Heures de délégation : pas de paiement, pas de contestation

Publié le 01/06/2016

Les heures de délégation prises hors temps de travail ne peuvent être contestées par l’employeur qu’après avoir été payées. C’est le principe que vient rappeler la chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt récent du 19 mai 2016. Cass. Soc., 19 mai 2016, n°14-26.967, publié.

 

  • Qu’est-ce qu'une heure de délégation ? 

Les heures de délégation correspondent à un quota d’heures mensuelles attribuées par la loi aux membres titulaires d'un mandat au sein d'une institution représentative du personnel (membre du comité d'entreprise, délégué du personnel,...).  Elles sont payées par l’employeur comme des heures travaillées.

Les heures de délégation sont en principe à la libre disposition du salarié, titulaire d'un mandat. Cependant, l’employeur peut, à des fins de contrôle et de gestion, exiger du salarié qu’il remplisse des bons de délégation. Le temps passé en réunion de l’institution à laquelle le salarié appartient n’est pas décompté des heures de délégation.

Cet arrêt rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation a trait aux modalités de contestation des heures de délégation.

  • Faits, procédure et problématique…

Dans cette affaire, un chauffeur-livreur est titulaire d’un mandat de délégué syndical.  Afin d’obtenir le paiement de ses heures de délégation accomplies en dehors de son temps de travail, le représentant syndical saisit en référé le conseil de prud’hommes.

Devant la cour d’appel, l’employeur soutient que lorsque le salarié saisit la justice pour obtenir le paiement de ses heures de délégation, « il n’est pas interdit à l’employeur de contester, dans le cadre d’un moyen de défense, le droit pour le salarié à solliciter le paiement de telles heures ».

L’employeur ajoute qu'un tel moyen de défense peut être invoqué y compris devant le juge des référés, auquel il incombe alors de vérifier si la contestation de l’employeur quant à l’utilisation des heures de délégation est sérieuse et de nature à s’opposer au paiement par provision des heures de délégation. 

La juridiction du second degré écarte l'argumentation de l’employeur et le condamne au paiement des heures de délégation litigieuses. Sur le fondement de l’article L. 2143-17 du Code du travail, la cour d’appel rappelle qu’il y a une présomption de bonne utilisation des heures de délégation prises hors temps de travail, dans la limite du crédit d’heures, et impose leur paiement à l’échéance normale avant toute action en contestation de leur usage.

S'estimant lésé, l'employeur décide de se pourvoir en cassation.

Dans quelles conditions l’employeur peut-il contester les heures de délégations ? Telle est la question débattue devant la chambre sociale de la Cour de cassation.

 

  • L’employeur doit payer les heures de délégation avant de pouvoir les contester 

Les magistrats du Quai de l’Horloge valident la décision de la cour d’appel et rappellent que « le salarié, délégué syndical, disposait d’heures de délégation, que sa demande n’excédait pas le crédit d’heures dont il bénéficiait à ce titre, et que l’employeur, qui contestait l’utilisation de ces heures de délégation en dehors des heures habituelles de travail, ne les avaient pas payées à l’échéance normale ».

En conséquence, l’employeur aurait dû payer les heures de délégation avant de pouvoir les contester et d’en obtenir l’éventuel remboursement. La position de la chambre sociale dans cet arrêt s’inscrit dans la droite ligne de sa jurisprudence (1).

Les représentants du personnel sont présumés faire une bonne utilisation de leurs heures de délégation. Il existe une présomption de bonne foi à cet effet.

Par ailleurs, l’employeur ne peut pas subordonner le paiement des heures de délégation à la justification par le représentant syndical de leur bonne utilisation. Il s’expose dans ce cas à une condamnation pour délit d’entrave (2).

Toutefois, une nuance de taille est à apporter : ces règles n’ont pas vocation à s’appliquer aux heures de délégation prises en plus du crédit d’heures en cas de circonstances exceptionnelles. La chambre sociale l'a d'ailleurs rappelée dans un arrêt de 2001(3) : les heures de dépassement pour circonstances exceptionnelles ne bénéficient ni du paiement de plein droit à échéance noramle, ni de la présomption de bonne utilisation. Il est également à préciser que lorsque le crédit d'heures a été dépassé, c'est au représentant du personnel d'apporter la preuve de l'existence de circonstances exceptionnelles justifiant un tel dépassement eu égard à sa fonction (4).

En la matière, avant d'engager une action en remboursement devant le conseil de prud'hommes, l'employeur doit demander aux représentants du personnel de préciser les activitées exercées durant leur temps de délégation. Ce n'est qu'ensuite que l'employeur pourra agir en remboursement des sommes versées. A défaut, l'employeur s'exposera au rejet de sa demande et pourrait même être condamné pour délit d'entrave ainsi qu'au paiement de dommages et intérêts (5).

C'est à bon escient que la chambre sociale de la Cour de cassation encadre strictement la contestation des heures de délagation puisque c'est notamment grâce à elles que l'action syndicale prend toute sa mesure et son effectivité. 



(1) Cass. Soc., 18.01.1997, n°95-43.415.

(2) Cass. soc., 11.05.1999 n°98-82.900.

(3) Cass. soc., 26.06.2001 n°98-46.387.

(4) Cass. Soc., 6.04.2005 n°03-42.103.

(5) Cass. Soc., 4.12.1991, n°88-44.977.

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