sauf disposition contraire, les attributions » normalement « confiées au directeur de greffe du conseil de prud’hommes ».
  • Article R. 1423-37 du Code du travail : il est complété pour préciser que, dans les conseils de prud’hommes concernés par la fusion des greffes, le directeur de greffe du tribunal judiciaire dirige les services administratifs de la juridiction et assume la responsabilité de leur fonctionnement « sous le contrôle du président du tribunal judiciaire » et que, chose fondamentale, « dans l’exercice de ces attributions, le directeur de greffe consulte le président du conseil de prud’hommes ».
  • Article R. 1423-38 du Code du travail : via un renvoi à l’article R. 123-16 du Code de l’organisation judiciaire (COJ), il est complété afin de préciser que, dans les conseils de prud’hommes concernés par la fusion des greffes, l’affectation des agents au sein des divers services « est fixée par le directeur de greffe, sous le contrôle des chefs de juridiction ».
  • Article R. 1423-44 du Code du travail : via un renvoi à l’article R. 123-8 du COJ, il est complété afin de préciser les règles de suppléance du directeur de greffe qui sont applicables dans les conseils de prud’hommes concernés par la fusion des greffes.

La CFDT est intervenue afin de solliciter quelques explications techniques à propos de ces évolutions réglementaires et pour livrer son appréciation sur le contenu du projet de texte.

-Nous sommes notamment revenus, pour le déplorer, sur le fait que tant la loi que le (projet de) règlement ne retiennent que la consultation du seul président du conseil de prud’hommes, alors que nous avions maintes et maintes fois plaidé - notamment lors du dernier conseil supérieur - pour une consultation du président et du vice-président. Option qui aurait été mieux à même de respecter l’identité paritaire des conseils de prud’hommes.

-Nous avons également interpellé la Chancellerie afin de savoir ce que la mention « sauf dispositions contraires », qu’il est envisagé de faire figurer à l’article R. 1423-36 du Code du travail, est susceptible de recouvrir.

-Plus globalement, nous avons rappelé que le schéma nouvellement élaboré  - un président du tribunal judiciaire qui préside, un directeur du greffe du tribunal judiciaire qui dirige et un président de conseil de prud’hommes qui lui n’est que consulté - nous faisait craindre,à terme, une dissolution de l’identité prud’homale. En conséquence, nous avons demandé qu’un point sur l’application de ce nouveau système puisse être rapidement opéré afin que nous puissions constater si, en pratique, le rôle alloué aux présidents de conseil de prud’hommes s’avère être réellement suffisant.

-Dans le même sens, nous avons demandé que, l’heure venue, nous puissions être associés à l’élaboration de la future circulaire d’application. Pourquoi ? Parce que, de manière pragmatique, nous entendons pouvoir peser sur la mise en œuvre concrète de la réforme. Nous sommes en effet persuadés que des marges de manœuvre existent vraiment à ce niveau-là.

L’idée étant in fine de parvenir à dégager des bonnes pratiques, respectueuses des fondamentaux de la prud’homie, et de les promouvoir.

Mais nous ne pouvions pas conclure notre intervention sans dénoncer le fait qu’à l’heure où nous discutions de cette réforme des greffes, une situation intenable avait court dans nombre de juridictions : des situations de carence en greffiers et de postes non pourvus nous remontant de toute part …

La Chancellerie nous a répondu en précisant que la déclinaison réglementaire était nécessaire, ce que par ailleurs nous ne contestions pas.

Sur la question de l’affectation des personnels au sein du greffe (du tribunal judiciaire vers le conseil de prud’hommes et réciproquement), il nous a été rappelé que, dans les conseils de prud’hommes concernés par la fusion des greffes, c’est bien au directeur de greffe du tribunal judiciaire - après consultation du président du tribunal judiciaire - qu’il reviendra d’affecter les personnels et qu’il s’agira là d’une compétence propre ; les présidents des conseils de prud’hommes concernés étant quant à eux consultés sur la question.

-S’agissant de la mise en œuvre au quotidien de ce nouveau cadre organisationnel, la Chancellerie a également tenu à préciser que « les relations devront être fructueuses et constructives pour chacun » et qu’il n’y avait selon elle aucune raison « qu’un directeur de greffe du tribunal judiciaire se désintéresse de la justice du travail ».

