Homologation des PSE: quel contrôle du juge ?

Publié le 19/02/2014

Saisi de la validité de la décision d'homologation d’un plan de licenciements, sur le fondement du nouvel article L1235-7-1 du Code du travail (issu de l'ANI sur la sécurisation de l'emploi), le juge administratif peut décider de l’annuler, en raison de l’irrégularité de la procédure d’information-consultation des représentants du personnel. Ainsi en a décidé le tribunal administratif de Montreuil, principalement parce que la délégation du personnel s’était vu refuser le recours à un expert rémunéré par l’employeur. TA Montreuil, 17.12.13, n°1309825; 1310102;1311272.

Depuis l’adoption de la loi de sécurisation de l’emploi[1] réformant le droit des licenciements collectifs pour motif économique, une première série de décisions a été rendue par les tribunaux administratifs, désormais seuls compétents pour statuer sur la régularité de la procédure d’information-consultation du comité d’entreprise[2]. La décision du tribunal administratif de Montreuil  du 17 décembre dernier démontre que cette loi n’a pas, quoi qu’en disent ses détracteurs, banni le contrôle des juges sur la régularité de la procédure, loin s’en faut.

  • Les faits

Autorisé par le tribunal de commerce à ouvrir une procédure de licenciements pour motif économique visant 36 salariés, l’administrateur d’une société mise en liquidation a engagé la procédure d’information-consultation de la délégation unique du personne. A l’issue de celle-ci, la délégation du personnel a rendu un avis défavorable. Sur ce, l’administrateur judiciaire a néanmoins transmis le PSE au Direccte pour homologation. Celle-ci ayant été accordée sur la base du document établi unilatéralement par l’employeur, la délégation unique a donc saisi le tribunal administratif.

A titre principal, la délégation a avancé deux arguments pour contester l'homologation :

- en premier lieu, l’irrégularité de la procédure d’information-consultation car l’employeur avait refusé de rémunérer un expert comme le prévoit le Code du travail en cas de licenciement pour motif économique,

- en second lieu, une subdivision illégale (car portant atteinte à l’ordre des licenciements) des catégories professionnelles.

  • Les solutions

- Concernant le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi, le tribunal administratif, tout en rappelant la définition des catégories professionnelles[3],  a écarté le grief fait au Direccte d’avoir homologué un plan dans lequel les catégories professionnelles étaient subdivisées. En effet, selon les juges, la subdivision opérée par l’employeur au sein de ces catégories « n’a pas pour objet et pour effet de créer des catégories professionnelles artificielles pour l’application des critères d’ordre des licenciements à intervenir ».

Bien que cette affirmation empreinte de certitude puisse surprendre (pourquoi dès lors lesdites subdivisions ont-elles été crées ?), on ne peut qu’approuver le principe énoncé qui, a contrario, condamne toute subdivision des catégories professionnelles qui auraient un effet.

- C’est toutefois sur le second terrain, la régularité de la procédure d’information-consultation, que la décision est la plus intéressante et atteste de ce que les acquis de la jurisprudence judiciaire sont bien relayés par les juridictions administratives.

Ainsi, le contrôle par le Direccte de la régularité de la procédure d’information-consultation est-il censuré. En effet, le tribunal a constaté que la délégation unique avait demandé l’assistance d’un expert rémunéré par l’entreprise (à laquelle lui donnent droit les articles L1233-34 et L2325-40 du Code du travail). Or, l’employeur avait répondu que les frais seraient à la charge de la délégation unique et celle-ci s’était dès lors contentée d’une prestation réduite. A l’instar de la Cour de cassation auparavant[4], le tribunal administratif (tout en prenant en compte la situation spécifique de la société mise en liquidation judiciaire) n’y voit pas un obstacle au droit à l’assistance par un expert. En effet, selon les juges, l’irrégularité commise (refus du concours d’un expert-comptable pour l’exercice de sa mission légale) avait eu « pour effet d’empêcher leurs membres de délibérer et de rendre un avis en toute connaissance de cause » et ainsi  « d’empêcher la délégation d’émettre un avis éclairé sur le plan de sauvegarde de l’emploi qui lui était soumis ».

Le tribunal annule finalement la décision d’homologation, qui n’avait pas tenu compte du principe de l’ « effet utile »[5] de la consultation. En conséquence, les licenciements sont, dans ce cas, privés de cause réelle et sérieuse[6].

 

[1] du 14.06.13.

[2] Article L1235-7-1 du Code du travail issu de la loi de sécurisation. Sur la compétence exclusive des tribunaux administratifs, incluant la compétence en référé, cf. CA Versailles, 22.01.14, n°13/07899.

[3] « la notion de catégorie professionnelle, qui sert de base à l’établissement de l’ordre des licenciements, concerne l’ensemble des salariés qui exercent au sein de l’entreprise des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune ». La formule n’est pas sans rappeler celle employée dans le célèbre arrêt Samaritaine, rendu par la Chambre sociale de la Cour de cassation le 13.02.1997.

[4] Cass.soc.7.02.1998, P n°96-21205.

[5] Cf. les conclusions du rapporteur J-P. Mazaud, La liquidation ne doit pas faire obstacle à l’effet utile de l’information/consultation du CE, Semaine sociale Lamy du 13.01.14, n°1613.

[6] A noter que la nullité des licenciements et la réintégration de droit qui s’ensuit n’est encourue que, comme auparavant, en cas d’annulation de la décision d’homologation (ou de validation) en raison de l’insuffisance ou l’absence de plan de sauvegarde de l’emploi.

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