Maternité : la protection contre le licenciement peut-elle être prolongée ?

Publié le 14/05/2014

Lorsqu'une salariée prend des congés payés à la suite de son congé de maternité, le point de départ de la période de protection « relative », qui suit le congé de maternité, est « reporté à la date de la reprise du travail par la salariée ». Cass.soc.30.04.14, n°13-12321.

Pour bien comprendre la solution adoptée par la Cour de cassation dans cette affaire, il n’est pas inutile de rappeler la portée et le champ de la protection spéciale des salariées contre le licenciement pendant la grossesse et au retour du congé de maternité.

  • La protection spéciale pendant la grossesse et au retour du congé de maternité

Les salariées savent toutes que l’arrivée d’un enfant n’est pas neutre dans le déroulement de leur carrière professionnelle, quand celle-ci n’est pas de fait interrompue au retour du congé maternité. Pour parer aux abus les plus criants, l’article L1225-4 du Code du travail prévoit une protection spéciale de la salariée  contre le licenciement, qui couvre toute sa grossesse, la durée du congé maternité et jusqu’à quatre semaines après son retour dudit congé maternité.

La protection de la salariée contre le licenciement varie cependant selon la période considérée.

Une première période d’interdiction est dite de protection « absolue ». Pendant cette première période, toute prise d’effet ou notification de la rupture, et même la mise en œuvre de mesures préparatoires à une telle décision (1), sont interdites. Et ce, quel que soit le motif du licenciement (2). Cette période de protection renforcée ne couvre en réalité que le congé de maternité proprement dit.

Une seconde période (la plus longue) est dite de « protection relative ». Celle-ci comprend la période de grossesse préalable au congé de maternité, ainsi que les quatre semaines suivant le retour de ce congé.

Pendant cette période, l’interdiction de licencier n’est pas absolue et deux motifs de licenciements sont admis :

-le licenciement pour une « faute grave de l’intéressée non liée à l’état de grossesse » ;

-le licenciement en raison de « l’impossibilité  de maintenir ce contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l’accouchement ».

  • L’articulation de cette protection spéciale avec la prise de congés payés

En pratique, il est fréquent que les salariées fassent suivre le congé de maternité par des congés payés.  

La suspension du contrat de travail pendant les congés payés a-t-elle pour effet de reporter la période de quatre semaines suivant le congé maternité, dite de « protection relative » contre le licenciement ?

Telle était la question posée à la Cour de cassation. 

La Haute juridiction répond, pour la première fois à notre connaissance, par l’affirmative.

La Cour de cassation a été saisie de la question dans une affaire où la salariée avait pris des congés payés à la suite de son congé de maternité et avait été licenciée (moins de quatre semaines après son retour de congés payés). En effet, de retour de congé maternité le 7 septembre, la salariée avait pris des vacances du 8 septembre au 20 octobre et avait été licenciée le 16 novembre.

L’employeur soutenait à l’appui de son pourvoi que la période de protection relative de quatre semaines était expirée puisqu’elle avait couru à compter du retour de la salariée de son congé maternité (le 7 septembre) et non, comme le soutenait celle-ci, à compter de sa reprise effective du travail (le 21 octobre).

La cour d’appel de Paris, qui avait donné raison à la salariée, a été approuvée par la Cour de cassation, au motif que « la période de protection de quatre semaines suivant le congé de maternité étant suspendue par la prise des congés payés, son point de départ était reporté à la date de la reprise du travail par la salariée ».

En l’espèce donc, le licenciement avait eu lieu pendant la période de « protection  relative » et la salariée ne pouvait être licenciée que pour l’un des deux motifs autorisés (cf. supra).

Une solution malgré tout bienvenue pour renforcer la protection des femmes dans l’emploi, en cohérence avec les règles de non discrimination.


(1) Comme le remplacement définitif de la salariée : cf. Cass.soc.15.09.10, n°08-43299. Déjà : CJCE, 11.10.07, Paquay.
(2) En conséquence de quoi, le licenciement prononcé en contradiction avec cette interdiction est nul (la salariée peut donc demander soit la réintégration, soit l’intégralité des salaires qu’elle aurait dû percevoir).