-Sur la situation des greffes, l’administration nous a répondu que nous étions actuellement à un haut niveau de recrutement de greffiers … mais qu’à l’instant T, tous les besoins n’étaient effectivement pas couverts. Et que l’un des objectifs de la réforme était justement de permettre une meilleure mutualisation et une meilleure fluidité s’agissant de l’affectation des greffiers. 

Par la suite de ce débat essentiel, le CSP a également fait le point sur les désignations complémentaires des conseillers prud’hommes actuellement en cours et sur la mise en place, programmée pour 2022, du conseil de prud’hommes de Mayotte.

Un bilan intermédiaire de la formation initiale des conseillers prud’hommes a enfin été présenté avant que 2 groupes de travail, qui commenceront à plancher à la rentrée prochaine, ne soit dévoilés :

- l’un sur « la répartition des effectifs de conseillers prud’hommes » ;

- l’autre sur Portalis.

Au sein du premier, la CFDT y sera représentée par Annick Roy et par Laurent Loyer.

Au sein du second, l’ensemble des conseillers prud’hommes salariés ne disposent que d’un seul siège de titulaire. Et c’est Anne Dufour (CFDT) qui en est titulaire.

Nous reviendrons vers nos présidents et vice-présidents de conseil de prud’hommes dès la rentrée de septembre, afin que nous puissions échanger utilement sur ces questions sensibles...

 -Enfin, et comme il est coutume, le CSP s’est achevé sur les « questions diverses », dont le plus grand nombre émanait de la délégation CFDT.

  • Autres échanges

- Sur la réforme des contestations des avis d’aptitude / inaptitude rendus par la médecine du travail : nous avons demandé à être destinataires de statistiques permettant de photographier objectivement l’avant et l’après réforme. Nous disposons ici d’un certain nombre d’éléments - guère rassurants, il faut bien le dire - et nous souhaitions pouvoir les confronter avec ceux dont dispose aujourd’hui l’administration.

Sa réponse a été assez décevante puisque, face à nos remontées, aucun élément statistique n’a pu nous être opposé. Nous avons simplement été informés du fait qu’une formation des médecins inspecteurs du travail (MIT) avait récemment eu lieu et qu’une réflexion était en cours à propos de la construction d’un module de formation et de la revalorisation de carrière des MIT.

- Sur la situation des défenseurs syndicaux, nous avons posé ces deux questions à l'administration :

. quid de l’incapacité de certains d’entre eux à poursuivre la défense de leur dossier en appel et des pistes envisagées pour remédier à cette inéquitable situation ? Nous avons souligné que cette question était en stand-by depuis très (trop) longtemps.

. quid des questionnaires activité réalisés par les Direccte en régions Aura et Grand Est ? Quelles suites y seront données ? Sur ce dernier point, nous avons appelé à l’ouverture d’un débat sur la notion d’« activité » du défenseur syndical qui, à notre sens, doit par extension intégrer les aspects précontentieux et modes alternatifs de résolution des litiges.

Là encore, nous avons enregistré une bien décevante réponse de la part de l’administration : pas de débat sur la notion d’ « activité du défenseur » qui, nous dit-on, doit rester centrée sur l’« assistance et représentation devant les conseils de prud’hommes et les cours d’appel » stricto sensu et attendre - encore et toujours ! - un véhicule législatif s’agissant de la possibilité pour tous les défenseurs de poursuivre le suivi des dossiers en appel...

Notons pour conclure qu’il nous a également été annoncé que la commission permanente du CSP serait réunie dans le courant du mois de septembre afin de plancher sur le fonctionnement de notre instance.



(1) Loi n° 2019-222 du 23.03.19.(2) Art. 95 qui, en son 6° b, précise ceci : « nonobstant le premier alinéa, lorsqu'un conseil de prud'hommes a son siège dans la même commune que le siège d'un tribunal judiciaire ou de l'une de ses chambres de proximité, le greffe du tribunal judiciaire comprend, d'une part, les services de greffe de cette juridiction et, d'autre part, le service de greffe du conseil des prud'hommes, dans des conditions propres à garantir le bon fonctionnement du conseil de prud'hommes.

Le président du conseil de prud'hommes est consulté sur l'organisation du service de greffe du conseil de prud'hommes ».